L’hyperprolifération des trois rangées de cellules de la moelle osseuse entraîne une érythrocytose, une thrombocytose et une leucocytose dans la polycythémie vera. Il en résulte notamment une augmentation significative du taux d’hématocrite et donc du risque d’événements thromboemboliques. Avec l’acide acétylsalicylique (AAS), les phlébotomies et les substances cytoréductrices, plusieurs options sont disponibles pour éviter une thrombose. Mais lequel est indiqué et quand ?
La polycythémie vera (PV) est une néoplasie myéloproliférative chronique très rare, caractérisée par une hématopoïèse élevée. La majorité des patients atteints de PV présentent une mutation du gène de la tyrosine kinase JAK2 [1]. Il en résulte une augmentation de la prolifération cellulaire ainsi qu’une production accrue de cytokines pro-inflammatoires. La surproduction d’érythrocytes et l’augmentation de l’hématocrite qui en résulte augmentent la viscosité du sang. De cette manière, la survenue de thromboembolies est favorisée : 45% des décès liés à la PV sont dus à des complications thromboemboliques [2].
Bien que les symptômes soient variés, ils sont souvent très peu spécifiques. C’est pourquoi le diagnostic n’est souvent posé que par hasard. Outre les maux de tête, les troubles de la vision, la fatigue et le prurit, les douleurs osseuses et les douleurs dans la partie supérieure de l’abdomen font partie des symptômes possibles. Celles-ci sont souvent causées par la splénomégalie typique de la PV [1,2]. L’augmentation de la masse des cellules sanguines peut entraîner des troubles de la circulation sanguine pouvant conduire à des thromboses veineuses et artérielles graves telles que l’embolie pulmonaire, l’apoplexie ou l’infarctus du myocarde. Un diagnostic précoce et un traitement efficace sont donc indiqués (tab. 1) [3].
Traitement adapté au risque
La prévention des thromboembolies étant la priorité, la phlébotomie est souvent considérée comme le traitement de choix. Cela permet d’abaisser l’hématocrite (Hct) en dessous de 45% et de réduire l’hyperviscosité du sang. Des études ont montré que l’ajustement de l’Hct à moins de 45% peut réduire d’un quart le taux de décès cardiovasculaire lié à la PV [4]. Cependant, une phlébotomie est très fatigante. Chez les patients à faible risque, il est donc recommandé d’ajouter un traitement par acide acétylsalicylique (AAS) à faible dose. On peut considérer que le risque est faible chez les jeunes patients <60 ans qui n’ont pas eu de thrombose auparavant.
Traitement cytoréducteur chez les patients à haut risque
Cependant, la majorité des patients atteints de PV présentent un risque élevé. Dans leur cas, l’introduction d’un traitement cytoréducteur est indiquée. L’hydroxyurée (HU) ou l’interféron alpha (INF) sont recommandés pour le traitement primaire [5]. Cependant, le HU en particulier ne convient pas à tous les patients et peut provoquer des effets secondaires graves (tab. 2) [6]. C’est pourquoi l’INF est plus souvent utilisé chez les patients plus jeunes qui souhaitent avoir un enfant. Si le traitement de première ligne n’est pas toléré ou si les symptômes cliniques ne régressent pas suffisamment, le traitement doit être modifié. Des études ont montré que le ruxolitinib, un inhibiteur de JAK2, permettait de contrôler l’augmentation de la myéloprolifération tout en étant bien toléré [1]. De nombreux symptômes associés à la PV, tels que la fatigue et le prurit, ont également régressé. De plus, les effets ont été très rapides chez la plupart des patients, dans les quatre premières semaines. Le busulfan peut être utilisé comme traitement de substitution chez les patients d’âge avancé. Toutefois, le potentiel leucémogène de cette substance fait toujours l’objet de discussions, raison pour laquelle elle ne devrait être utilisée qu’avec modération. L’anagrélide peut être envisagé comme partenaire de combinaison avec, par exemple, HU ou INF. Celui-ci vise uniquement à réduire la production de plaquettes et peut agir en complément si les autres substances seules ne permettent pas d’obtenir des résultats satisfaisants.
Littérature :
- www.onkopedia.com/de/onkopedia/guidelines/polycythaemia-vera-pv/@@guideline/html/index.html (dernier appel le 10.05.2020)
- Vannucchi AM, et al : N Engl J Med 2015 ; 372 : 426-35.
- Stein BL, Moliterno AR, Tiu RV : Charge de la maladie de la polycythémie : facteurs contributifs, impact sur la qualité de vie, options de traitement en voie d’extinction. Ann Hematol 2014 ; 93 : 1965-1976.
- Marchioli R, Finazzi G, Specchia G, et al : Cardiovascular events and intensity of treatment in polycythemia vera. N Engl J Med 2013 ; 368 : 22-33.
- Barbui T, Tefferi A, Vannucchi AM, et al : Philadelphia chromosome-négatif néoplasmes myéloprolifératifs classiques : recommandations de prise en charge révisées de European Leukemia Net. Leukemia 2018 ; 32 : 1057-1069.
- Barosi G, Birgegard G, Finazzi G, et al : A unified definition of clinical resistance and intolerance to hydroxycarbamide in polycythaemia vera and primary myelofibrosis : results of a European LeukemiaNet (ELN) consensus process. Br J Haematol 2010 ; 148 : 961-963.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2020 ; 8(3) : 31