Les ulcères veineux sont basés sur l’insuffisance veineuse chronique (IVC). La thérapie par compression combat directement la congestion et l’œdème et constitue donc la composante la plus importante d’un traitement réussi. Le traitement local dépend notamment de la quantité d’exsudat, du niveau de douleur ou de l’endommagement des bords de la plaie.
Une plaie est la séparation de l’ensemble des tissus sur les surfaces externes et/ou internes du corps, avec ou sans perte de tissus. Si cette plaie persiste plus de 8 semaines, on parle de plaie chronique, les plaies liées à certaines pathologies (maladies vasculaires veineuses ou artérielles, diabète sucré ou escarres) étant considérées comme chroniques dès leur apparition. Un ulcère est une plaie profonde qui s’étend au moins jusqu’au derme [1].
En Europe, l’ulcère de jambe veineux (ulcus cruris venosum) est la plaie chronique la plus courante. Des analyses de données secondaires (analyse des données des caisses d’assurance maladie en Allemagne) ont montré que chez nos voisins, entre 810 000 et 1,1 millions de personnes par an souffrent d’une plaie chronique. Cela correspond à 0,9-1,2% de la population et coïncide avec les chiffres d’autres pays d’Europe centrale [2]. Les ulcères veineux représentent environ 60% de l’ensemble des plaies chroniques. Les ulcères veineux sont plus fréquents chez les populations âgées [3].
Étiologie
Les ulcères veineux se développent sur le terrain d’une insuffisance veineuse chronique. La fonction des veines est de transporter le sang pauvre en oxygène et chargé de produits issus du métabolisme cellulaire de la périphérie vers les organes centraux que sont le cœur et les poumons. Alors que les artères peuvent utiliser la pompe à pression du cœur pour accomplir leur tâche, cette pression s’est épuisée dans la partie veineuse de la circulation, après le passage par le territoire capillaire artério-veineux. Lorsque le corps est à l’horizontale, le gradient de pression entre la zone post-capillaire et le cœur est juste suffisant pour assurer le reflux. La pression du flux est alors de 15-25 mmHg dans les veinules, de 8-20 mmHg dans la veine fémorale commune et encore de 5-7 mmHg dans l’oreillette droite. Ce système “basse pression” contient toutefois 85% du volume sanguin total. En 24 heures, environ 800 litres de sang doivent être drainés par jambe.
En position assise ou debout, la pression hydrostatique qui en résulte est d’environ 80-90 mmHg et entraîne un déplacement de 300-350 ml de sang de la cavité thoracique vers la périphérie, ce qui provoque une dilatation des vaisseaux veineux de capacité. Plusieurs mécanismes sont nécessaires pour maintenir le retour veineux dans cette situation et faire redescendre la pression à 10-20 mmHg.
La respiration agit comme une pompe aspirante à pression grâce à des variations de pression intrathoracique et intra-abdominale en sens inverse.
L’action cardiaque accélère le flux sanguin veineux, d’une part en drainant le sang de l’oreillette droite et des vaisseaux proches du cœur vers le ventricule droit, et d’autre part en déplaçant le plan des valves pendant la phase d’expulsion.
Les pompes musculaires, en particulier la pompe combinée des muscles du mollet et de la cheville, ont un rôle essentiel. Dans le muscle soléaire, la pression passe d’environ 13 à environ 85 mmHg pendant la contraction. Les veines musculaires sont alors pressées (le muscle gastrocnémien atteint une augmentation de pression de 11 à 23 mmHg et le muscle quadriceps fémoral de 0 à 15 mmHg). La perte de cette pompe musculo-articulaire en raison d’une mobilité réduite entraîne un syndrome de congestion arthrogène.
Les valvules veineuses sont conçues pour empêcher le reflux du sang vers la périphérie. Ils sont généralement constitués de deux, parfois trois, voiles dont le bord convexe pénètre dans la lumière du vaisseau [4].
Conséquences d’un dysfonctionnement
Un dysfonctionnement dans un système de drainage entraîne une augmentation du volume du liquide à évacuer (ici le sang). Le terme d’insuffisance veineuse regroupe des conditions de retour veineux difficile d’origines diverses. On distingue les insuffisances veineuses sous- et suprafasciales en fonction de la localisation de la cause, et les insuffisances aiguës et chroniques en fonction de l’évolution.
