Dans le traitement aigu de l’AVC, outre la lyse, le traitement dans une unité d’AVC géographiquement définie (stroke unit) avec une équipe interdisciplinaire et spécialisée est un facteur important pour la réduction de la mortalité et de la morbidité. Au sein de la Stroke Unit, le traitement neurorééducatif interdisciplinaire est une composante déterminante pour une utilisation optimale du potentiel de récupération et un bon succès à long terme. Selon les études, un début de traitement précoce et une intensité de traitement élevée sont déterminants pour le succès à long terme. Toutefois, le moment idéal doit être déterminé individuellement après avoir évalué les risques.
L’AVC aigu est la première cause d’invalidité chez les adultes dans les pays industrialisés. Actuellement, nous estimons que 150 événements pour 100 000 habitants se produisent chaque année en Suisse. Outre les facteurs de risque vasculaires classiques, l’âge est un facteur de risque pertinent. Ainsi, le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) augmente de manière significative avec l’âge, atteignant environ 1000 événements pour 100 000 habitants par an chez les personnes de plus de 85 ans. Chez environ 85% des personnes concernées, l’attaque cérébrale est due à un trouble de la circulation sanguine, tandis qu’environ 15% sont victimes d’une hémorragie.
Traitement dans l’unité de soins intensifs
Un traitement aigu dans une stroke unit, mis en place le plus rapidement possible, représente un avantage décisif pour la réduction de la mortalité et des déficits fonctionnels à la phase précoce de l’AVC. Par Stroke Unit, nous entendons une unité de traitement dotée d’une infrastructure et de personnel. Une équipe de traitement interdisciplinaire, composée de thérapeutes, d’infirmiers et de médecins spécialistes des AVC, est responsable de la prise en charge des patients et entretient des échanges étroits et continus. Sur la base d’un concept de traitement global, il est possible de recourir à une thérapie de lyse intraveineuse et/ou intra-artérielle, à une thrombectomie ainsi qu’à une décompression neurochirurgicale en cas d’ischémie ou d’hémorrhagie formant une cavité.
Indredavik et al. [1] ont pu démontrer dans une première étude randomisée en 1991 la supériorité du traitement dans une stroke unit en cas d’infarctus cérébral ischémique. Dans l’étude norvégienne, 110 patients victimes d’un AVC aigu ont été traités dans une stroke unit ou pris en charge dans un service de médecine interne générale. Le traitement ne différait que pendant les six premières semaines, et l’évaluation de l’évolution a été effectuée après six et 52 semaines. La première évaluation à six semaines montre un avantage significatif en termes de survie après le traitement dans une stroke unit. Ainsi, 17,3% des patients traités de manière traditionnelle et 7,3% des patients pris en charge par l’unité de soins intensifs sont décédés. Un nombre significativement plus élevé de patients ont pu rentrer chez eux après avoir été traités dans l’unité de soins intensifs et n’ont pas dû être transférés dans un établissement de soins. Cet effet a également été observé lors de l’évaluation de l’évolution à un an, mais à ce stade, il n’y avait plus de différence significative en termes de survie : 24% des patients sont décédés après avoir été pris en charge par l’unité d’AVC contre 32,7% après un traitement traditionnel. La fenêtre critique en termes de survie était la phase subaiguë (jours 5-42). La cause du décès a généralement été déterminée cliniquement. Dans le groupe traité traditionnellement, les causes de décès documentées étaient plus souvent une pneumonie, une embolie pulmonaire aiguë et un nouvel accident vasculaire cérébral.
Concept de traitement compréhensif et structuré
Après les soins aigus, l’unité d’urgence procède donc à une évaluation intensive des causes au moyen d’une imagerie vasculaire, d’une recherche cardiaque de la source de l’embolie et de tests de laboratoire, et met en place une prophylaxie médicamenteuse secondaire appropriée afin de minimiser le risque de récidive de l’AVC.
Il est essentiel de bien contrôler la pression artérielle et la glycémie, ainsi que de prévenir et de traiter les infections, en particulier les pneumonies. Les infections représentent un risque important de mortalité et sont la conséquence à la fois de l’immobilisation et de l’absence de réflexes de protection suite aux lésions cérébrales avec un risque accru d’aspiration. Les infections seraient également favorisées par une hyperactivité du système nerveux sympathique, déclenchée par un moins bon contrôle immunologique après un infarctus cérébral majeur [2].
