Dans les numéros précédents de HAUSARZT PRAXIS, cette rubrique a présenté un large éventail de causes possibles de dysphagie et les a approfondies à l’aide d’exemples de cas. Comme le montre l’examen d’une seule patiente dans l’évolution chronologique décrite dans le présent article, la collaboration interdisciplinaire et la patience sont indispensables, en particulier dans les cas complexes.
Les modifications et les maladies d’origine neurologique, orthopédique, interne et oncologique ont été présentées et la place des différentes techniques d’imagerie a été attribuée. Le cas présenté aujourd’hui montre, après plusieurs années d’évolution chez une patiente âgée de 61 ans, que la dysphagie peut avoir plusieurs causes, qu’elle fait appel à différentes spécialités médicales et qu’elle nécessite différentes méthodes de diagnostic, y compris l’imagerie.
Étude de cas
La casuistique des cas démontre la complexité de la dysphagie sur une évolution de huit ans chez une patiente âgée de 53 ans au moment du premier contact dans notre cabinet, qui l’a conduite à consulter médecin généraliste interne, chirurgie, ORL, neurologie et orthopédie. Il en a résulté différents examens d’imagerie médicale, qui sont discutés ci-après dans l’ordre chronologique.
Juin 2014
La patiente, âgée de 53 ans, est en bon état général. Il existe un traitement de la thyroïde par Eferox 25, 1 comprimé par jour. Elle décrit des phases alternées d’agitation et de fatigue, ainsi qu’une sensation de pression et de boule dans la gorge. Le médecin généraliste interniste a demandé une évaluation de la situation de la thyroïde. Les analyses de laboratoire ont montré que les FT4 et FT3 étaient dans la norme et que la TSH était abaissée à la base. L’échographie et la scintigraphie thyroïdienne (72 MBq 99 Tc-pertechnétate) ont mis en évidence un goitre nodulaire s’étendant jusqu’à la région rétrosternale, nettement accentué à gauche et présentant une autonomie focale. (Fig. 1A et 1B). Lesstructures nodulaires visibles à l’échographie dans le lobe droit de la thyroïde avec dépression de l’enregistrement de l’activité étaient moins développées. L’assainissement définitif de la thyroïde par thyroïdectomie a été décidé à la suite de examens de médecine nucléaire recommandé.
Novembre 2015
En cas d’augmentation lente de la pression et de la sensation de boule dans la gorge et de début de dysphagie, la patiente a consulté un collègue oto-rhino-laryngologiste. Un examen radiologique de l’œsophage a été demandépourexclure un obstacle au passage. La déglutition de la bouillie avec du sulfate de baryum (Fig. 2A et 2B) a attesté des conditions normales de la muqueuse de l’œsophage et un passage sans entrave. Un diverticule, un processus tumoral ou même une altération mécanique externe ont été exclus. La colonne cervicale peu dégénérative présentait une mauvaise posture en extension avec pour conséquence de possibles myogéloses.
2017
Ce n’est que 3 ans après le diagnostic que la patiente a pu se décider pour uneintervention chirurgicale avec une opération totale de la thyroïde. La symptomatologie initiale était progressive avec une dysphagie croissante et également une situation métabolique hyperthyroïdienne.
Juillet 2020
En cas de dysphagie postopératoire persistante, la patiente a consulté à nouveau le ORL sur le site. Celui-ci n’a pas pu constater de changement pertinent pour la symptomatologie, un consultation neurologique n’a pas non plus révélé de pathologie. Finalement, une IRM du cou a été réalisée. (Fig. 3A et 3B) pour exclure toute modification pathologique. L’examen des tissus mous du cou était sans particularité et les modifications pathologiques des structures des tissus mous ont pu être exclues. Après strumectomie, il n’y avait plus de tissu thyroïdien ou une cicatrisation excessive.
Mars 2022
Par la suite, une présentation dans un cabinet orthopédique a eu lieu. La situation clinique indiquait un syndrome cervical. Une IRM de la colonne cervicale a été réalisée (Fig. 4A et 4B). Elle a confirmé la mauvaise statique de la colonne cervicale connue par l’examen radiographique de 2015 et a permis d’exclure une hernie discale ou une myélopathie cervicale avec un faible bullage du disque C5/6 et une ostéochondrose initiale des segments C4/5/6.
En résumé, la cause de la dysphagie persistante n’est pas clairement établie. Des modifications inflammatoires ou volumineuses des parties molles du cou ont été exclues. La mauvaise statique de la colonne cervicale semble être la cause de la persistance des symptômes, tout comme les influences psychogènes.
Messages Take-Home
- La dysphagie est un symptôme, pas une maladie.
- Les causes possibles sont multiples.
- Dans de nombreux cas, une collaboration interdisciplinaire intensive entre différentes spécialités de la médecine humaine est nécessaire.
- Le spectre diagnostique comprend une anamnèse précise, des examens cliniques et de laboratoire, complétés par des examens d’imagerie.
- Si les symptômes persistent et que des modifications morphologiques des organes sont exclues, il faut également penser à des causes fonctionnelles ou psychologiques.
Littérature complémentaire :
- voir les références bibliographiques dans les articles précédents de la série Images sur la dysphagie : Hausarzt Praxis 3/2022-09/2022 ; également disponible sur www.medizinonline.ch.
- Arens C, Hermann F, Rohrbach S, et al. : Prise de position de la DGHNO et de la DGPP – État des lieux du diagnostic clinique et endoscopique, de l’évaluation et du traitement des troubles de la déglutition chez les enfants et les adultes. Laryngorhinootologie 2015 ; 94(S 01) : S306-S354.
- Thiel MM, Ewerbeck C (éd.) : Praxiswissen. Dysphagie. Diagnostic et traitement. Springer-Verlag : Berlin, Heidelberg, New York ; 2010.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2022 ; 17(10) : 62-64