L’ulcère veineux survient au cours d’une insuffisance veineuse chronique (IVC), qui peut elle-même être la conséquence d’un événement aigu (thrombose veineuse profonde). Dans la région sous-fasciale, l’IVC est la conséquence soit d’une thrombose, soit d’une insuffisance veineuse profonde, une dégénérescence variqueuse des veines profondes. Les conséquences des thromboses veineuses profondes sont déterminées par la localisation de la thrombose. Alors que les thromboses isolées des veines pelviennes n’entraînent pratiquement jamais d’ulcères si les veines distales sont intactes, les thromboses des veines du creux poplité ou des veines profondes de la jambe entraînent des conséquences visibles relativement rapidement.
Dans la partie suprafasciale du système veineux, la dilatation des veines connue sous le nom de varicose avec perte de la fonction valvulaire peut entraîner une IVC. Ici, l’élargissement isolé des grosses veines du tronc (v. saph. magna et V. saph. parva) a des conséquences moins dramatiques que la dégénérescence variqueuse d’une ou plusieurs veines perforantes.
Une classification toujours utilisée de l’IVC est celle introduite par Widmer [5] en 1981 et qui porte son nom :
- Le stade I décrit l’apparition d’un œdème de la cheville avec un remplissage accru de petites veines au niveau des chevilles (corona phlébectatica paraplantaris).
- Au stade II, l’œdème s’étend et des modifications cutanées apparaissent. Hyperpigmentation (purpura jaune d’ocre), dermatite congestive et sclérose de la cuticule et de l’hypoderme (dermatoliposclérose). Les hypopigmentations maculaires sont appelées atrophie blanche (Fig. 1). Les zones décapitalisées, qui apparaissent comme des zones de peau blanche, sont entourées de capillaires géants dilatés, visibles sous forme de points rougeâtres.
- Le stade III est celui des patients qui souffrent ou ont souffert d’un ulcère floride, désigné par a ou b selon Marshall [6].
Le schéma CEAP [7] décrit en détail les
- Signes cliniquesaux stades 1-6 (où 6 désigne l’ulcère floride)
- Classification étiologique(primaire, secondaire)
- Distribution anatomique(superficielle, profonde, perforante, non connue)
- Dysfonctionnement pathophysiologique(reflux, obstruction, reflux et obstruction, non connus)
La cause exacte du passage de l’IVC à l’ulcère veineux, qui n’est pas inévitable chez tous les patients et qui peut également être considérée comme la conséquence d’une chute de pression limitée ou supprimée dans le système veineux lors de la marche (hypertension veineuse ambulatoire), n’est pas définitivement élucidée. Les enzymes protéolytiques et les médiateurs de l’inflammation jouent un rôle. Les ulcères peuvent apparaître spontanément ou à la suite d’un traumatisme mineur.
Diagnostic
La réussite du traitement de l’ulcère veineux passe par un diagnostic correct. L’anamnèse générale doit inclure les antécédents médicaux, chirurgicaux, professionnels, les dispositions familiales, les allergies connues (sensibilisation de contact), les médicaments actuels et les stress particuliers.
Il faut poser des questions ciblées sur les événements thrombotiques, les ulcères déjà survenus, les éventuels traumatismes impliquant les jambes, le début des modifications de la peau, la première observation du défaut de peau. Il est préférable de demander au patient de démontrer l’intensité de la douleur à l’aide d’une échelle à 11 chiffres (de 0 à 10, échelle visuelle analogue, EVA).
L’inspection porte sur les varices visibles, les œdèmes, les modifications articulaires, la différence de circonférence des jambes, la localisation de l’ulcère, l’état de la peau environnante, l’état des bords de la plaie. L’état de la surface de la plaie et la quantité d’exsudat (+, ++, +++) doivent être notés. La palpation permet de déterminer l’état du pouls, le gonflement œdémateux, les modifications dermatoscléreuses et les points douloureux. Le signe de Stemmer décrit l’impossibilité de soulever un pli de peau du dos du deuxième orteil avec deux doigts et sert de référence dans le diagnostic du lymphœdème. Le diagnostic à l’aide d’appareils comprend
- l’échographie Doppler directionnelle (cw) des artères avec détermination de l’indice brachial de la cheville (ABI),
- l’échographie Doppler directionnelle (cw) des veines avec diagnostic de reflux,
- une méthode d’examen fonctionnel telle que la rhéographie par réflexion de la lumière (LRR) ou la photopléthysmographie numérique (DPPG), et
- les techniques d’imagerie telles que l’échographie B (éventuellement de compression), l’échographie duplex codée en couleur et, uniquement dans de rares cas exceptionnels et justifiés, la phlébographie.
