Le thème de la contraception est également important dans la pratique de la médecine de famille. Les guidelines existantes sur la contraception hormonale offrent une aide importante à l’orientation. Lors de la mise en œuvre dans la pratique, il convient avant tout de déterminer les éventuelles contre-indications et d’évaluer le risque thromboembolique. Lors du choix d’une préparation, il est tout à fait possible de prendre en compte les effets secondaires souhaités, par exemple les effets sur l’acné, la densité osseuse ou le syndrome prémenstruel.
Tous les médecins (généralistes) qui prennent en charge des patients en âge de procréer sont confrontés au thème de la contraception : soit indirectement, lorsqu’il s’agit d’exclure ou de prendre en compte des interactions, soit directement, lorsqu’il s’agit de conseiller les femmes ou les couples sur les méthodes de contraception et lorsqu’une contraception doit être mise en place et suivie. Les nouvelles lignes directrices disponibles offrent d’une part des orientations, mais exigent d’autre part que les pratiques traditionnelles d’information et de délivrance soient partiellement modifiées et adaptées. Dans ce contexte, il est certainement important, en vue d’une utilisation adaptée à l’indication et d’une “décision éclairée”, de vérifier soigneusement l’indication, d’informer de manière détaillée et complète et de bien documenter. En même temps, cette approche ne devrait pas augmenter inutilement le seuil d’accessibilité aux contraceptifs, car cela pourrait avoir un impact négatif sur la prévention des grossesses non désirées.
Le présent article présente les guidelines existantes et explique leur application pratique. En outre, il aborde quelques aspects qui sont décisifs dans le choix d’une préparation.
En ce qui concerne la contraception, il existe des lignes directrices sous la forme d’une lettre d’experts sur les pratiques de prescription des contraceptifs hormonaux combinés (CHC) et d’un document de synthèse sur la contraception d’urgence.
Lettre d’experts de la SSGO sur la contraception
La lettre d’experts (n° 35, version mise à jour en juin 2013) a été rédigée sous la direction de la commission Assurance qualité de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique (SSGO) et aborde la question du risque de thrombose [1]. Parallèlement, la SSGO met également à disposition un polycopié pour les médecins, une liste de contrôle pour la prescription et une fiche d’information pour les utilisatrices dans de nombreuses langues [2]. Swissmedic a également lancé fin 2013 une harmonisation des informations destinées aux professionnels et aux patientes concernant les contraceptifs hormonaux, dans le but de permettre aux médecins et à leurs patientes de prendre une décision éclairée quant au choix de la méthode contraceptive.
Le risque thromboembolique sous CHC a été réduit au cours des 30 dernières années grâce au développement des micropilules contenant ≤35 μg d’éthinylestradiol (EE). Cependant, au cours de la période suivante, il est apparu que le progestatif associé à l’EE avait une influence sur l’hémostase et le risque de thrombose qui en résulte. Dans ce contexte, les contraceptifs contenant des progestatifs de troisième génération (gestodène et désogestrel) et la drospirénone, introduite plus tard, semblent être associés à un risque légèrement plus élevé de thrombose. En revanche, il ne semble pas y avoir de différence entre les progestatifs des différentes générations pour les événements artériels beaucoup plus rares, mais souvent incomparablement plus fatals, comme l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral. (Tab.1). Tableau 2 donne un aperçu indicatif du risque de thrombose en fonction de l’âge de la femme et de l’utilisation de CHC sans et avec consommation de nicotine.
En s’appuyant sur les données, qui représentent aujourd’hui près de deux millions d’années-femmes, et en tenant compte de cinq autres études publiées en 2011 (niveau de preuve IIa-IV), les principales conclusions sont résumées comme suit dans la lettre des experts :
- Le taux de thrombose est le plus élevé au cours de la première année d’utilisation d’un CHC.
- Le risque de thrombose sous CHC augmente avec l’âge. Il est deux fois plus élevé pour les femmes âgées de 30 à 34 ans que pour les femmes de moins de 20 ans (âge 30-34 ans : 6 à 10 thromboses pour 10 000 années-femmes). Chez les femmes de plus de 40 ans, le risque est quatre fois plus élevé !
- Les CHC au désogestrel, au gestodène, à l’acétate de cyprotérone et à la drospirénone sont associés à un risque relatif de thromboembolie veineuse deux fois plus élevé que les CHC au lévonorgestrel (LNG).
- L’augmentation du risque de thrombose est également valable pour les modes d’application transdermique et vaginale des hormones.
- L’obésité (IMC >30 kg/m2) entraîne un doublement du risque thromboembolique.
- Plusieurs facteurs de risque ont un effet cumulatif sur le risque de thrombose veineuse profonde (TEV).
