Les traumatismes crâniens (TC) sont souvent banalisés dans le sport [1]. Des conséquences à court et à long terme peuvent survenir, par exemple des troubles moteurs pouvant entraîner d’autres blessures, une baisse des performances, des vertiges, des nausées, des troubles de la concentration. On ne peut qu’émettre des hypothèses sur les raisons de cette minimisation. Il est certain que l’attitude des sportifs très motivés qui veulent reprendre rapidement leurs activités, l’impossibilité de prouver l’existence d’un quelconque dommage et le manque de personnel médical qualifié sur place en font partie.
Comme indiqué dans le
première partie de cette série d’articles
expliqué, la reconnaissance d’un traumatisme crânien léger dans le sport sur le lieu de l’événement est la mesure la plus importante. L’observation de l’accident et l’identification des premiers symptômes sont la base d’une détermination correcte de la marche à suivre. Il convient de souligner qu’une commotion cérébrale n’entraîne pas nécessairement une perte de conscience, une amnésie ou des vomissements, comme on le croit encore à tort. Mais ces signes peuvent bien entendu être présents. Les signes aigus d’un TCC léger, qui apparaissent dans les secondes ou les minutes suivant l’application de la force, sont des maux de tête (présents dans près de 95% des cas), des vertiges (75% des cas), une désorientation, une parole brouillée, des nausées, des troubles de l’équilibre, des troubles de la vision, de la fatigue, une sensibilité à la lumière, une sensibilité aux bruits, et d’autres encore. Ces symptômes somatiques peuvent également s’accompagner de troubles cognitifs tels que confusion, ralentissement du temps de réaction, difficultés de concentration (déclarés dans 68% des cas) et de signes émotionnels tels que labilité de l’humeur, irritabilité, agressivité. En traumatologie conventionnelle, le “Glasgow Coma Score” est toujours utilisé en cas de traumatisme crânien (tableau 1).
Si un ou plusieurs de ces signes cliniques sont présents avec une séquence traumatique correspondante, une commotion cérébrale est probable et les mesures médicales adaptées doivent être mises en place. La première s’appelle “Sport stop”, en d’autres termes, l’activité sportive doit être immédiatement interrompue afin d’organiser la suite des investigations dans le calme. En anglais, il s’agit de “When in doubt – take him out”. Pour effectuer systématiquement ces premières évaluations importantes sur le lieu de l’accident, il existe des outils pratiques qui ont été développés par les principales fédérations sportives, par exemple l’outil appelé “Concussion Recognition Tool Taschenkarte” de la DFB (Fig. 1) [3], une version allemande du “Concussion Recognition Tool 5 (CRT5)” [4].
A partir du moment où le sportif a été retiré de la compétition, il doit être encadré et surveillé, c’est-à-dire ne pas être laissé seul – si possible dans une pièce calme et obscure. Une petite remarque intermédiaire s’impose ici : l’action de forces biomécaniques nocives directement sur la tête ou indirectement sur d’autres parties du corps avec transmission à la tête peut dans certains cas déclencher plus qu’un TCC, et il est recommandé de déplacer le sportif blessé ou d’enlever le casque avec les précautions qui s’imposent : les lésions cervicales sont des lésions combinées tout à fait possibles ! Une évaluation médicale doit être effectuée dès que possible afin de déterminer si une hospitalisation (toujours après une perte de conscience) et des examens techniques supplémentaires (radiographie, scanner, IRM, etc.) sont indiqués. Un outil utile, appelé document SCAT-3, a également été développé pour cette étape [5,6]. Ce document existe également pour les enfants.
Plusieurs groupes de recherche s’efforcent de trouver un marqueur biologique, si possible détectable dans le sang. Récemment, la FDA américaine a approuvé une telle substance (Banyan Ubiquitin C-terminal Hydrolase-L1TM (UCH-L1) [7] and Banyan Glial Fibrillary Acidic ProteinTM [GFAP]). [8], et à Oslo, des recherches actives sont menées au Oslo Sports Trauma Research Center (Tau protein and neurofilament light chain in serum). Il y a également beaucoup à attendre de l’IRM fonctionnelle à l’avenir.
