Un diagnostic précis, incluant une classification de la souffrance, doit être effectué. Il faut identifier les “cas spéciaux” qui entraînent un traitement somatique concret. Informer le patient des causes possibles et de l’origine (“counseling”). Jusqu’à présent, il n’existe aucun médicament sur le marché dont l’efficacité a été démontrée par des preuves. Le traitement des cas décompensés se fait en équipe interdisciplinaire.
Les acouphènes sont un terme médical désignant un bourdonnement d’oreille perçu par les patients comme un sifflement, un sifflement ou un bourdonnement. C’est l’un des symptômes les plus fréquents en ORL. Le bruit peut se produire dans une oreille ou dans les deux. Le plus souvent, il s’agit de sensations auditives ressenties subjectivement par le patient, sans stimulation acoustique ou électrique extérieure. Les acouphènes sont un symptôme et non une maladie. Mais les acouphènes peuvent avoir un impact considérable sur la qualité de vie et s’accompagnent souvent de troubles anxieux, de dépression et de troubles de la concentration et du sommeil.
De nos jours, environ 10% des personnes souffrent d’acouphènes et 17% de la population a déjà fait l’expérience d’acouphènes de plus de cinq minutes [1]. Pour l’avenir, on s’attend à une augmentation, car la prévalence est en hausse chez les jeunes générations. Les facteurs de risque les plus connus sont l’âge, les troubles de l’audition, l’exposition au bruit, le stress et les maladies mentales [2].
Les acouphènes peuvent être classés selon différents critères (tab. 1). La distinction la plus importante est celle entre acouphènes aigus et acouphènes chroniques. On parle d’acouphènes aigus lorsque les symptômes durent jusqu’à trois mois, et d’acouphènes chroniques lorsqu’ils durent plus de trois mois. Il est important que l’examinateur puisse également percevoir un bruit dans ce dernier cas.
Physiopathologie
Les acouphènes sont la conséquence d’un dysfonctionnement du système auditif qui peut provenir de différentes structures et niveaux. Elle s’accompagne de changements dans le système auditif central, mais aussi dans les zones non auditives. Les acouphènes sont souvent associés à une lésion des structures de l’oreille interne, qui se manifeste généralement cliniquement par une surdité de perception. Les acouphènes chroniques deviennent autonomes avec le temps en tant qu’expression d’un trouble central et deviennent indépendants du trouble initial de l’oreille interne qui en est la cause, de sorte que même des interventions radicales telles que la section du nerf auditif ou l’ablation de la cochlée n’entraînent pas la disparition des acouphènes. C’est pourquoi la recherche se concentre actuellement sur les mécanismes centraux de l’apparition et du traitement. Cependant, la perception n’est possible que par une activation dans le système auditif et un couplage fonctionnel avec les aires frontales et pariétales. Kleinjung et al. rapportent qu’au moins 14 régions du cerveau sont impliquées dans les acouphènes [3].
Par analogie avec le syndrome de douleur chronique, les acouphènes peuvent être considérés comme une “douleur fantôme de l’oreille”. La douleur chronique et les acouphènes sont tous deux associés à des changements fonctionnels spécifiques au sein du système nerveux central, en fin de compte en raison de la plasticité neuronale de la voie auditive centrale et des structures centrales de traitement de la douleur.
Causes
L’acouphène aigu révèle souvent un corrélat de la maladie, comme une inflammation aiguë (otite moyenne aiguë, grippite), un catarrhe de l’oreille moyenne tubaire, une perforation du tympan ou divers traumatismes tels que le bruit, les bangs, les barotraumatismes ou les traumatismes crâniens. Typiquement, les acouphènes aigus surviennent également dans le cadre d’une crise d’audition. Cependant, les acouphènes aigus peuvent également se présenter comme un symptôme unique sans cause apparente, dit idiopathique.
Les acouphènes chroniques sont associés à une perte auditive dans 95% des cas. On peut citer les surdités neurosensorielles telles que la surdité due au bruit, la maladie de Menière, les surdités héréditaires ou, dans de rares cas, le schwannome vestibulaire. Parmi les surdités de l’oreille moyenne, on pense surtout à l’otospongiose (tab. 2). Les causes controversées des acouphènes sont les problèmes de la colonne cervicale tels que les traumatismes de distorsion cervicale ou les tensions musculaires. On discute également d’un lien avec des troubles fonctionnels de l’appareil locomoteur de la mâchoire au sens de la myoarthropathie avec grincement des dents, mais sans explication physiopathologique convaincante.
