En fonction des facteurs de risque individuels, un traitement médicamenteux doit être mis en place dès l’ostéopénie. FRAX et TOP sont des outils d’évaluation des risques éprouvés. Pour un diagnostic différencié, l’ostéodensitométrie peut être combinée avec le “Trabecular bone score”. En cas d’indication de pharmacothérapie, le risque d’effets “rebond” doit être pris en compte. Une combinaison avec des mesures de style de vie peut avoir un effet positif sur l’évolution.
Une faible teneur en sels minéraux, une faible densité osseuse et une architecture osseuse perturbée sont des caractéristiques typiques de la maladie ostéoporotique. La perte osseuse peut être cliniquement silencieuse pendant une longue période, mais le risque de fracture est accru et même des blessures mineures ou des efforts quotidiens peuvent entraîner une fracture. Les parties du corps les plus souvent touchées sont le fémur (col du fémur), l’humérus ou l’avant-bras, les côtes et la colonne vertébrale (fracture des vertèbres). Les femmes ont un risque d’ostéoporose deux fois plus élevé que les hommes, et ce risque augmente avec l’âge car, à la ménopause, la densité osseuse diminue de 3 à 5 % par an. La moitié de la population féminine de plus de 50 ans en Suisse a un risque élevé de souffrir d’une fracture ostéoporotique au cours de la période de vie restante [1]. Selon les données de prévalence de l’étude EPOS, on observe une augmentation corrélée à l’âge chez les femmes, de 15% chez les 50-60 ans à 45% chez les >70 ans [2]. La carence en œstrogènes entraîne une accélération du métabolisme osseux, la baisse des taux d’œstrogènes réduit l’absorption du calcium. Le risque de carence en vitamine D et de réduction de l’absorption intestinale du calcium et de la fixation du calcium sur les os qui en découle augmente. Chez les deux sexes, une ostéoporose secondaire peut également survenir à la suite d’autres maladies (par exemple, les maladies rénales, hépatiques et intestinales ainsi que les maladies hormonales et métaboliques).
Intervenir dès l’ostéopénie
La tendance à faire des chutes plus fréquentes sans influence extérieure est liée à un risque accru de fracture ostéoporotique chez les femmes après la ménopause et chez les hommes, en particulier dans le groupe d’âge des 70 ans et plus. Une mesure de la densité osseuse, appelée ostéodensitométrie, par DEXA (méthode d’absorption des rayons X à double énergie) donne la “Bone mineral density” (BMD, g/cm2). L’unité de mesure standardisée est le T-score, qui indique l’écart par rapport à la moyenne. Selon l’OMS [3,4], un T-score ≤-2,5 signifie un risque élevé de fracture et une indication de mesures thérapeutiques. Si le T-score se situe entre -1,5 et -2,5, il s’agit d’un risque moyen selon cette définition. Un traitement médicamenteux est considéré comme nécessaire en présence de facteurs de risque (par exemple, antécédents de fractures, âge >70 ans, prise de stéroïdes, obésité, tabagisme, consommation excessive d’alcool). Si le T-score est supérieur à -1,5, le risque est considéré comme faible et des mesures préventives générales devraient suffire. En Suisse, la prise en charge d’une DEXA par la caisse d’assurance maladie est accordée pour certaines indications [5]. Les chiffres suivants montrent que le risque de fracture augmente avec le nombre de fractures subies [6] : Pour un score DMO T de -2,6, le risque est d’environ 8% en cas d’antécédents de 0 fracture vertébrale, d’environ 22% en cas de 2 fractures et d’environ 28% si ≥3 fractures ont déjà été subies. “Nous savons que 90% des fractures chez les personnes âgées sont la conséquence d’une chute”, résume le Dr Michael Gengenbacher, directeur médical et médecin-chef, groupe RehaClinic, Bad Zurzach [5]. Des tests faciles à réaliser peuvent être utilisés pour dépister le risque de chute (Timed up & go test, Chair rising test, manœuvre en tandem, analyse de la marche GAITRite) (tableau 1).
