Les recommandations et les conseils en matière d’orientation et d’aptitude professionnelle doivent être donnés aux patients atteints de cardiopathies congénitales dès l’adolescence et constituent une condition préalable importante à la réussite de leur carrière et de leur parcours professionnel. L’orientation professionnelle doit être réaliste et tenir compte à la fois des capacités physiques et intellectuelles. Il faut tenir compte de l’évolution anticipée à long terme de la malformation cardiaque sous-jacente à l’âge adulte. En principe, les enfants, les adolescents et les adultes atteints de cardiopathies congénitales devraient être encouragés à pratiquer une activité sportive régulière. Les conseils sur les types de sport appropriés et l’intensité de l’effort doivent être donnés individuellement en tenant compte de tous les aspects. Le niveau d’activité physique recommandé dépend de la sévérité des lésions hémodynamiques et des symptômes quotidiens et doit être évalué individuellement.
Grâce aux succès de la chirurgie cardiaque pédiatrique et à l’amélioration constante des soins post-interventionnels et du suivi, la plupart des patients atteints de cardiopathies congénitales survivent aujourd’hui. En conséquence, il y a désormais plus d’adultes que d’enfants atteints de cardiopathies congénitales en Suisse. Ces adultes ne sont toutefois pas guéris et beaucoup présentent des résultats hémodynamiques résiduels défavorables et/ou une capacité réduite. Beaucoup sont également porteurs d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur intracardiaque. Ces facteurs ont une influence décisive sur l’aptitude à exercer une profession. Pour un choix de carrière optimal et une planification de carrière, l’orientation professionnelle par les médecins spécialisés joue donc un rôle important.
Outre le choix d’une profession, les loisirs et les activités sportives sont également des aspects importants de l’organisation de la vie. Dans ce domaine également, il convient d’évaluer soigneusement, dès l’enfance et l’adolescence, le spectre des performances et les éventuelles complications, afin de pouvoir fournir des recommandations individualisées concernant les loisirs et les activités sportives. Cet article donne un aperçu des recommandations existantes pour les patients atteints de cardiopathies congénitales.
Aptitude professionnelle
L’apprentissage d’un métier approprié et une activité professionnelle durable dans ce métier sont des aspects importants de la satisfaction dans la vie. Cela vaut bien entendu aussi pour les patients atteints d’une cardiopathie congénitale. Le travail rémunéré est important pour obtenir un revenu régulier et un statut social. Dans notre société, elle est également un élément central de l’intégration sociale et de l’estime de soi. Cependant, la capacité à conserver et à entretenir un emploi ne dépend pas uniquement de la capacité physique. La capacité intellectuelle, la motivation et l’interaction avec les pairs, ainsi que la discrimination potentielle de la part de la société, sont des facteurs importants pour trouver (ou ne pas trouver) une activité professionnelle appropriée. Bien que la majorité des adultes atteints de cardiopathies congénitales aient appris un métier et trouvent également un emploi, davantage de patients travaillent à temps partiel par rapport à la population en bonne santé cardiaque. Plusieurs études ont montré que la participation au travail dépendait de la sévérité de la malformation cardiaque et du niveau d’éducation des patients [1,2]. Ainsi, les patients de plus de 25 ans atteints d’une cardiopathie complexe sont beaucoup plus susceptibles d’être sans emploi rémunéré par rapport à la population normale. Mais les patients qui ont un travail rémunéré sont également confrontés à différents problèmes dans leur progression professionnelle : manque de protection contre la discrimination fondée sur le handicap physique (en particulier chez les employeurs privés), limitation dans le choix de la profession, manque de possibilités de promotion et manque d’encouragement (en partie dû aux absences fréquentes pour raisons médicales, visites médicales, hospitalisations, etc.) Dans une enquête, plus de la moitié des patients ont indiqué au moins un obstacle lié à leur carrière et les raisons les plus fréquentes pour lesquelles ils ont quitté leur emploi étaient le handicap physique, la fatigue et l’instabilité émotionnelle [1].
