Une recherche sur Internet donne environ 57 millions de résultats pour le terme “burnout”. Les participants au premier symposium sur le burnout à Pfäffikon ont pu acquérir des connaissances bien plus importantes. Ce que les experts en burnout et l’Institut de médecine du travail ifa considèrent comme l’état de l’art en matière de prophylaxie, de thérapie et de réhabilitation est bien plus utile pour une approche professionnelle des “épuisés” que de googler des dizaines de fois.
Le thème de la première conférence sur le burnout organisée par l’Institut de médecine du travail ifa à Baden sous la direction scientifique du Dr Claude Sidler était “Burnout, le chemin du retour”. La réinsertion des patients atteints de maladies psychologiques et psychiatriques devient de plus en plus importante, ces maladies ont connu une augmentation 8 fois plus rapide que les maladies somatiques dans les statistiques de mise en invalidité au cours des 25 dernières années. Mais la prévalence des troubles mentaux n’augmente pas en soi, comme l’a souligné le Dr Niklas Baer de l’AI à Liestal. Il s’agirait plutôt d’une sensibilisation accrue et d’une focalisation plus forte sur les problèmes psychologiques, ainsi que d’une modification de l’évaluation de la capacité de travail, qui auraient contribué à cette augmentation. Les conseils et le soutien aux personnes concernées devraient donc, dans la mesure du possible, être coordonnés en conséquence avec l’employeur.
Retour dans la fosse aux lions
En vertu du droit du travail, un travailleur qui tombe malade est tenu de se faire soigner au maximum. Mais que se passe-t-il si un patient atteint de burnout et ayant suivi une thérapie retourne dans la gueule du loup sans que rien n’ait changé ? “Sans changement sur le lieu de travail, le pronostic est minable”, a conclu le Dr Sidler. La réintégration n’est pas facile, mais elle vaut la peine d’être tentée. Environ 15 à 20 % des personnes touchées par un burnout sévère reprennent ensuite leur travail au maximum, selon le modeste rendement obtenu jusqu’à présent. Du point de vue des spécialistes, il est donc trop peu clairvoyant de “traiter” un travailleur stressé dans un cabinet médical de manière à ce que des conditions de travail défavorables soient supportées pendant une période supplémentaire, sans en éliminer les causes. Le Dr Sidler a souligné que les médecins du travail, qui connaissent les structures de travail et les processus de l’entreprise, jouent un rôle clé dans ce domaine.
La grande question est de savoir si la situation sur le lieu de travail est réellement si grave ou si c’est la peur perçue qui constitue le problème principal. Les patients qui tombent malades mentalement en raison de leur situation professionnelle ne sont souvent plus très productifs et perturbent l’ambiance de travail. Les employeurs ont du mal à gérer les personnes qui se montrent psychologiquement instables. Selon une enquête, ils sont plus enclins à soutenir les travailleurs souffrant de maladies physiques et de douleurs somatoformes que les personnes souffrant de troubles de la personnalité ou de dépression, a rapporté le Dr Baer. Les patients souffrant de problèmes de santé mentale sont également les derniers à être recrutés. Les principales qualités recherchées par les travailleurs sont la fiabilité et la santé. Mais les stigmates ne sont pas seulement un problème du côté des travailleurs, même les malades mentaux eux-mêmes se donneraient peu de chances de trouver un emploi. “Les craintes sont un thème général des deux côtés”, a souligné le Dr Baer. “Il faut absolument leur parler. Un bon contact avec le chef et un feedback positif sont extrêmement importants”.
Dans une étude sur les employés difficiles, les personnes qui nient les erreurs et se montrent capricieuses ont été classées comme étant les plus problématiques pour les patrons. Selon cette étude, les cadres peuvent être classés en quatre types : Les activistes (15%), les attentistes (24%), les demandeurs de performance (47%) et les demandeurs d’aide professionnelle (14%). Les réactions au sein des équipes ont également été interrogées : plus la colère s’accumule, plus l’empathie pour le collègue malade diminue et plus le licenciement intervient tôt. “Il y a de nombreuses raisons de faire appel à un médecin très tôt, avant que la compassion ne tombe à zéro”, a déclaré le Dr Baer. Les patrons doivent réagir en valorisant l’employé, en donnant des indications claires sur les attentes et en demandant à l’employé pénible d’aller voir le médecin. Et plus tôt que jusqu’à présent ! Le temps moyen pour se séparer d’un employé difficile est d’environ 2,8 ans, une longue période de souffrance pour les deux parties.