La lettre d’experts indique spécifiquement que les préparations combinées contenant de l’acétate de cyprotérone présentent un risque de thrombose nettement plus élevé que celles contenant du lévonorgestrel et ne sont donc autorisées que pour le traitement des femmes présentant des symptômes d’androgénisation et ayant besoin d’une contraception simultanée [3].
Prise de position sur la contraception d’urgence
La prise de position sur la contraception d’urgence (contraception NF) a été rédigée par le groupe interdisciplinaire d’experts en contraception d’urgence (IENK) et la commission Contraception de la Société Suisse de Médecine de la Reproduction (SSMR) et reflète les recommandations actuelles sur l’utilisation des préparations disponibles pour l’interception post-coïtale [4]. Les principales conclusions peuvent être résumées comme suit :
- Il existe aujourd’hui trois méthodes efficaces : NorLevo® (LNG 1,5 mg), ellaOne® (UPA 30 mg) et le stérilet au cuivre.
- L’efficacité de la spirale de cuivre est la plus grande, celle du GNL semble légèrement inférieure à celle de l’UPA.
- NorLevo® est limité à une utilisation dans les 72 heures suivant un rapport non protégé ; ellaOne® et le stérilet au cuivre peuvent être utilisés jusqu’à 120 heures après.
- Les avantages de NorLevo® sont que cette “pilule du lendemain” est disponible sans ordonnance et même pour les moins de 16 ans, qu’il n’y a pas de contre-indications selon l’OMS et qu’elle peut être utilisée plusieurs fois au cours du même cycle et même pendant la lactation.
- Il existe des preuves que l’efficacité de la contraception par NF avec le LNG et l’UPA est réduite chez les femmes obèses, et cet effet semble être plus important avec le LNG qu’avec l’UPA.
Signification et mise en œuvre des guidelines dans la pratique quotidienne
La lettre d’experts et surtout les résultats de l’étude sur laquelle elle s’appuie soulignent l’importance de recueillir une anamnèse minutieuse chez chaque (future) utilisatrice de CHC et d’évaluer cliniquement le risque individuel d’événements cardiovasculaires. Le tableau 3 énumère les principales clarifications à effectuer avant de prescrire. En même temps, il n’y a aucune raison d’arrêter une CHC à faible dose chez une femme en bonne santé, qui ne fume pas et qui ne présente pas d’autres facteurs de risque, uniquement en raison de son âge (>35 ans), comme cela se faisait souvent auparavant. Dans de tels cas, un CHC peut également être utilisé jusqu’à l’âge de 50 ans.
Le polycopié destiné aux médecins fournit un guide pratique étape par étape sur la procédure à suivre lors de la première prescription d’un CHC et contient une liste des contre-indications absolues à leur utilisation. Les “Medical Eligibility Criteria” (MEC) de l’OMS sont un autre outil utile pour clarifier les éventuelles contre-indications relatives ou absolues [5]. Elles sont accessibles en ligne et contiennent une classification basée sur des preuves en quatre catégories (1 = toujours applicable ; 2 = les bénéfices l’emportent sur les risques ; 3 = les risques l’emportent sur les bénéfices ; 4 = non applicable) pour tous les contraceptifs hormonaux et les DIU au cuivre et au LNG, non seulement en ce qui concerne le risque de thrombose, mais aussi en ce qui concerne un grand nombre d’autres conditions médicales. (Fig. 1) [6].
La liste de contrôle de la SSGO sert à vérifier s’il existe des contre-indications et à les documenter dans le dossier de la patiente. La patiente peut à son tour recevoir la fiche d’utilisation également mise à disposition par la SSGO. Celui-ci contient entre autres une liste des symptômes pour lesquels un contact avec un médecin doit avoir lieu ou l’utilisation du CHC doit être immédiatement suspendue. D’une part, cette liste garantit que chaque utilisatrice dispose des informations nécessaires, mais en même temps, l’énumération des symptômes et des signes d’alerte possibles peut aussi déstabiliser l’utilisatrice. Il est donc important de bien évaluer les risques lors de la consultation, notamment pour éviter un arrêt précipité d’un CHC et le risque de grossesse non désirée qui en résulte.
Ce qui est pertinent pour la pratique au-delà des lignes directrices officielles
Le risque d’événement cardiovasculaire est faible en valeur absolue, en particulier chez les jeunes femmes, de sorte que l’augmentation du risque liée à l’utilisation d’un progestatif de troisième génération n’est pas non plus considérable. Pour cette raison, et notamment en ce qui concerne l’adhérence, il convient de tenir compte, lors du choix de la préparation, des effets secondaires souhaitables ou, au contraire, indésirables.