Une orientation professionnelle appropriée fait partie de la responsabilité des médecins traitants. Les conseils doivent être réalistes et tenir compte à la fois des capacités physiques et mentales. Il est important d’anticiper également l’évolution attendue des performances à l’âge adulte afin de permettre au patient de faire un “choix de carrière éclairé”. Le conseil doit être individuel. Une simple classification des recommandations pour le choix d’une profession sur la seule base de la malformation cardiaque présente est insuffisante en raison de la variation des degrés de gravité au sein d’une même entité et de la variabilité des évolutions cliniques. Les pathologies et problèmes spécifiques (par exemple les troubles du rythme cardiaque, les maladies aortiques, les maladies du tissu conjonctif, les prothèses valvulaires mécaniques, etc.), pour lesquels certaines activités sont a priori déconseillées, nécessitent une attention particulière. Comme décrit dans l’étude de cas 1 , les travaux physiquement exigeants (par ex. menuisier, forestier, ouvrier du bâtiment) ne conviennent pas aux patients atteints d’une maladie des tissus conjonctifs (par ex. syndrome de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos) et d’autres aortopathies, et cette recommandation devrait être discutée dès l’orientation professionnelle à l’adolescence. Il faut déconseiller aux patients présentant déjà des troubles du rythme ou à haut risque de subir des troubles du rythme d’exercer des professions où il existe un danger pour soi-même ou pour autrui en raison d’un trouble de la concentration dû au trouble du rythme (conducteurs de véhicules à moteur ou de véhicules de transport, ouvriers du bâtiment, notamment couvreurs).
En Suisse, la protection contre la discrimination fondée sur le handicap dans la vie professionnelle est relativement faible, en particulier dans le secteur privé. Les personnes concernées ne sont toutefois pas tenues d’informer leur employeur de toutes leurs atteintes à la santé. L’obligation d’information n’existe que si la malformation cardiaque a une influence sur le travail demandé ou si l’on peut s’attendre à une détérioration de la santé. En cas de doute, il est recommandé de signaler dès l’embauche les handicaps physiques et émotionnels (difficultés de concentration, fatigue après plusieurs heures de travail) afin de pouvoir mettre en place des aménagements spécifiques avec l’employeur (horaires flexibles, pression temporelle réduite, organisation du travail plus libre). Les employeurs privés ne sont toutefois pas tenus de mettre en œuvre ces ajustements.
S’il existe une déficience mentale ou intellectuelle, par exemple dans le cadre d’un syndrome (trisomie 21, syndrome de William Beuren, etc.), l’intégration professionnelle doit être encouragée en collaboration avec des organismes d’aide. Différentes institutions peuvent être consultées pour répondre aux questions et aider à choisir une carrière et à résoudre les problèmes liés au travail. Il convient de mentionner l’association “Supported Employment Schweiz” (www.supportedemployment-schweiz.ch), dont l’objectif est “d’aider les personnes handicapées ou d’autres groupes défavorisés à obtenir et à conserver un emploi rémunéré dans des entreprises du marché du travail ordinaire”. L’association Procap (Association pour les personnes handicapées, www.procap.ch) offre également un soutien consultatif.
Aptitude au sport
La consultation pour les enfants et les adolescents atteints de cardiopathies congénitales a évolué au cours des dernières décennies. Alors qu’auparavant, des mesures comportementales plutôt restrictives étaient appliquées en matière d’activités sportives [3], les recommandations faites aux patients sont aujourd’hui beaucoup plus libérales. En principe, les enfants, les adolescents et les adultes atteints de cardiopathies congénitales devraient être encouragés à pratiquer une activité physique régulière. Les “interdictions de faire du sport” ne sont indiquées que dans de très rares cas [4]. Dans l’ensemble, la mort cardiaque subite est un événement rare chez les patients atteints de cardiopathies congénitales connues [5] et la participation à des activités sportives n’est pas associée à davantage de complications cardiovasculaires [6]. C’est pourquoi, en règle générale, les activités sportives sans caractère de compétition conviennent à la plupart des patients.
