Les troubles anorectaux sont fréquents, mais entraînent souvent des retards de consultation par peur ou par honte. Les causes des troubles anorectaux sont souvent bénignes et un diagnostic rapide est généralement possible grâce à une anamnèse et un examen clinique approfondis. Un aperçu du diagnostic et du traitement des causes les plus fréquentes de la douleur anale.
Les troubles anorectaux sont fréquents, mais entraînent souvent des retards de consultation en raison de la honte ou de la peur. Les causes des troubles anorectaux sont souvent bénignes et un diagnostic rapide est généralement possible grâce à une anamnèse et un examen clinique approfondis. Cet article a pour but de donner un aperçu du diagnostic et du traitement des causes les plus fréquentes de douleurs anales (tab. 1 et 2). Les diagnostics différentiels incluent les fissures anales, les fistules/abcès, les thromboses de la veine périanale et les douleurs sans corrélation morphologique. En revanche, les hémorroïdes ne sont pas une cause typique de douleur anale.
Fissures anales
La fissure anale aiguë se présente typiquement sous la forme d’une triade : douleur à la défécation (persistant jusqu’à 15-30 min), constipation et sang rouge vif sur le papier toilette [1]. Les causes de la fissure anale sont les selles dures ou volumineuses, plus rarement la diarrhée, qui entraînent la déchirure de l’anode. Les pratiques sexuelles anales peuvent également entraîner une fissure. 90% des fissures anales sont localisées à 6 heures en position de coupe de pierre (SSL), 10% à 12 heures, cette localisation étant plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Moins de 1% se trouvent en dehors de la ligne médiane. En cas de localisation atypique, il faut penser à d’autres causes telles que la maladie de Crohn, la leucémie, le VIH, la tuberculose, la lèpre, les carcinomes ou des causes mécaniques. La fissure anale peut souvent être visualisée sans proctoscopie lors de l’examen clinique en écartant le doigt.
Les fissures anales constituent un “cercle vicieux” caractérisé par des douleurs suivies d’un spasme musculaire du sphincter interne et d’une diminution consécutive de la perfusion. Cela entretient la fissure et la douleur, ce qui peut contribuer à la chronicité.
Les fissures sont considérées comme chroniques lorsqu’elles persistent pendant plus de six semaines malgré un traitement adéquat. Elles peuvent entraîner une destruction profonde jusqu’au sphincter anal interne (SAI). Dans ce cas, les symptômes sont plutôt des démangeaisons ou des brûlures avec des traces de sang sur le papier [2]. Les résultats locaux d’une fissure chronique montrent typiquement une papille anale hypertrophique, un défaut de la muqueuse avec des bords épaissis, une IAS visible et une marquise sentinelle (sentinelle) (Fig. 1 A).
Conformément à la pathogenèse, le traitement poursuit trois objectifs :
- Passage de chaise atraumatique
- Relaxation sphinctérienne
- Analgésie (systémique et locale).
Une régulation optimale des selles est la base indispensable de la thérapie. Pour la relaxation sphinctérienne, on utilise des bloqueurs des canaux calciques comme le diltiazem ou la nifédipine (p. ex. nifédipine 0,2% en pommade, 3×/jour), qui doivent être appliqués par voie topique. Il est également possible d’utiliser de la nitroglycérine topique à une concentration de 0,2% ou 0,4% pendant 6 à 8 semaines , mais cela entraîne souvent des effets secondaires, notamment des céphalées (20 à 70%) [3]. L’efficacité des deux classes de produits est comparable [4], de sorte que les bloqueurs des canaux calciques sont le plus souvent utilisés initialement en raison de leur spectre d’effets secondaires plus faible. Les deux options thérapeutiques doivent être réévaluées après 3-6 semaines. Un traitement analgésique systémique ou local doit être administré simultanément (par exemple, gel de lidocaïne). La toxine botulique n’est pas autorisée en Suisse pour le traitement des fissures en raison du manque de preuves concernant son efficacité, de son prix élevé et de ses effets secondaires potentiels (injection douloureuse, thrombose de la veine périanale 5-10%, incontinence réversible 3-12% et risque d’infection).
En l’absence d’amélioration des symptômes après six semaines de traitement, il convient de s’enquérir de l’observance ou d’envisager un traitement chirurgical de la fissure anale [2]. Il existe plusieurs possibilités, la plus courante étant la fissurectomie. On procède alors à un débridement et à l’élimination de la papille et de la marisque sentinelle. Ceci est éventuellement combiné avec une adaptation partielle des berges de la plaie par voie endo-anale. Dans ce cas, il peut y avoir une légère perturbation temporaire de l’incontinence fine (surtout des pertes de vent). Cependant, il n’y a pratiquement jamais d’incontinence fécale significative. Le taux de réussite est de 80%. En cas d’échec de la fissurectomie, il est possible soit de la répéter, soit de recourir à une procédure reconstructive alternative, comme le lambeau en V-Y. Dans ce cas, la fissure est recouverte d’un lambeau de peau provenant de la région anale. Le taux de réussite est de 85%.