L’échographie cutanée 20 MHz, la tomodensitométrie, l’IRM, le Doppler laser, la microscopie capillaire et la mesure de la pression partielle d’oxygène transcutanée restent réservées aux centres spécialisés.
Les diagnostics de laboratoire se contentent d’une offre modeste : hémogramme différencié, BSG et CRP comme paramètres inflammatoires ainsi que glycémie, acide urique, cholestérol comme paramètres métaboliques font partie de la routine. En cas de sensibilisation de contact présumée, un diagnostic d’allergie peut être utile. Le diagnostic de coagulation doit être effectué si des conséquences sont à prévoir pour le patient ou ses proches. Les ulcères résistants au traitement doivent être examinés histologiquement, ne serait-ce que pour détecter d’éventuelles causes malignes sous-jacentes. Les prélèvements de plaies, bien que limités, doivent toujours être effectués.
Dans la documentation de la plaie, la plus grande longueur et la plus grande largeur de la plaie sont mesurées. Il est possible de dessiner les contours des ulcères à l’aide de films. Sur certaines diapositives, il est possible d’obtenir une indication de la taille en comptant les cases. Des programmes de documentation appropriés permettent l’évaluation planimétrique des films. Un appareil photo numérique doit être utilisé pour prendre une photo de la plaie avec une mesure centimétrique adjacente. Les photos numériques s’intègrent facilement dans les logiciels de cabinet médical ou de clinique. Les règles doivent contenir le code du patient, la date de l’enregistrement et le côté du corps. Les aspects juridiques deviennent de plus en plus importants. La documentation photographique requiert le consentement écrit des personnes concernées, au moins lorsqu’il existe une possibilité d’utilisation publique des photos à des fins de formation. Les légendes des photos ne doivent pas contenir de noms ou d’informations réanonymisables telles que les dates de naissance.
Un traitement causal doit viser à éliminer la congestion du système veineux et à prévenir sa réapparition. La thérapie par compression est la mesure la plus importante et la plus efficace dans la lutte contre les ulcères veineux. Elle augmente la vitesse de circulation dans les capillaires, réduit le diamètre des grosses veines, entraîne la réabsorption du liquide conjonctif dans les vaisseaux et prévient la formation de nouveaux œdèmes en agissant sur les parois des vaisseaux. Des effets sur la réponse inflammatoire locale, tels qu’une diminution des cytokines impliquées, pourraient être impliqués dans le soulagement de la douleur et la cicatrisation. Des taux de guérison impressionnants peuvent être observés après seulement 12 semaines d’application d’une compression adéquate.
Avant d’appliquer un traitement de compression systématique, il convient toujours de procéder à un contrôle de l’apport artériel par échographie Doppler. Des pressions artérielles de 60-80 mmHg (correspondant dans la plupart des cas à un indice cheville-bras de 0,5) permettent tout juste une compression sous surveillance, mais il convient de souligner que de telles pressions correspondent déjà à une ischémie critique et qu’un traitement par compression jugé absolument nécessaire nécessite ici une surveillance attentive. De même, une cause cardiaque de l’œdème doit être exclue avant de commencer la compression afin d’éviter un déplacement de volume qui pourrait mettre la vie en danger. En cas d’inflammation aiguë (par ex. érysipèle), il faut renoncer à la compression.
Il existe différents systèmes de traitement par compression des ulcères florides sur le marché. Ils vont de la simple bande à extension courte “Pütter” à deux couches aux pansements multicouches, en passant par les bas pour ulcères et les bandages adaptatifs. Le pansement double couche avec bandes à allongement court est le pansement le plus répandu dans les pays germanophones pour le traitement de l’ulcère veineux. Son efficacité et sa tolérance reposent sur le fait qu’il exerce peu de pression sur le système veineux au repos, mais une pression optimale lors des mouvements (faible pression au repos, pression élevée au travail). Les bandes à extension courte doivent être rembourrées.
Dans les pays anglo-saxons en particulier, les bandages multicouches (combinant par exemple des bandes d’ouate, des bandes courtes et/ou des bandes longues) sont utilisés avec succès. Mais ces dernières années, plusieurs systèmes, généralement à deux couches, sont également apparus sur le marché en Europe centrale. Ils offrent un confort accru aux patients comme aux praticiens, avec des pressions de compression garanties pendant quelques jours.
Les bandages adaptatifs peuvent être adaptés individuellement aux patients. De plus, ils permettent de bien réagir à une réduction de l’œdème par un enroulement plus serré. Ils conviennent également à l’investissement personnel. Les bas à une ou deux couches pour le traitement des ulcères ont été introduits avec succès. Ils représentent un soulagement considérable pour les patients, dans des conditions d’hygiène irréprochables. La thérapie de compression intermittente à l’aide d’appareils devrait accélérer la guérison des ulcères florides. Les systèmes à chambres multiples sont censés être supérieurs aux systèmes à chambre unique.
