La cause du syndrome du côlon irritable doit être identifiée à l’aide d’une anamnèse et d’une évaluation spécifique des symptômes. L’article suivant explique quelle thérapie combinée peut être utilisée pour traiter le syndrome du côlon irritable.
Le syndrome du côlon irritable ou “Irritable Bowel Syndrome” (IBS), selon la terminologie internationale, est l’une des maladies gastro-intestinales les plus courantes [1]. Les symptômes du côlon irritable touchent 10 à 20 % des adultes. Selon la prédominance des habitudes de défécation d’un patient, le SII peut être divisé en quatre sous-types [2] : à prédominance de constipation, à prédominance de diarrhée, un type mixte avec alternance de constipation et de diarrhée et un type non spécifique.
Souvent, les patients atteints du SCI souffrent d’autres troubles gastro-intestinaux fonctionnels tels que la dyspepsie, ainsi que de troubles extra-intestinaux tels que l’insomnie, les douleurs dorsales, les maux de tête et la dépression. Ces troubles associés au SCI contribuent en partie à la morbidité importante et aux coûts socio-économiques consécutifs de cette pathologie.
Physiopathologie
Le syndrome du côlon irritable est expliqué pathogéniquement par une combinaison ou une interaction complexe de différents facteurs [1]. Les principaux facteurs sont des troubles de la motilité, une perturbation de la sensorialité gastro-intestinale (hypersensibilité viscérale) et des influences psychosociales. Divers problèmes de motilité, tels qu’un temps de transit intestinal accéléré ou retardé, un réflexe gastrocolique accru avec diarrhée après les repas ou un trouble fonctionnel de la défécation avec constipation consécutive, peuvent être mis en évidence dans le cas du côlon irritable.
L’augmentation de la perception des stimuli viscéraux peut être due à un abaissement du seuil de stimulation au sein de l’innervation sensorielle du tractus gastro-intestinal ainsi que dans le traitement et la perception des stimuli viscéraux sensibles dans le système nerveux central (corne postérieure de la moelle épinière, SNC). Le seuil de perception des stimuli viscéraux est influencé à la fois par le stress physique et psychologique. Les nerfs sensitifs viscéraux sont activés par une variété de stimuli endoluminaux osmotiques, chimiques et mécaniques. Des études expérimentales et cliniques ont permis d’identifier plusieurs mécanismes ou stimuli sous-jacents à cette hypersensibilité viscérale. Il s’agit notamment d’une réponse immunitaire muqueuse anormale déclenchée par une gastro-entérite (syndrome du côlon irritable post-infectieux), de divers composants alimentaires (sucres mal absorbés tels que le lactose et le fructose), d’une altération de la flore bactérienne intestinale (dysbiose) et de substances endolumineuses telles que les acides gras à chaîne courte et les sels biliaires.
Dans le cas du syndrome du côlon irritable post-infectieux, la réaction inflammatoire muqueuse anormale, mais seulement microscopique (nombre accru de mastocytes et de lymphocytes T), entraîne notamment l’activation des cellules entérochromaffines et donc une activité accrue de la sérotonine ainsi que la production de cytokines qui, à leur tour, stimulent les récepteurs moteurs et sensoriels.
Diagnostic et diagnostic différentiel
Le diagnostic de SII peut être posé cliniquement avec une grande certitude sur la base des critères de Rome III (tableau 1) [3]. Le diagnostic du SII ne doit pas être un diagnostic d’exclusion, mais doit reposer sur une constellation typique de symptômes après un diagnostic de base (tableau 2) et un diagnostic ultérieur individuel orienté vers le problème [2]. Elle dépend de facteurs tels que l’âge du patient, la sévérité des symptômes, la présence de symptômes atypiques (perte de poids, anémie, signes d’inflammation), les facteurs de risque (antécédents familiaux de tumeurs gastro-intestinales, antécédents de chirurgie abdominale ? En fonction de ces paramètres, il faut décider si une coloscopie, un diagnostic par imagerie ou des examens de laboratoire spécifiques sont nécessaires.
Pour clarifier la diarrhée ou les ballonnements, il est recommandé de procéder à un dépistage de la maladie cœliaque par la détermination des anticorps IgA anti-transglutaminase. Une intolérance au lactose ou au fructose peut aggraver les symptômes du côlon irritable et, si elle est suspectée, elle peut être détectée par un test respiratoire H2. La calprotectine dans les selles, en tant que marqueur d’une inflammation du tractus gastro-intestinal, est utile pour distinguer les troubles abdominaux d’une cause organique. Une valeur élevée n’est toutefois pas spécifique et nécessite un examen plus approfondi.
Thérapie
Un plan de traitement individuel doit être établi en fonction de la gravité de la maladie et des symptômes prédominants. La base du traitement d’un patient souffrant de SCI est l’entretien. Il est important de mettre le patient en position de mieux supporter ses symptômes (“coping”) et de lui ôter la peur d’une maladie grave (surtout la peur du cancer) et de soulager les augmentations aiguës des symptômes par des médicaments.
En fonction de l’intensité des symptômes, il est recommandé de suivre le schéma progressif suivant pour le traitement :
- Conversation éclairante
- Modification de l’alimentation
- Traitement médicamenteux axé sur les symptômes
- Traitement psychosomatique, thérapie comportementale.