Toutes les options de traitement conservateur présentent un taux de rechute élevé. Seuls 40% vs. 33% des patients ont pu être traités après trois ans dans l’étude prospective à deux bras avec la pommade à la nitroglycérine 0,2% vs. Botox [5]. En raison du taux élevé de récidive, une bonne éducation des patients est importante afin qu’un traitement rapide puisse être mis en place en cas de récidive. Après la disparition de la douleur aiguë, une proctoscopie est toujours indiquée, ainsi qu’une coloscopie complète, selon l’âge et la situation de risque.
Fistule/abcès
Les fistules et abcès anaux se développent généralement à partir de glandes anales surinfectées et forment une jonction anormale entre le rectum ou le canal anal et la peau périanale.
Les patients signalent généralement des pertes, des saignements, des douleurs à la défécation ou à l’effort mécanique, mais aussi des douleurs permanentes, un gonflement ou une diarrhée. Les fistules peuvent se manifester dans le cadre d’une maladie sous-jacente comme la maladie de Crohn, la proctite ou le carcinome anal [6]. Le diagnostic de suspicion est clinique, après visualisation d’une ouverture périanale avec éventuellement un écoulement de pus ou la palpation d’une induration. Il est également important de visualiser l’ensemble du canal de la fistule par endosonographie anorectale ou IRM et de le localiser avec précision sur le plan anatomique.
Une fistule asymptomatique ne doit pas nécessairement être traitée. Cependant, la guérison spontanée d’une fistule établie est faible. Le traitement des fistules symptomatiques est chirurgical, c’est pourquoi il convient d’orienter rapidement le patient vers un spécialiste. Les abcès anaux doivent être drainés rapidement. Le but du traitement chirurgical des fistules est d’assainir le canal de la fistule tout en maintenant la continence fécale. La méthode chirurgicale dépend du type de fistule, les fistules superficielles pouvant être traitées par fistulotomie. La fistule est alors divisée vers l’intestin en préservant le sphincter. Les fistules infectées dans des tissus modifiés par l’inflammation sont souvent traitées par des setons. Il s’agit de fils ou de languettes en caoutchouc qui sont tirés à travers les fistules pour assurer un flux constant de sécrétions et prévenir les abcès (Fig. 1 B). Cela peut faciliter les opérations ultérieures dans le cadre d’une approche en deux temps. En règle générale, les setons sont laissés en place pendant 2 à 3 mois, mais en cas de fistules récidivantes, par exemple dans le cadre de la maladie de Crohn, ils peuvent constituer le traitement définitif. Les fistules compliquées peuvent être excisées chirurgicalement, puis recouvertes par voie endoanale à l’aide d’un lambeau d’avancement de la muqueuse (“mucosa advancement flap”). Une procédure relativement récente est l’opération de “ligation of the intersphincteric fistula tract (LIFT)”. Dans ce cas, le canal fistuleux est visité et ligaturé par un accès intersphinctérien supplémentaire. D’autres techniques chirurgicales incluent la fistulotomie avec suture sphinctérienne primaire en cas de fistule profonde, ou la fermeture de la fistule à l’aide de clips spéciaux. Les opérations de fistule comportent toujours un risque de lésion du sphincter, et les infections postopératoires/les problèmes de cicatrisation sont fréquents, ce qui se traduit par un taux de réussite de seulement 70-80% [7,8].
Thrombose de la veine périanale
La thrombose de la veine périanale est un diagnostic visuel et s’accompagne de douleurs anales et d’un nodule bleu-violet à l’anus, dolent à la pression [1]. Elle est notamment provoquée par une forte poussée ou une position assise prolongée et peut également survenir chez les femmes en péri-partum ou dans le cadre de changements hormonaux. Les thromboses de la veine périanale qui persistent moins de 72 h peuvent être incisées ou excisées sous anesthésie locale. Toutefois, si la thrombose persiste >72 h, le traitement est conservateur avec régulation des selles, analgésie et flavinoïdes (p. ex. Daflon®). Ils laissent souvent une marisque qui, si elle est gênante, peut être enlevée chirurgicalement.
