Un examen ophtalmologique détaillé avec mesure de la pression oculaire devrait être effectué chez toute personne à partir de 40 ans environ (selon le profil de risque). L’adhésion et la persistance des patients atteints de glaucome sont considérablement réduites, comme dans le cas d’autres maladies chroniques asymptomatiques. Une bonne collaboration entre le médecin généraliste et l’ophtalmologue est essentielle pour identifier les interactions entre les différents médicaments prescrits.
Qu’est-ce que le glaucome ?
Le glaucome est une maladie progressive du nerf optique qui peut entraîner la cécité si elle n’est pas traitée. Après la dégénérescence maculaire liée à l’âge, il s’agit de la deuxième cause de cécité irréversible dans le monde industrialisé. Le glaucome peut se manifester à tout âge, mais la fréquence de la maladie augmente considérablement avec l’âge. On estime qu’en Suisse, 2,5% des personnes de plus de 40 ans souffrent d’un glaucome. Il est à noter que plus de la moitié des patients concernés ignorent leur maladie [1].
Les glaucomes peuvent être classés soit en fonction de leur structure, soit en fonction de leur étiologie (tableau 1).
Que se passe-t-il exactement dans l’œil en cas de maladie glaucomateuse ?
Chaque œil a une pression interne mesurable, qui est contrôlée par le rapport entre la production et l’écoulement de l’humeur aqueuse. En cas de glaucome, il y a un déséquilibre entre ces deux composantes, et c’est surtout l’écoulement par l’angle irido-cornéen qui est affecté. Si la pression intraoculaire augmente au-delà de la pression tolérable pour l’œil concerné, des lésions progressives se produisent au niveau de la partie la plus faible, le nerf optique. La détérioration progressive du nerf optique entraîne une lente diminution du champ visuel.
Symptômes de la maladie du glaucome
Le glaucome fait partie du groupe des maladies chroniques pratiquement asymptomatiques. Les exceptions sont le glaucome congénital, dans lequel les enfants ont souvent peur de la lumière et présentent un larmoiement accru en plus d’un diamètre de cornée nettement plus grand, et la crise de glaucome aiguë décrite ci-dessus.
Il est surprenant de constater que les patients ne perçoivent presque pas une augmentation de la pression oculaire qui augmente lentement et peuvent ainsi présenter des valeurs de pression oculaire supérieures à 40 mmHg sans présenter de symptômes. Comme les déficiences du champ visuel touchent d’abord la périphérie, le patient ne remarque généralement une réduction du champ visuel qu’à un stade avancé de la maladie.
Quels patients doivent absolument consulter un ophtalmologue ?
Chez une personne en bonne santé sans antécédents ophtalmologiques, il est recommandé de réaliser la première mesure de la pression oculaire entre 40 et 45 ans, généralement dans le cadre de la détermination des premières lunettes de lecture. Cet examen doit être réalisé par un ophtalmologue, car la seule mesure de la pression oculaire sans examen de l’œil entier n’a pas de sens. Toutefois, si des facteurs de risque sont présents, le premier examen ophtalmologique doit avoir lieu plus tôt.
Facteurs de risque
Facteurs de risque familiaux : glaucome chez les proches parents.
Facteurs de risque personnels : Âge, race, sexe, anomalies de la réfraction (comme une myopie élevée), troubles de la circulation sanguine (hypotension systémique, migraine, symptôme de Raynaud). Le rôle de l’hypertension artérielle et du diabète sucré est toujours controversé.
Il existe des médicaments qui peuvent favoriser l’apparition d’un glaucome (comme la cortisone). En outre, les médicaments anticholinergiques et sympatomimétiques peuvent déclencher une crise de glaucome chez les patients présentant une constellation d’angles étroits.
Facteurs de risque locaux : le principal facteur de risque est l’augmentation de la pression oculaire. Il existe également des dépôts dans l’œil (pseudo-exfoliation, dispersion de pigments) qui se fixent dans l’angle iridocornéen, entravant ainsi l’écoulement de l’humeur aqueuse et pouvant entraîner une augmentation de la pression oculaire.
Enquêtes
L’ophtalmologue établit une anamnèse afin de déterminer le profil de risque. Lors de l’examen, la réfraction et l’acuité visuelle de l’œil sont déterminées. L’œil est examiné à la lampe à fente afin de mesurer la pression oculaire et d’identifier d’éventuels facteurs de risque locaux. La pression intraoculaire optimale se situe dans une fourchette de 8 à 21 mmHg.
Si un glaucome est suspecté, des examens complémentaires sont prescrits : La détermination du champ visuel, la représentation morphologique du nerf optique, la représentation de l’angle iridocornéen au moyen d’un verre de contact et différentes mesures de la pression oculaire, y compris un examen précis de la cornée.
Gestion
Chez un patient suspect de glaucome, l’ophtalmologue décide d’abord, sur la base des résultats de l’examen, s’il s’agit d’un cas limite ou si un glaucome est déjà présent. Dans les cas limites, il est important d’informer précisément le patient sur la maladie et les conséquences possibles. Nous recommandons des contrôles réguliers de la pression intraoculaire, de la fonction du nerf optique (champ visuel) et de la morphologie (représentation de la tête du nerf optique au moyen de photographies en couleur et de mesures assistées par ordinateur).