La combinaison du TBS et de la DMO augmente la pertinence du diagnostic
La densitométrie ne mesure que le contenu minéral de l’os et n’équivaut pas à une évaluation du risque individuel de fracture. Il a été démontré que la détermination complémentaire du score TBS (“Trabecular bone score”) permettait une évaluation plus nuancée du risque de fracture que la seule mesure de la DMO [7]. Le TBS est un indicateur structurel qui évalue les variations de niveaux de gris des pixels individuels sur l’image DEXA de la colonne lombaire et fournit un indice indirect de la microarchitecture trabéculaire. Le TBS est corrélé aux paramètres de microarchitecture osseuse (analyse de l’agencement spatial de l’intensité des pixels en fonction des différences entre la capacité d’absorption des rayons X d’un os ostéoporotique et celle d’un os spongieux sain). Une analyse secondaire a montré que les niveaux de TBS sont associés de manière avérée à la survenue de fractures [7]. Chez les femmes postménopausées et les hommes ayant déjà subi des fractures, les valeurs de TBS sont plus faibles que chez les personnes sans fracture [8]. De plus, le TBS est associé à un risque de fracture osseuse chez les personnes présentant des conditions liées à une réduction de la masse ou de la qualité osseuse. Outre une valeur pronostique, il s’agit d’un paramètre pertinent pour le suivi.
Inclure le risque de fracture à 10 ans
L’orateur souligne l’importance d’une détection précoce des facteurs de risque et des mesures appropriées, même en cas de risque faible selon le T-Score : “La plupart des fractures de la colonne vertébrale surviennent en cas d’ostéopénie”. L’ostéopénie est un précurseur de l’ostéoporose et se définit par une DMO de 1 à 2,5 écarts-types en dessous de la moyenne du T-score (ostéoporose : DMO < -2,5). Pour tenir compte de cette situation, l’OMS a créé et diffusé un outil de calcul du risque de fracture basé sur Internet [8] :
L’outil d’évaluation du risque de fracture (FRAX). Cela permet de calculer le risque de fracture à 10 ans pour les 4 grandes fractures ostéoporotiques (“major osteoporotic fractures” : vertèbre, humérus proximal, radius distal et hanche) ou isolément pour la fracture de la hanche. L’outil TOP SGR de la plateforme Ostéoporose de la Société suisse de rhumatologie est un instrument adapté à la Suisse pour déterminer le risque de fracture à 10 ans des patients âgés de 50 à 90 ans [9]. Contrairement au FRAX, il doit constituer une aide concrète à la décision pour le médecin en ce qui concerne les aspects suivants : 1) Indication d’une ostéodensitométrie avec DEXA en cas de suspicion d’ostéoporose, 2) Indication d’un traitement médicamenteux (en plus du calcium et de la vitamine D) chez les patients présentant une densité osseuse réduite après calcul du risque absolu de fracture au cours des 10 prochaines années, 3) Prise en charge par la caisse d’assurance maladie en fonction de facteurs pertinents (par ex. facteurs de risque, valeurs de densité osseuse, indication, limite).
Pharmacothérapie adaptée aux besoins individuels – éviter les effets de rebond
Actuellement, les traitements de l’ostéoporose en Suisse sont les bisphosphonates, le dénosumab, les modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERM), ainsi que le tériparatide (Forsteo®). Les substances anti-résorptives inhibent la résorption osseuse, les substances anaboliques favorisent la formation osseuse [10,13]. Les préparations anabolisantes sont particulièrement indiquées en cas d’ostéoporose sévère, d’absence de réponse ou d’intolérance à d’autres substances actives.
les bisphosphonates (antirésorptifs via l’inhibition des ostéoclastes) : Les substances alendronate, risédronate et zolédronate réduisent les fractures des corps vertébraux, des hanches et des corps non vertébraux. Pour l’ibandronate, seule la réduction des fractures vertébrales a été démontrée jusqu’à présent. Pour les durées de traitement >3/5 ans, les preuves sont jusqu’à présent peu nombreuses.
le dénosumab (antirésorptif via l’inhibition de RANK-L) : Réduction du risque de fractures vertébrales et de la hanche (de 70% et 40% respectivement). Une augmentation de la DMO a pu être mise en évidence même après 10 ans. Rebond avec risque de fractures multiples du corps vertébral : survient 5 à 18 mois après l’arrêt ; les données sur l’incidence sont très variables (5-15%).
SERM : le raloxifène et le bazédoxifène réduisent les fractures vertébrales d’environ 30 à 40% (CAVE risque de thrombose, risque cardio-vasculaire, troubles vasomoteurs).