Dans le cas des acouphènes objectifs, l’examinateur peut percevoir lui-même les sons, par exemple au moyen d’un stéthoscope. Celui-ci peut par exemple être dû à des maladies vasculaires telles qu’un anévrisme de l’artère carotide interne, des sténoses vasculaires artérioscléreuses, des malformations vasculaires artérioveineuses ou une tumeur du glomus. Dans ce dernier cas, les acouphènes sont typiquement synchronisés avec le pouls.
Les acouphènes d’origine musculaire sont une rareté. Il est généré par des contractions musculaires spontanées du muscle stapédien, du muscle tenseur du tympan ou du muscle tenseur du palais. Les acouphènes sont décrits comme des clics, des rythmes ou des salves. Lorsque le muscle tensor veli palatini est impliqué, on observe parfois des mouvements synchrones du palais mou. Un tympanogramme continu permet également d’objectiver ces acouphènes. Le traitement en cas de souffrance importante consiste à sectionner les tendons du muscle stapédien et du muscle tenseur du tympan dans l’oreille moyenne ou à injecter du Botox.
Diagnostic
Dans le cabinet du médecin généraliste, il est important de déterminer si les acouphènes sont aigus ou déjà chroniques. L’anamnèse comprend également un interrogatoire sur les facteurs de risque (bruit, stress, comorbidités), les circonstances d’apparition et le caractère du bruit d’oreille.
Les symptômes otologiques supplémentaires tels que les douleurs auriculaires, la baisse de l’audition, les vertiges ou l’otorrhée, ainsi qu’une otoscopie pour évaluer les tympans, indiquent la procédure à suivre. Un examen au diapason donne en outre des indications sur les troubles de l’audition.
En cas d’acouphènes aigus sans symptômes auriculaires, en particulier sans perte auditive, il est possible d’attendre, car ils sont souvent autolimités et il n’existe pas de traitement fondé sur des preuves. En cas de perte auditive aiguë supplémentaire au sens d’une surdité brusque, en cas d’autres symptômes auriculaires ou en cas de résultats otoscopiques pathologiques, il est recommandé de consulter rapidement un spécialiste ORL.
En cas d’acouphènes chroniques, la procédure est la même en ce qui concerne l’anamnèse et les résultats des examens. En cas d’acouphènes chroniques unilatéraux sans cause anamnestique ou en présence d’un examen pathologique de l’oreille, une IRM doit être réalisée, en particulier en présence d’une surdité de perception unilatérale, afin d’exclure une cause rétrocochléaire (par ex. schwannome vestibulaire). Mais dans le cas des acouphènes chroniques, se pose en plus la question de la souffrance et de la stratégie d’adaptation, c’est-à-dire si les acouphènes sont encore compensés ou non. Il existe divers questionnaires sur les acouphènes (par exemple le Tinnitus Handicap Inventory [THI]) pour estimer le fardeau réel des acouphènes [4]. En cas d’acouphènes chroniques et de souffrance correspondante, il est recommandé de consulter un spécialiste ORL.
Dans la situation plutôt rare d’un acouphène pulsatile, une auscultation des gros vaisseaux du cou et de la région péri-auriculaire est également réalisée. En règle générale, le bilan complémentaire comprend une IRM avec angio-IRM et une échographie duplex des vaisseaux du cou.
Thérapie
En cas d’acouphènes aigus, une thérapie ciblée appropriée est mise en place en présence d’une pathologie causale, par exemple un traitement antibiotique en cas d’otite moyenne aiguë ou un traitement par stéroïdes en cas de surdité brusque ou de traumatisme sonore aigu. La plupart du temps, les acouphènes disparaissent lorsque le corrélat de la maladie est guéri. En cas d’acouphènes aigus sans autre symptôme ou souffrance, il est possible d’attendre l’évolution (Fig. 1).
Parmi les principes de base du traitement des acouphènes chroniques, il faut tout d’abord écouter attentivement les plaintes présentées et les prendre au sérieux. Il convient d’accorder suffisamment de temps à ces conseils lors de la consultation. L’enseignement du diagnostic est suivi de l’explication des facteurs déclencheurs possibles ou des relations physiopathologiques à l’origine de la maladie. Comme de nombreux patients s’inquiètent de savoir si une maladie grave (par exemple la carcinophobie) est à l’origine de leurs symptômes, il convient d’aborder cette question en conséquence. Il convient d’éviter toute sensibilisation.