En ce qui concerne le traitement de la contusion liée au sport, il faut préciser qu’aucun traitement spécifique n’est connu à l’heure actuelle. L’objectif est de rétablir la fonction entre les cellules nerveuses du cerveau, perturbée par le traumatisme, et de relancer la connectivité subtile. Pour cela, le calme, c’est-à-dire une réduction stricte des stimuli extérieurs de toutes sortes (lumière, bruit, activités intellectuelles), semble avoir le meilleur effet. Bien qu’il n’y ait pas encore de preuve absolue de la durée de ce repos, 24 à 48 heures semblent appropriées. Ce n’est que lorsque cette phase aiguë est passée et que ses symptômes ont complètement disparu que l’on peut parler de reprise des activités physiques et intellectuelles. Dans un peu plus de 85% des cas, la situation devrait être normalisée après une semaine, et dans plus de 95% des cas, il y a une capacité fonctionnelle complète après un mois. Toutefois, même après un an, on constate des changements à l’IRM fonctionnelle.
Mais cela ne signifie pas pour autant que la voie du retour au sport est ouverte. Il existe un concept de retour au sport basé sur six étapes (= jours). Pour chaque activité autorisée, le sportif doit être totalement asymptomatique avant de passer à l’étape suivante. Inversement, si un quelconque problème survient lors de l’effort, il faut alors recommencer le programme à l’étape précédente ou la répéter jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de symptômes. Les six étapes sont
Repos mental et physique jusqu’à la disparition des symptômes
- Exercices physiques légers comme la marche, le vélo d’appartement
- Efforts spécifiques au sport comme la course, le patinage
- Formation sans contact physique
- Formation avec contact physique
- Activité de type compétition
Le programme Return-to-Sport exige beaucoup de patience, de responsabilité personnelle et de discipline de la part de tous les participants afin de protéger le cerveau contre d’autres dommages. Il convient de réaffirmer avec rigueur qu’une reprise trop précoce des activités de compétition, alors que des douleurs sont encore présentes, représente un véritable risque pour le sportif.
Ainsi décrite, l’affaire semble se dérouler de manière assez linéaire, et c’est souvent le cas dans le sport. Il faut toutefois être conscient que même les commotions cérébrales légères peuvent avoir des évolutions plus défavorables, et celles-ci doivent être abordées sérieusement. Pour de telles évolutions, il vaut la peine d’aborder les problèmes de manière multidisciplinaire avec des tests neuropsychologiques, vestibulaires et ophtalmologiques, de préférence dans des centres spécialisés (p. ex. le Swiss Concussion Center à Zurich).
Littérature :
- Cusimano MD, et al. : Assessment of head collision events during the 2014 FIFA World Cup Tournament. Jama 2017 ; 317(24) : 2548-2549.
- Teasdale G, Jennett B : Évaluation du coma et de la conscience altérée. Une échelle pratique. Lancet 1974, 2 : 81-84.
- Outil de reconnaissance de la commotion 5 Carte de poche (CRT5) www.dfb.de/fileadmin/_dfbdam/130132-LSHT_taschenkarte.pdf
- Outil de reconnaissance des fractures 5 : CRT5) http://bjsm.bmj.com/content/bjsports/early/2017/04/26/bjsports-2017-097508CRT5.full.pdf
- SCAT 3 : http://bjsm.bmj.com/content/bjsports/47/5/259.full.pdf)
- Outils en allemand : www.schuetzdeinenkopf.de/LSHT_handouts/LSHT_publikationsliste/LSHT_flyer_mediziner/
- Diaz-Arrastia R, Wang KK, et al. : Acute biomarkers of traumatic brain injury : relationship between plasma levels of ubiquitin C-terminal hydrolase-L1 and glial fibrillary acidic protein. Journal of neurotrauma 2014 ; 31(1) : 19-25.
- Papa L, Lewis L, et al. : Des niveaux élevés de produits de dégradation de la protéine acide fibrillaire gliale sérique dans les lésions cérébrales traumatiques légères et modérées sont associés à des lésions intracrâniennes et à une intervention neurosurgicale. Annals of emergency medicine 2012 ; 59(6) : 471-483.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(7) : 3-4