Tériparatide (anabolisant) : réduit les fractures vertébrales et non vertébrales (fractures de la hanche non prouvées à ce jour). La durée optimale du traitement n’est pas claire, le traitement de suivi est important. Selon une étude randomisée, meilleure efficacité que le risédronate en cas d’ostéoporose sévère [11].
La durée du traitement dépend d’une part du patient ou de son risque individuel de fracture et d’autre part de la préparation [12]. Si le traitement est trop court, le risque de fracture reste élevé. Après l’arrêt d’un traitement, il convient d’effectuer un suivi régulier et, en cas d’aggravation de la minéralisation osseuse ou de nouvelle fracture, d’envisager éventuellement un nouveau cycle de traitement sur la base d’une analyse individuelle du rapport bénéfice/risque. En raison de leurs effets résiduels à long terme, les bisphosphonates peuvent être arrêtés ou mis en pause au cours du traitement chez les patients à risque faible à modéré.
Le dénosumab améliore nettement la minéralisation osseuse et donc la densité osseuse, mais il peut y avoir un effet de rebond à l’arrêt du traitement en raison de la diminution de l’inhibition des cellules qui dégradent l’os (ostéoclastes). Pour réduire le risque de fractures vertébrales et de perte de densité minérale osseuse après l’arrêt du traitement par Prolia® (dénosumab), un traitement séquentiel par un bisphosphonate est indiqué pendant 12 à 24 mois [14,16].
L’anticorps monoclonal ostéogénique romosozumab (Evenity®) a récemment été approuvé dans l’UE [15]. Ce médicament a une double action : d’une part, il augmente la formation osseuse et, d’autre part, il diminue la résorption osseuse.
En ce qui concerne les facteurs liés au mode de vie en tant que mesures complémentaires, les recommandations selon l’ASGO sont les suivantes [12]: apport suffisant en calcium (1000 mg/jour) et en vitamine D (≥800 E/jour, évent. supplémentation en vitamine D) ainsi qu’une alimentation équilibrée avec un apport suffisant en protéines (1 g/kg de poids corporel) et une activité physique régulière, la prévention des chutes ainsi que l’évitement des facteurs de risque (p. ex. tabagisme, consommation excessive d’alcool).
Littérature :
- brainMAG : Entretien avec le Dr Elisabeth Treuer Felder, par Athena Tsatsamba Welsch. brainMAG Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2019 ; 1 : 37-40.
- Gourlay ML, et al : Intervalle de test de la densité osseuse et transition vers l’ostéoporose chez les femmes âgées. N Engl J Med 2012 ; 19 ; 366(3) : 225-233.
- OMS, www.who.int
- Lignes directrices de l’AACE, Association américaine des endocrinologues cliniques, www.aace.com
- Gengenbacher M : Ostéoporose 2020 – Actualités du diagnostic et du traitement. Dr. med. Michael Gengenbacher, directeur médical et médecin-chef, groupe RehaClinic, FOMF Bâle, 30.01.2020
- Siris ES, et al : Prédiction améliorée du risque de fracture combinant l’état de la fracture vertébrale et la DMO. Osteoporos Int 2007 ; 18 : 761-770.
- Silva BC, et al : Trabecular Bone Score : A Noninvasive Analytical Method Based Upon the DXA Image. J Bone Miner Res 2014 ; 29(3) : 518-530.
- FRAX, www.sheffield.ac.uk/FRAX/Tool
- SGR : Société suisse de rhumatologie, www.rheuma-net.ch/de/aktuelles
- Schmid G : Ostéoporose – Mise à jour Dr. med. Gernot Schmid, Formation continue 22.03.2019, www.luks.ch
- Kendler DL, et al : Effects of teriparatide and risedronate on new fractures in post-menopausal women with severe osteoporosis (VERO) : a multicentre, double-blind, double-dummy, randomised controlled trial. Lancet 2018 ; 391(10117) : 230-240.
- SVGO (Association suisse contre l’ostéoporose) : Recommandations 2015. www.svgo.ch
- Haas AV, LeBoff MS : Agents ostéoanabolisants pour l’ostéoporose. J Endocr Soc 2018 ; 2(8) : 922-932.
- Swissmedic : www.swissmedic.ch/swissmedic/en/home/humanarzneimittel/market-surveillance/
- Evenity®: https://arznei-news.de/romosozumab/
- Medix : www.medix.ch/wissen/guidelines
HAUSARZT PRAXIS 2020 ; 15(3) : 20-22 (publié le 24.3.20, ahead of print)