Pourtant, les adultes atteints de cardiopathies congénitales sont moins impliqués dans des activités sportives que la population en bonne santé cardiaque [6]. Chez les enfants et les adolescents en particulier, un comportement trop protecteur entraîne souvent des conséquences tardives. L’isolement social, le manque de confiance en soi et l’obésité (avec les complications cardiovasculaires tardives qui en découlent) peuvent être favorisés par le manque d’activité physique.
Le niveau d’activité physique recommandé dépend de la sévérité des lésions hémodynamiques et des symptômes quotidiens. Il existe plusieurs directives et recommandations concernant l’évaluation de l’aptitude au sport et à l’activité sportive – aussi bien pour les personnes en bonne santé que pour les malades cardiaques, pour les sportifs amateurs que pour les athlètes (fig. 1) [7,8].
Les patients atteints de cardiopathies congénitales ne sont toutefois pas spécifiquement mentionnés dans ces directives. Un travail récent du groupe de travail GUCH de l’ESC tente de combler cette lacune avec des recommandations d’entraînement individualisées pour les adultes atteints de cardiopathies congénitales [9]. Les recommandations sont basées sur un modèle en 6 étapes (Fig. 2) et prennent en compte, outre l’anamnèse et le diagnostic, cinq paramètres cliniques importants de la performance (fonction ventriculaire, pression artérielle pulmonaire, pathologies aortiques, troubles du rythme et saturation en oxygène), le type d’effort (sports statiques vs dynamiques), les paramètres objectifs de la spiroergométrie et l’intensité du sport.
Sur la base de ces recommandations, le patient de l’exemple 2 devrait continuer à faire du sport à haute intensité.
Des recommandations spéciales s’appliquent aux patients porteurs d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur intracardiaque. Il n’est pas non plus fait mention de recommandations concernant la plongée chez les patients souffrant d’un shunt ou d’un foramen ovale ouvert (PFO). Des directives détaillées à ce sujet sont disponibles auprès de la Société de médecine subaquatique et hyperbare (SUHMS) à l’adresse www.suhms.org.
En conclusion, l’évaluation sportive et les recommandations qui en découlent doivent être effectuées par des cardiologues spécialisés pour tous les patients atteints de cardiopathies congénitales complexes, en tenant compte de tous les aspects individuels.
Littérature :
- Kamphuis M, et al : Employment in adults with congenital heart disease. Arch Pediatr Adolesc Med 2002 ; 156 : 1143-1148.
- Kokkonen J, Paavilainen T : Adaptation sociale des jeunes adultes atteints de cardiopathie congénitale. Int J Cardiol 1992 ; 36 : 23-29.
- Gutgesell HP, et al : Recreational and occupational recommendations for young patients with heart disease. A Statement for Physicians by the Committee on Congenital Cardiac Defects of the Council on Cardiovascular Disease in the Young, American Heart Association. Circulation 1986 ; 74 : 1195A-1198A.
- Graham TP, et al : Task Force 2 : congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2005 ; 45 : 1326-1333.
- Garson A, et al : Ventricular arhythmias and sudden death in children. J Am Coll Cardiol 1985 ; 5 : 130B-133B.
- Opic P, et al : Participation sportive chez les adultes atteints de cardiopathie congénitale. Int J Cardiol 2015 ; 187 : 175-182.
- Pelliccia A, et al : Recommendations for competitive sport participation in athletes with cardiovascular disease : a consensus document from the Study Group of Sports Cardiology of the Working Group of Cardiac Rehabilitation and Exercise Physiology and the Working Group of Myocardial and Pericardial Diseases of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2005 ; 26 : 1422-1445.
- Takken T, et al : Recommendations for physical activity, recreation sport, and exercise training in peediatric patients with congenital heart disease : a report from the Exercise, Basic & Translational Research Section of the European Association of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation, the European Congenital Heart and Lung Exercise Group, and the Association for European Paediatric Cardiology. European journal of preventive cardiology 2012 ; 19 : 1034-1065.
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CARDIOVASC 2015 ; 14(3) : 9-12