Voici comment les CFF procèdent
Les CFF ont déjà réagi au problème du burnout dans les rangs de leurs 29000 collaborateurs, comme l’a indiqué le chef du personnel Markus Jordi. “Jusqu’à présent, les absences pour cause de maladie coûtaient à l’entreprise 120 millions de francs par an”, a-t-il expliqué du point de vue de la gestion. Une meilleure gestion signifie également moins de jours d’absence, selon l’hypothèse de base. Dès les premiers signes de baisse de performance, l’objectif premier est de rétablir la capacité de travail. Sur l’Intranet des CFF, chaque collaborateur trouve la définition du burnout et l’invitation à s’adresser au service médical pour obtenir un conseil collégial en cas d’indices indiquant que le collaborateur est concerné. L’exigence et la récompense doivent être en adéquation avec la satisfaction professionnelle de l’individu, selon une autre règle de management des CFF. Il faut aussi y veiller lors de la réintégration, a expliqué M. Jordi.
Les conséquences de la frustration au travail peuvent se manifester physiquement et psychologiquement. Dr. med. Dieter Kissling, Baden, s’occupe depuis de nombreuses années de la promotion de la santé en entreprise, a fondé l’ifa et conseille de grandes entreprises en Suisse. Pour lui, le burnout est une maladie de l’anxiété. “Nous devons infiltrer les chefs avec des transparents”, dit-il. Le premier réflexe masculin des dirigeants lorsqu’un collaborateur est concerné est la défense : “Cela n’a rien à voir avec moi”. Si la sensibilisation réussit, le comportement des cadres s’améliore. L’exigence d’être joignable en permanence et le déséquilibre entre le travail et les loisirs ne peuvent être résolus par l’individu lui-même, les cadres doivent apprendre à reconnaître les personnes à risque et à agir. La liberté d’action et le pouvoir de décision sont des besoins importants pour les travailleurs.
Inventaire Maslach du burnout
Le Dr Beate Schulze de Zurich est sociologue et psychologue et étudie les facteurs de risque et de résilience de l’épuisement professionnel ainsi que les conditions d’engagement et de motivation dans un monde du travail globalisé. En collaboration avec des experts, elle a fondé le Swiss Expert Network on Burnout. Pour eux, le burnout est plus qu’un épuisement, mais pas encore une dépression. La prise de position sur le burnout de la Deutsche Gesellschaft für Psychiatrie, Psychotherapie und Nervenheilkunde (DGPPN) de mars 2012 résume très bien la problématique du codage, selon leur remarque(fig. 1) [1, 2]. Un chevauchement entre burnout sévère et dépression entraîne une confusion des termes entre le concept de burnout en psychologie du travail et le diagnostic médical d’épisode dépressif.
Les tests établis en psychologie du travail sont adaptés à la détection du syndrome d’épuisement professionnel dans la pratique clinique quotidienne. L’outil le mieux validé est le Maslach Burnout Inventory (MBI). L’épuisement professionnel se développe comme une réaction de stress persistante à des charges de travail chroniques, avec trois symptômes clés :
- L’épuisement fait référence au sentiment d’être vidé de ses forces, tant émotionnellement que physiquement.
- Le cynisme décrit une attitude distante et indifférente vis-à-vis du travail.
- L’inefficacité décrit le sentiment d’échec professionnel et la perte de confiance en ses propres capacités.
En outre, il existe deux autres critères :
- Le burnout est généralement lié au travail.
- Les attentes inappropriées et les exigences émotionnelles élevées jouent un rôle important.