Des bas de contention à mailles rondes sont prescrits après la guérison des ulcères veineux, en particulier pour prévenir les récidives. En règle générale, on utilisera ici des bas de classe de compression II (23-32 mmHg de pression au niveau de la cheville). Si l’œdème est plus prononcé, la classe de compression III (34-46 mmHg) peut également être indiquée. Le drainage lymphatique manuel et la kinésithérapie sont des moyens très efficaces de décongestion et complètent la thérapie par compression.
Thérapie chirurgicale
L’intérêt des interventions chirurgicales dans le traitement des ulcères peut résider dans l’élimination des reflux veineux, la réduction des pressions intracompartimentales ou l’ablation de l’ulcère. Les mesures thérapeutiques chirurgicales ont pour but :
- l’élimination des sections veineuses épi- et transfasciales insuffisantes
- la thérapie locale des ulcères (shave therapy)
- Procédure impliquant le fascia cruris (fasciotomie, fasciectomie)
Les procédures endoveineuses telles que la thérapie au laser, la thérapie par ondes radio et la sclérose en mousse sont de bonnes alternatives [8].
La thérapie par le vide s’est avérée particulièrement efficace en clinique, notamment en association avec la plastie de greffe de maille qui suit. En Allemagne , elle est également remboursée par les organismes payeurs dans le secteur ambulatoire depuis 2019.
Résumé
L’ulcère veineux se développe sur le terrain d’une insuffisance veineuse chronique, qui peut elle-même avoir des causes aussi bien dans le système veineux profond que dans le système veineux superficiel ou dans le système des perforantes. En fonction de la cause, le principe thérapeutique le plus important est la compression stricte. Les mesures chirurgicales doivent être prises en compte dans le traitement chaque fois que cela est possible, afin d’accélérer la guérison et d’éviter les récidives. Des méthodes de thérapie physique supplémentaires ont fait leurs preuves.
Messages Take-Home
- Les plaies chroniques surviennent dans le cadre de maladies sous-jacentes.
- Les ulcères veineux se développent sur le terrain de l’insuffisance veineuse chronique (IVC).
- Comme la thérapie par compression s’attaque directement aux conséquences de l’IVC (congestion, œdème), elle est la composante la plus importante d’un traitement réussi.
- Le traitement local de la plaie dépend des besoins actuels tels que la quantité d’exsudat, le niveau de douleur ou les lésions des bords de la plaie.
Littérature :
- Dissemond J, Bültemann A, Gerber V, et al. : Clarification des termes utilisés pour le traitement des plaies : recommandations de Initiative Plaies Chroniques (ICW)e.V. Hautarzt 2018 ; 69 : 708-782.
- Groupe de recherche PMV Université de Cologne. Épidémiologie et soins des patients atteints de plaies chroniques. Une analyse basée sur l’échantillon d’assurés AOK Hessen/KV Hessen 4/2016.
- Rabe E, Pannier-Fischer F, Bromen K, et al : Bonner Venenstudie der Deutschen Gesellschaft für Phlebologie 2003.
- Kügler C : Maladies veineuses. ABW Wissenschaftsverlag GmbH 2011 ; 11-21.
- Widmer LK, Kamber V, da Silva A, Madar G. [Overview : varicosis (author’s transl)]. Langenbecks Arch Chir 1978 Nov ; 347 : 203-207.
- Marshall M. Praktische Phlebologie, in : Ludwig M. (Hrsg.) Gefäßmedizin in Klinik und Praxis, 3ème édition 2010 ; 82-87, Thieme Verlag. .
- Ludwig M, Rieger J, Ruppert V : Médecine vasculaire en clinique et en pratique, éditions Georg Thieme, 2e édition 2010 ; 284.
- Carmel JE, Bryant RA : Ulcères veineux dans les plaies aiguës et chroniques. Elsevier 2016 ; 204-225.
- Thérapie de compression médicale des extrémités avec bas de compression médicale (MKS), bandage de compression phlébologique (PKV) et systèmes de compression adaptatifs médicaux (MAK), registre AWMF n° 037-005, valable jusqu’au 31.12.2023, Société allemande de phlébologie.
- Stoffels I : Systématique des thérapies chirurgicales dans Dissemond J, Kröger K. Plaies chroniques. Elsevier GmbH 2019.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(3) : 9-12