L’évaluation de la déglutition et l’entraînement individuel à la déglutition par une équipe d’orthophonistes spécialisés sont indispensables pour prévenir l’aspiration et le risque accru de pneumonie qui y est associé. Le type de régime alimentaire approprié et la composition de la nourriture sont déterminés avec des spécialistes de la nutrition.
En 2007, une grande méta-analyse d’études d’observation a permis d’étayer l’avantage de survie après un traitement par unité d’AVC, même dans le “monde réel”. Cet avantage était essentiellement dû à des infections pulmonaires moins fréquentes et à un nombre inférieur de récidives et de progression d’AVC par rapport au traitement conventionnel [3].
Selon une étude de 2011, le traitement dans une stroke unit semble être encore plus efficace, avec une tendance à un meilleur résultat fonctionnel, lorsque la sortie et les mesures de rééducation ont été accompagnées par une équipe spécialisée [4].
Rééducation précoce au sein de la Stroke Unit
L’un des facteurs essentiels de la réussite des Stroke Units est le début précoce de la rééducation après une évaluation structurée basée sur la fonction, basée sur un concept de traitement interdisciplinaire par des physiothérapeutes, des ergothérapeutes et des orthophonistes. La rééducation, qui intervient à un stade précoce, a pour but de minimiser les effets de la lésion de l’organe, de favoriser la récupération et de prévenir les complications secondaires. Une première information sur l’adaptation du mode de vie dans le but de réduire le risque d’événements cérébrovasculaires à l’avenir fait partie du concept de prise en charge ; une formation intensive et une aide à la mise en œuvre, comme par exemple l’arrêt de la nicotine, s’ensuivent pendant le traitement de réadaptation stationnaire ou ambulatoire. Les visites régulières dans les unités d’AVC sont accompagnées d’un médecin rééducateur d’un établissement associé de rééducation des AVC. Celui-ci aide à définir des priorités dans le cadre du concept thérapeutique multimodal dès la phase aiguë et à évaluer le potentiel de rééducation. En outre, il est possible d’établir un contact personnel avec le patient et de créer ainsi une bonne base pour un séjour de rééducation adapté à chaque patient.
Quel est l’impact de la réhabilitation précoce ?
L’objectif de la neuroréhabilitation qui s’ensuit est de soutenir la récupération fonctionnelle et, en cas de récupération fonctionnelle insuffisante, de favoriser les mécanismes de compensation et d’adaptation.
La restauration de la fonction neuronale s’effectue par l’activation des réseaux cérébraux inactifs ou associés, dans le but d’effectuer le mouvement et de l’utiliser pour des activités de la même manière qu’avant l’accident vasculaire cérébral ; les parties originales du corps peuvent être utilisées de manière inchangée pour effectuer une tâche. Les mécanismes de compensation adaptative entraînent, au niveau neuronal, l’activation de zones cérébrales qui ne sont normalement pas sollicitées pour la fonction. Ainsi, un mouvement peut à nouveau être réussi en activant de nouveaux schémas de mouvement et des tâches peuvent être accomplies en utilisant d’autres parties du corps et d’autres effecteurs. Malheureusement, les schémas de mouvements adaptatifs sont généralement peu économiques, ce qui peut entraîner une fatigabilité particulièrement importante.
Dans une étude sur le traitement dans une unité d’AVC avec rééducation précoce intégrée, la mobilisation précoce, suivie d’un bon contrôle des valeurs de la pression artérielle diastolique, était un facteur associé déterminant pour la possibilité d’un retour à domicile. Le début précoce des mesures de neuroréhabilitation a également permis de documenter expérimentalement chez l’animal une meilleure connectivité par l’activation des protéines de signalisation intracellulaires et des neurotransmetteurs dans les trois semaines suivant l’accident vasculaire cérébral.