CHC dans l’acné : tous les CHC peuvent en principe avoir un effet positif sur l’acné, l’EE augmentant le taux de globuline liant les hormones sexuelles et entraînant ainsi une diminution de la testostérone libre active. Mais en même temps, les progestatifs de première et deuxième génération ont un effet partiellement androgène (tableau 1), ce qui rend leur utilisation problématique en cas d’acné nécessitant un traitement. Dans ces cas, il est préférable de choisir un dérivé de la progestérone à action anti-androgène (acétate de cyprotérone, acétate de chlormadinone) ou la drospirénone comme composant progestatif.
CHC en cas de syndrome prémenstruel (SPM) : la tolérance au CHC chez les femmes souffrant de SPM est variable, mais souvent plutôt mauvaise. En ce qui concerne l’effet des CHC – en particulier ceux contenant de la drospirénone comme composant progestatif – sur le SPM, une revue Cochrane a conclu que les CHC contenant de la drospirénone semblent réduire les symptômes du syndrome dysphorique prémenstruel (SDPM) [7]. Parallèlement, il est fait référence à l’effet placebo, parfois impressionnant. Il n’existe pas de données sur l’efficacité au-delà d’une période d’utilisation de trois mois, et il n’est pas non plus prouvé que la drospirénone soit plus efficace que d’autres progestatifs.
Effets du CHC sur la densité osseuse : La dose d’EE est pertinente pour les effets potentiels sur la densité osseuse. Les CHC contenant 20 à 30 μg d’EE inhibent le remodelage osseux dans tous les groupes d’âge étudiés, bien qu’il ait été démontré que cela n’avait pas d’effet négatif chez les femmes de plus de 30 ans. En revanche, chez les adolescents, la formation du pic de masse osseuse peut être compromise pour les CHC contenant ≤ 20 μg EE, de sorte qu’il est préférable d’utiliser des préparations contenant 30 μg EE chez les adolescents.
Interactions de la CHC avec d’autres médicaments : Les interactions avec d’autres médicaments peuvent compromettre l’effet contraceptif de la CHC et doivent donc être prises en compte. L’interaction se produit généralement par induction enzymatique. Ceci est bien connu pour les antiépileptiques et les CHC ne doivent pas être utilisés en combinaison avec un traitement antiépileptique [5]. Les préparations à base de millepertuis entraînent également une induction enzymatique pertinente, à savoir le cytochrome P 450 3A4, de sorte que l’utilisation supplémentaire d’une méthode de barrière devrait être recommandée en cas de contraception par CHC [8]. La prise de la plupart des antibiotiques est relativement insignifiante. Les MEC de l’OMS constituent également une référence utile en matière d’interactions.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Lors d’une première prescription de CHC et afin de garantir une décision éclairée, il est recommandé d’exclure soigneusement les contre-indications, de fournir des informations complètes et une bonne documentation.
- Les CHC contenant de la drospirénone, de l’acétate de chlormadinone ou de l’acétate de cyprotérone sont les mieux adaptés aux jeunes femmes en bonne santé souffrant d’acné nécessitant un traitement.
- Afin de ne pas compromettre le peak-bone-mass, les CHC contenant <20 μg EE ne doivent pas être prescrits aux adolescents.
- Les préparations à base de millepertuis peuvent entraîner une induction enzymatique pertinente, de sorte qu’une méthode de barrière supplémentaire devrait être recommandée en cas de contraception par CHC.
- En matière de contraception d’urgence, ellaOne® est plus efficace et reste efficace jusqu’à 120 heures après un rapport non protégé, mais NorLevo® continue d’offrir une alternative à bas seuil et sans ordonnance.
Littérature :
- Commission Assurance Qualité de la Société Suisse de Gynécologie et d’Obstétrique SSGO. Lettre d’expert No 35 : Risque thromboembolique sous contraception hormonale. 2013.
- Société suisse de gynécologie et d’obstétrique (SSGO). http://sggg.ch/de/members_news/1005.
- Vasilakis-Scaramozza C, Jick H : Risque de thromboembolie veineuse avec les contraceptifs à base de cyprotérone ou de levonorgestrel. Lancet 2001 ; 358(9291) : 1427-1429.
- Prise de position sur la contraception d’urgence en Suisse. 2014 ; www.sante-sexuelle.ch/wp-content/uploads/ 2014/03/PositionspapierNK_März14_fr_def.pdf.
- Department of Reproductive Health, W.H.O., Medical eligibility criteria for contraceptive use Fourth edition. Quatrième édition ed. 2010.
- www.who.int/reproductivehealth/publications/family_planning/9789241563888/en.
- Lopez LM, Kaptein AA, Helmerhorst FM : Contraceptifs oraux contenant de la drospirénone pour le syndrome prémenstruel. The Cochrane database of systematic reviews 2009 ; 2 : CD006586.
- Hall SD, et al : The interaction between St John’s wort and an oral contraceptive. Clinical pharmacology and therapeutics 2003 ; 74(6) : 525-535.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(11) : 20-23