Une étude prospective finlandaise, qui a examiné le lien entre le burnout et la dépression sur une période de sept ans, a montré que le burnout peut préciser l’apparition d’une symptomatologie dépressive et, par la suite, d’une insatisfaction de vie. En revanche, il n’y avait aucune preuve que les symptômes dépressifs augmentaient à l’inverse le risque de burnout. Du côté positif, le bien-être et l’engagement liés au travail étaient associés à une grande satisfaction et non à la dépression. Il apparaît ainsi clairement que le vécu de la situation de travail conditionne la santé générale et la satisfaction de vie [3].
Hospitalisation ou ambulatoire ?
Le Dr Barbara Hochstrasser, médecin-chef de la clinique privée Hasliberg, évalue dans un premier temps la nécessité d’un séjour pour les personnes souffrant de burnout, en examinant déjà les symptômes (neurasthénie, dépression, fatigue chronique), l’environnement social et ce qu’un patient attend d’un séjour. 80 à 90% des patients hospitalisés souffrent d’une dépression sévère. La thérapie est donc multimodale, mais elle est toujours ciblée en fonction des besoins et des déficits. “Nous ne faisons pas un peu de tout, mais apprenons au patient des stratégies qu’il peut utiliser durablement”. La dépression s’améliore généralement plus rapidement que l’épuisement, il faut éviter de solliciter à nouveau les patients trop tôt. Un séjour à Hasliberg dure de huit à douze semaines.
Le Dr Milan Kalabic, médecin-chef de la clinique de Teufen, a montré que le burnout pouvait très bien être traité en ambulatoire. Mais pour éviter que les patients ne s’épuisent, il faut des médecins généralistes sensibles, espère-t-il. Un symptôme d’alerte peut être, par exemple, le fait qu’une personne continue à se stresser de manière excessive pendant ses loisirs ou qu’elle utilise l’alcool pour se détendre. L’activisme de fuite et les troubles du sommeil sont quasiment des “red flags”. “L’âme a besoin de calme pour être ressentie”, explique le psychiatre. La thérapie ambulatoire de quatre semaines à Teufen comprend, outre la psychothérapie, un entraînement médical modéré et régulier. Le taux de réussite serait très bon, 82% des personnes traitées étant pleinement aptes au travail après un an.
Médicaments par symptôme cible
Les médicaments contre le burnout sont indispensables dans les formes très graves, comme l’a souligné le Dr Hanspeter Flury de Rheinfelden. La psychopharmacologie fait partie intégrante du plan de traitement global qu’il établit avec le patient. Les médicaments sont utilisés selon l’état de l’art, en fonction du diagnostic et des symptômes ciblés, et ce de manière précoce et intensive. Une entrée par les troubles du sommeil ou les douleurs ou la nervosité peut ouvrir la voie. “Se ressourcer, s’orienter, changer” sont les lignes directrices. Il faut faire attention à ne pas sous-estimer le facteur temps. Il n’y a aucune raison de se précipiter, il faut prendre le temps de doser les médicaments. Le sentiment du patient d’être maître de la situation l’aide. En cas de troubles du sommeil, les gouttes Trittico®, Remeron® et Surmontil® ont fait leurs preuves. Efexor® et Remeron® peuvent être très bien combinés. La médication dans les cas graves de burnout doit être intégrée dans un plan de traitement global multi-méthodes et multi-phases, qui comprend également une psychothérapie, des entretiens avec les proches, des interventions centrées sur le corps et sur le lieu de travail, a souligné le Dr Flury.
Source : Symposium “Burnout – Le chemin du retour” le 6 décembre 2012 à Pfäffikon.
Littérature :
- Papier de position de la DGPPN sur le burnout à télécharger sur www.dgppn.de
- Maslach C, Jackson SE : The measurement of experienced burnout. J Occupat Behav 1981 ; 2 : 99-113.
- Hakanen JJ, Schaufeli WB : Le burnout et l’engagement au travail prédisent-ils les symptômes dépressifs et la satisfaction de vie ? Une étude prospective de trois vagues sur sept ans. J Affect Disord 2012 ; 141(2-3) : 415-424.