Par le passé, l’efficacité de divers médicaments contre les acouphènes a été testée. A ce jour, aucun n’a fait la preuve de son efficacité sur la base de preuves. Une méta-analyse de la base de données Cochrane n’a pas non plus démontré d’efficacité pour les préparations à base de plantes comme le ginkgo [5]. En résumé, il n’existe actuellement sur le marché aucun médicament dont l’efficacité a été prouvée et qui a été officiellement approuvé pour traiter les acouphènes chroniques [6].
D’autres méthodes, telles que la stimulation magnétique transcrânienne ou les traitements au laser, ont également été postulées, mais n’ont pas montré d’effet à long terme [7,8]. En revanche, une étude de Cima et al. [9], qu’une approche standardisée par étapes comprenant des éléments de thérapie cognitivo-comportementale et de thérapie de réentraînement aux acouphènes a permis d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant d’acouphènes. D’un point de vue ORL, un éventuel trouble auditif peut être pris en charge par des aides auditives orientées vers la communication. Alternativement, dans les cas appropriés, une réhabilitation auditive chirurgicale au sens d’une prothèse auditive implantable peut être envisagée.
Depuis l’implantation cochléaire, l’effet secondaire positif est une amélioration des acouphènes dans environ 50% des cas [10,11]. Cette option est envisageable en cas de surdité profonde ou de souffrance extrême, car l’opération peut entraîner la perte de l’audition restante. L’implantation est toutefois coûteuse et n’est actuellement pas prise en charge par les caisses d’assurance maladie en cas d’acouphènes seuls.
Chez les patients présentant une comorbidité psychiatrique, la maladie de base doit être traitée. Un état dépressif peut amplifier la perception d’un bruit d’oreille et générer ainsi une spirale négative. Il est donc recommandé de suivre un traitement approprié (médicaments, psychothérapie) afin d’influencer favorablement la symptomatologie dépressive et donc les acouphènes.
Toutefois, le plus important n’est pas la thérapie, mais la prévention. Il est recommandé d’adopter ce que l’on appelle une “hygiène auditive”, en évitant la sur-stimulation acoustique, en se protégeant systématiquement du bruit au travail et pendant les loisirs, en réduisant le stress, en apprenant des techniques de relaxation et en éliminant les facteurs de risque de maladies vasculaires (alimentation, nicotine).
Littérature :
- Henry JA, et al : General review of tinnitus : prevalence, mechanisms, effects, and management. J Speech Lang Hear Res 2005 ; 48 : 1204-1235.
- Schaaf H, et al : Le stress chronique comme facteur d’influence chez les patients acouphéniques. HNO 2014 ; 62 : 108-114.
- Kleinjung T, et al. : Les chemins du silence. Cerveau et esprit 2011 ; 1-2 : 38-42.
- Newman CW, et al : Développement de l’inventaire des handicaps liés aux acouphènes. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1996 ; 122(2) : 143-148.
- Hilton MP, et al : Ginkgo biloba pour les acouphènes. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 28 : 3.
- Baguley DM, et al : Acouphènes. Lancet 2013 ; 382 : 1600-1607.
- Hoekstra CE, et al : La stimulation magnétique transcrânienne répétitive bilatérale à basse fréquence du cortex auditif chez les patients souffrant d’acouphènes n’est pas efficace : un essai contrôlé randomisé. Audiol Neurootol 2013 ; 18 : 362-373.
- Ngao CF, et al : The effectiveness of transmeatal low-power laser stimulation in treating tinnitus. Eur Arch Otorhinolaryngol 2014 ; 271 : 975-980.
- Cima RF, et al : Traitement spécialisé basé sur la thérapie cognitive de comportement versus les soins habituels pour les acouphènes : un essai contrôlé randomisé. Lancet 2012 ; 379 : 1951-1959.
- Arts RA, et al : Review : cochlear implants as a treatment of tinnitus in single-sided deafness. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2012 ; 20 : 398-403.
- Olze H, et al : L’implantation cochléaire a une influence positive sur la qualité de vie, les acouphènes, et la comorbidité psychologique. Laryngoscope 2011 ; 121 : 2220-2227.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(7) : 26-30