Alimentation : de nombreux patients décrivent une augmentation de leurs symptômes après avoir consommé certains aliments comme les graisses, les légumes crus, les épices, l’alcool, le café et les produits laitiers. Les véritables allergies alimentaires dans le cadre du SII sont toutefois très rares. La prescription d’un régime spécifique n’est généralement pas nécessaire, en revanche, des conseils nutritionnels tenant compte de la tolérance individuelle à certains aliments peuvent être utiles. Le régime FODMAP permet notamment d’améliorer les ballonnements et la diarrhée. Ce régime consiste à réduire les aliments contenant des oligo-, di-, monosaccharides et polyanes fermentescibles.
Médicaments régulateurs de selles : Dans le cas du SCI avec constipation prédominante, les fibres peuvent accélérer le temps de transit des selles et améliorer leur consistance en augmentant le volume des selles et en stimulant le péristaltisme intestinal. Toutefois, l’utilisation de fibres naturelles (son ou graines de lin) ou artificielles ou d’agents gonflants (psyllium, isphagula, mucilaginosa, pectines) peut aggraver les symptômes, en particulier dans le cas d’un SCI principalement accompagné de douleurs ou de ballonnements. Comparées aux fibres telles que le son, les fibres artificielles subissent moins de décomposition fermentative et sont souvent mieux acceptées par les patients en raison de leur moindre production de gaz.
Dans le type de constipation, une combinaison avec des laxatifs osmotiques (lactulose, polyéthylène glycol) peut être nécessaire dans les cas persistants. De nouvelles substances pour le traitement de la constipation sont le prucalopride (Resolor®), un agoniste 5-HT4 hautement sélectif, et la lubiprostrone (Amitiza®), un activateur des canaux de chlorure. Chez les patients souffrant du syndrome du côlon irritable à prédominance de constipation, des études menées avec l’agoniste des récepteurs de la guanylate cyclase C linaclotide ont montré une amélioration significative des douleurs abdominales et de la constipation. Cette substance n’est pas encore autorisée en Suisse pour le traitement du syndrome du côlon irritable modéré à sévère avec constipation.
Dans le SII avec diarrhée prédominante, le lopéramide montre un ralentissement du temps de transit des selles, une amélioration de la consistance des selles et une diminution du besoin d’aller à la selle. Cependant, le lopéramide peut augmenter les douleurs abdominales. La dose et la durée du lopéramide doivent être adaptées individuellement en fonction de la sévérité et de l’évolution des symptômes. La combinaison d’agents d’évacuation des selles comme traitement de base et de lopéramide comme médicament à la demande a un effet favorable dans le SII à prédominance diarrhéique.
Les spasmolytiques : L’efficacité de ces médicaments, utilisés en cas de douleurs spasmodiques ou de ballonnements, est faible selon les études actuelles. Les représentants sont des substances anticholinergiques (Buscopan®), des antagonistes du calcium (Dicetel®), des substances agissant directement sur les muscles lisses du tractus gastro-intestinal comme les relaxants (Duspatalin®) et l’huile de menthe poivrée (Colpermin®).
Antibiotiques : Un effet modéré et de courte durée a été démontré pour l’antibiotique rifaximine (non autorisé en Suisse) dans le traitement du SCI avec ballonnements et diarrhée [2]. Cependant, en raison du manque d’études à long terme et du risque de développement de résistances, cette substance n’est pas une option thérapeutique.
Antidépresseurs : les antidépresseurs tricycliques sont utilisés de préférence chez les patients souffrant d’un SCI à prédominance diarrhéique pour traiter les douleurs chroniques résistantes au traitement [1]. Souvent, ces patients présentent une comorbidité de dépression ou d’anxiété. Un effet analgésique et neuromodulateur est observé avec les antidépresseurs tricycliques, même à très faible dose (p. ex. 10-25 mg d’amitryptilline). En raison de leur effet anticholinergique, les antidépresseurs tricycliques peuvent avoir un effet négatif sur la fréquence et la consistance des selles dans le SCI à prédominance de constipation.
Un effet positif sur la qualité de vie des patients atteints du SCI a été démontré pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
Médicaments de phytothérapie et probiotiques : Les résultats des études sur le traitement des ballonnements, de la distension abdominale, du météorisme et/ou des flatulences par des médicaments de phytothérapie et des probiotiques sont positifs, mais la qualité des études est généralement faible. Le médicament phytothérapeutique Iberogast® (neuf extraits de plantes) est particulièrement adapté au traitement du SCI avec constipation et en cas de ballonnements.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Les principaux facteurs pathogéniques du syndrome du côlon irritable sont, outre les troubles de la motilité, l’hypersensibilité viscérale, l’interaction perturbée entre le système nerveux entérique et le système nerveux central et les dysfonctionnements immunologiques.
- Le diagnostic du syndrome du côlon irritable est posé cliniquement selon les critères de Rome III et sur la base d’une anamnèse typique et d’un examen orienté vers les symptômes.
- En cas de symptômes tels que des ballonnements ou des diarrhées, un dépistage de la maladie cœliaque doit être effectué.
- Le dosage de la calprotectine dans les selles facilite le diagnostic différentiel avec les maladies gastro-intestinales organiques.
- les maladies.
- Le traitement comprend non seulement l’éducation du patient, des modifications du mode de vie et de l’alimentation, mais aussi une thérapie médicamenteuse concomitante et différentes formes de thérapie comportementale.PD Dr. med. Miriam Thumshirn
Bibliographie chez l’éditeur
PD Dr. med. Miriam Thumshirn
HAUSARZT PRAXIS 2013, n° 5 ; 6-8