Les mesures de réhabilitation précoce favorisent la récupération et luttent contre le “learned non-use”. Ils préviennent les complications infectieuses et la tendance à l’orthostatisme et empêchent le déconditionnement. Les risques potentiels d’une mobilisation précoce sont une détérioration de la perfusion dans la zone entourant le noyau de l’infarctus, une zone où l’autorégulation cérébrale de la circulation sanguine est perturbée. Chez les patients présentant des sténoses des vaisseaux extracrâniens et intracrâniens d’apport cérébral avec une réserve de perfusion limitée, la mobilisation précoce peut également entraîner une perfusion significativement plus faible. En outre, une extension possible de la zone endommagée en cas d’activation précoce par un excès de neurotransmetteurs excitateurs est discutée dans les expériences sur les animaux [5].
Ainsi, une grande étude randomisée sur la mobilisation très précoce (dans les 24 heures suivant le début de l’AVC) n’a montré aucun avantage en termes de récupération fonctionnelle et aucune différence en termes de complications liées à l’immobilité, avec une mortalité comparable à trois mois (7% de traitement habituel vs 8% de mobilisation très précoce). Parmi les patients décédés précocement, un AVC progressif a été détecté plus souvent dans le groupe ayant commencé le traitement très tôt (n=31) que dans le groupe suivi de manière traditionnelle (n=16) [6].
Étant donné que l’immobilisation entraîne des taux de complications plus élevés et que le début précoce des mesures de rééducation a un effet positif sur la récupération et les résultats à long terme, les patients victimes d’une attaque cérébrale devraient être mobilisés le plus tôt possible et commencer un entraînement de rééducation adapté. Toutefois, le moment idéal doit être déterminé individuellement après avoir évalué les risques [5].
Situation de la Suisse
L’établissement de 9 centres d’AVC et de 14 Stroke Units avec des établissements de rééducation associés a permis d’assurer une prise en charge de haute qualité des patients victimes d’AVC sur l’ensemble du territoire suisse. Ainsi, l’étroite coopération entre les cliniques de soins aigus et de réadaptation a pour but d’exploiter au mieux le potentiel de récupération des personnes atteintes d’AVC et de favoriser leur réintégration sociale (fig. 1 et 2).
Ce n’est que récemment qu’une étude menée en Suisse a démontré la supériorité du succès du traitement après trois mois dans une Stroke Unit définie géographiquement avec une équipe spécialisée par rapport au traitement dans une unité de soins intensifs, suivi d’une prise en charge par une équipe spécialisée dans les AVC sans unité infrastructurelle [7].
Remerciements : L’auteur remercie M. Serafin Beer, médecin-chef de la clinique de neurologie et de neuroréhabilitation, Valens, pour ses précieuses suggestions et sa relecture du manuscrit.
Littérature :
- Indredavik B, et al : Avantages d’une unité pour AVC. Accident vasculaire cérébral 1991 ; 22 : 1026-1031.
- Meisel Ch, et al : Suppression de l’immunosuppression après un accident vasculaire cérébral. NEJM365 ; 22 Décembre 1, 2011.
- Seenan P, et al : Les unités d’AVC dans leur habitat naturel : revue systématique des études d’observation. Stroke 2007 ; 38 : 1886-1892.
- Fjaertoft H, et al : Stroke unit care combined with early supported discharged outcome : a randomized controlled trial 5-year outcome. Accident vasculaire cérébral Jun ; 42(6) : 1707-11
- Beer S, et al. : Au nom de la Société suisse de neuroréhabilitation (SNRG) et du groupe thématique “Neuroréhabilitation” du Groupe de travail cérébrovasculaire suisse (ZAS) Neuroréhabilitation après une attaque cérébrale. Suisse. Forum Médical 2007 ; 7 : 294-297.
- Bernhardt J, et al : The AVERT Trial Collaboration group. Efficacité et sécurité de la mobilisation très précoce dans les 24 h du début de l’accident vasculaire cérébral (AVERT) : un essai contrôlé randomisé.
- Cereda CW, et al. : Les effets bénéfiques d’une unité de soins intensifs de courte durée vont au-delà du moniteur. Cerbrovasc Dis. 2015 ; 39(2) : 102-9.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2017 ; 15(1) : 12-15