Autres causes de la douleur anale
En cas de douleurs anales, il faut toujours penser à une proctite infectieuse, d’autant plus qu’un comportement sexuel à risque n’est pas toujours évident d’après l’anamnèse. Les gonocoques, la chlamydia trachomatis (lymphogranulome vénérien) dans le segment rectal et la lues doivent être recherchés par sérologie à bas seuil. Les douleurs anales peuvent également survenir en cas de carcinome anal (fig. 2 A et B), les douleurs périanales étant particulièrement révélatrices d’un stade avancé de la tumeur [9]. La douleur anale peut être la conséquence d’une proctite ulcéreuse, d’une atteinte rectale dans le cadre de la maladie de Crohn ou d’une autre maladie systémique. Ainsi, les douleurs périanales inexpliquées, mais aussi les douleurs liées à l’un des diagnostics différentiels susmentionnés, devraient faire l’objet d’un examen endoscopique à bas seuil (proctoscopie, éventuellement coloscopie complète).
Une douleur à la défécation peut également être l’expression d’un trouble dyssynergique de la défécation (anisme) et être le seul symptôme rapporté par le patient. Un prolapsus rectal ou anal peut être objectivé soit pendant l’examen, soit par des photos prises par le patient (Fig. 1 E et F).
Les troubles hémorroïdaires – pratiquement toujours indolores
Les hémorroïdes sont des causes typiques d’écoulement de sang ab ano, de sensation de corps étranger au sens d’un prolapsus pendant la défécation, d’un trouble de la continence fine qui en résulte avec des problèmes d’hygiène et des démangeaisons périanales. Contrairement aux idées reçues de nombreux patients, les troubles hémorroïdaires ne sont pratiquement jamais associés à la douleur.
Douleurs sans corrélat – Proctalgia fugax
La proctalgie fugace est un trouble anorectal fonctionnel qui se manifeste par une douleur rectale intense, intermittente et auto-limitée. Entre les épisodes qui durent de quelques secondes à quelques minutes, les patients sont asymptomatiques. La prévalence dans la population générale est estimée entre 4 et 18% [10], seule une petite minorité signalant spontanément les troubles. Elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Sur le plan physiopathologique, on suppose que l’origine est multifactorielle, avec des spasmes du sphincter anal, une compression nerveuse, une neuropathie et des facteurs psychologiques [11]. Le diagnostic est posé après exclusion des autres causes somatiques, sur la base des critères Rome IV, tous les critères devant être remplis pendant au moins trois mois et le début des symptômes devant remonter à six mois :
- Épisodes répétés de douleur rectale, indépendants de la défécation.
- Les épisodes durent de quelques secondes à quelques minutes mais ne dépassent pas 30 minutes.
- Pas de douleurs ano-rectales entre les épisodes.
La plupart des patients n’ont pas besoin de traitement en raison de la rareté des symptômes et souvent, l’éducation des patients est déjà utile. En outre, des spasmolytiques topiques pourraient être utilisés ou une thérapie par biofeedback pourrait être mise en place.
Littérature :
- Lohsiriwat V : Urgences anorectales. World Journal of Gastroenterology. 2016 ; 22(26) : 5867-5878.
- Nelson RL : fissure anale (chronique). Clin Evid Handbook 2015 ; 145-146.
- Nelson RL, et al : A systematic review and meta-analysis of the treatment of anal fissure. Tech Coloproctol 2017 ; 21 : 605.
- Shrivastava U, et al. : A Comparison of the Effects of Diltiazem et Trinitrate de glycéryle dans le traitement de la fissure anale chronique : un essai clinique randomisé. Surg Today 2007 ; 37 : 482.
- Sileri P, et al : Traitement médical et chirurgical de la fissure anale chronique : une étude prospective. J Gastrointest Surg 2007 ; 11 : 1541-1548.
- Schneider MA, et al. : Maladie de Crohn : traitement moderne des fistules périanales. Forum Med Suisse 2016 ; 16(42) : 887-895.
- Limura E, Giordano P : Gestion moderne de la fistule anale. World Journal of Gastroenterology 2015 ; 21(1) : 12-20.
- Bubbers EJ, Cologne KG : Gestion des fistules anales complexes. Clinics in Colon and Rectal Surgery 2016 ; 29(1) : 43-49.
- Sauter M, et al : Presenting symptoms predict local staging of anal cancer : a retrospective analysis of 86 patients. BMC Gastroenterol 2016 ; 16 : 46.
- Bharucha AE, Lee TH : Douleur anorectale et pelvienne. Actes de la Clinique Mayo. 2016 ; 91(10) : 1471-1486.
- Rao SSC, et al : Anorectal Disorders. Gastroenterology 2016 ; 150(6) : 1430-1442.e4.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(6) : 8-12