En cas de glaucome manifeste, il convient de traiter en particulier le principal facteur de risque. Le traitement de l’hypertension oculaire peut être médicamenteux, au laser ou chirurgical.
Pour la thérapie médicamenteuse, nous disposons de cinq groupes de médicaments différents :
Agonistes des prostaglandines : ils améliorent l’écoulement de l’humeur aqueuse. Ils sont faciles à utiliser (généralement une fois par jour) et ont peu d’effets secondaires systémiques. En revanche, ils peuvent provoquer certaines modifications locales (décoloration de l’iris et de la peau environnante des paupières).
Bêta-bloquants : utilisés une à deux fois par jour, ils réduisent la production d’humeur aqueuse. Ils sont bien tolérés localement, mais présentent parfois de graves effets secondaires systémiques, en particulier chez les patients atteints de maladies cardiaques et pulmonaires. Nous recommandons une collaboration intensive avec le médecin généraliste qui vous suit.
Alpha-agonistes : agissent à la fois sur la production de l’humeur aqueuse (réduction de la production) et sur l’écoulement de l’humeur aqueuse (amélioration). Ils sont appliqués deux fois par jour et peuvent avoir des effets secondaires locaux, majoritairement allergiques, mais aussi systémiques (important : interférence possible avec certains médicaments systémiques).
Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique : utilisés deux à trois fois par jour, ils réduisent à nouveau la production d’humeur aqueuse. Ils appartiennent au groupe des sulfonamides et peuvent entraîner des complications dangereuses chez les patients allergiques aux sulfonamides.
Les produits Miotika : Ne sont plus utilisés que chez les patients présentant un glaucome par fermeture de l’angle.
Le principal problème du traitement médicamenteux du glaucome est l’adhésion et la persistance des patients. Des études montrent que
- le taux d’adhésion chez les patients glaucomateux (comme pour d’autres maladies chroniques asymptomatiques) n’est que de 30 à 70% [2].
- le nombre de flacons utilisés est important : avec deux flacons et l’utilisation de plus de trois gouttes par jour, la non-adhérence est de 67% [3]. C’est la raison pour laquelle les préparations combinées (avec deux médicaments par flacon) sont de plus en plus nombreuses.
- la persistance des patients – c’est-à-dire le nombre de patients qui utilisent les médicaments de manière continue – tombe à 25% après un an [4].
Il est donc essentiel que le médecin généraliste soit informé du traitement ophtalmologique des patients.
D’autres facteurs de risque doivent également être contrôlés et, si nécessaire, traités. Les facteurs de risque vasculaires sont importants, en particulier la pression artérielle : les courbes de pression artérielle sur 24 heures permettent d’identifier les irrégularités nocturnes. Je tiens à souligner en particulier les chutes de pression artérielle nocturnes (systolique inférieure à 90 mmHg et diastolique inférieure à 50 mmHg) artificiellement provoquées (souvent par un traitement excessif de l’hypertension artérielle), qui peuvent entraîner une progression de la maladie du glaucome.
Quand un traitement chirurgical est-il envisagé ? Cela dépend du stade du glaucome et de l’âge du patient. Chez un patient jeune présentant une maladie avancée, une intervention chirurgicale est planifiée à un stade précoce. Certaines formes de glaucome répondent parfois assez bien à la thérapie au laser. Cependant, comme l’effet de réduction de la pression oculaire du traitement au laser ne dure qu’un certain temps, cette intervention est surtout envisagée chez les patients âgés.
Dans le domaine chirurgical, de nouvelles formes d’opérations sont récemment venues s’ajouter aux formes connues (amélioration de l’écoulement par une trabéculectomie ou par la mise en place d’un tube améliorant l’écoulement). Ces MIGS (“Minimally Invasive Glaucoma Surgery”) sont plus faciles à réaliser, mais réduisent moins bien la pression oculaire. La question de savoir quelle forme de thérapie s’imposera reste ouverte.
Le suivi d’une intervention chirurgicale est effectué par l’ophtalmologue traitant et consiste généralement en l’application locale de gouttes anti-inflammatoires.
Remerciements : L’auteur remercie le professeur J. Stürmer, Winterthur, pour sa relecture critique du manuscrit.
Littérature :
- Quigley HA : The number of people with glaucoma in worldwide in 2010 and 2020. Br J Ophthalmol 2006 ; 90 : 262-267.
- Terminologie et lignes directrices pour le glaucome. 4ème édition. Savona : European Glaucoma Society, 2014.
- Patel SC, et al : Compliance in patients prescribed eyedrops for glaucoma. Ophthalmic Surgery 1995 ; 26(3) : 233-236.
- Schwartz GF, et al : Adhérence et persistance du traitement du glaucome. Survey of Ophthalmology 2008 ; 53(Suppl 1) : S57-62.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(9) : 28-30