La performance sportive est le résultat de l’interaction de nombreux facteurs, un peu comme une mosaïque ou un puzzle. L’image globale n’est correcte que si toutes les briques ou pièces sont correctement assemblées. Quelle est la place de l’alimentation dans ce concept global ?
Les éléments suivants, dans n’importe quel ordre, sont des conditions nécessaires pour une performance sportive de haut niveau :
- une série de facteurs héréditaires encore insuffisamment étudiés à l’heure actuelle
- le plus de talent possible
- une grande résistance psychologique et une grande résilience
- un environnement social favorable (cercle familial et amical harmonieux, employeur compréhensif)
- un bon entraîneur
- une condition physique parfaite
- une excellente santé, éventuellement grâce à un bon médecin du sport.
La figure 1 résume ces facteurs. Dans la littérature, la part de la génétique dans la réalisation d’une performance peut atteindre 60%. La part restante de l’amélioration des performances est obtenue par l’entraînement, l’activité et la récupération étant indissociables. Dans le facteur “santé”, il ne faut pas oublier la composante psychologique. Dans le sport de compétition, cet aspect est souvent trop peu pris en compte, alors qu’il possède un potentiel encore largement méconnu.
L’alimentation n’a volontairement pas été mentionnée jusqu’à présent. Cela peut sembler paradoxal, car même s’il s’agit certainement d’une impression subjective, il me semble qu’aucun autre domaine n’est aussi souvent abordé dans les publications de médecine du sport que la nutrition. Cette abondance d’informations pourrait laisser penser que l’alimentation est même le plus important des facteurs déterminant la performance. Est-ce vraiment le cas ?
Rôle de la nutrition
Dans le processus d’entraînement, pierre angulaire de la réussite sportive, l’alimentation a avant tout une importance énergétique : elle fournit à l’organisme les substances indispensables, tant en termes de qualité que de quantité. La récupération joue un rôle très important dans l’ensemble du processus d’entraînement et, là encore, l’alimentation est essentielle. Malgré la fatigue, l’épuisement et parfois même la déception (souvent liée à une perte d’appétit), il faut remplacer les substances perdues le plus rapidement possible. Ce n’est que pendant quelques heures après l’arrêt de la performance que le corps reconstitue les réserves de glycogène, si importantes pour la performance mais rapidement épuisées, à un rythme de 7% par heure au lieu de 5%. Il faut en tirer parti.
Le lien entre l’alimentation et la santé, tant positif que négatif, est suffisamment connu. Les mêmes règles s’appliquent au sportif et à l’inactif. Je voudrais toutefois attirer l’attention sur un aspect important : l’impact psychologique de l’alimentation. Trouver le goût et le plaisir de manger fait partie d’un processus d’apprentissage et d’éducation qui commence dès la naissance et se poursuit en famille, à l’école ou à la cantine. Toutes les sensations gustatives constituent des souvenirs et des repères très importants sur le plan psychologique. Les repas pris en commun sont l’occasion pour chacun d’entrer en contact avec les autres, d’échanger des nouvelles et des idées et, surtout, de se libérer pendant quelques instants de la tension intérieure qu’implique le sport de compétition.
Qu’en est-il de la caféine, de la carnitine, de la créatine, des suppléments multivitaminés et autres mélanges de protéines ? On attribue souvent un (trop) grand effet à l’apport spécifique de compléments alimentaires autorisés. Peu de ces suppléments ont démontré des effets d’amélioration des performances. Et il ne faut pas oublier que certains cas de dopage spectaculaires de ces dernières années étaient dus à de tels suppléments contaminés.
De ce point de vue, la figure 1 peut être complétée en conséquence par la boîte bleue, l’alimentation.
Il n’existe pas de potion magique
Le rôle de la nutrition dans le sport est ainsi décrit : Son importance ne doit pas être sous-estimée. Mais il serait tout aussi erroné de leur accorder une importance excessive. Il est tout aussi erroné d’attribuer une victoire à un quelconque aliment miracle que de chercher les causes d’une défaite dans une mauvaise alimentation. Il n’est pas réaliste d’attendre de certains aliments pour sportifs disponibles sur le marché qu’ils agissent comme une potion magique. Ce serait en outre prêter à une diététique sportive des intentions qu’elle n’a pas. Même si l’alimentation dans le domaine du sport semble parfois se situer à la limite du dopage, elle n’a rien à voir avec celui-ci. Au contraire, il s’agit d’une alternative autorisée et utile. L’alimentation n’est certes qu’un seul élément de l’édifice complexe de la performance, mais c’est un élément qui présente de nombreux avantages : il est souvent plus facile, dans un premier temps, d’optimiser le comportement alimentaire (par exemple en abandonnant les mauvaises habitudes alimentaires) que d’améliorer en peu de temps d’autres éléments essentiels à la performance sportive, comme la force, l’endurance ou la coordination.
Un conseil détaillé sur la bonne alimentation dans le sport répond donc simultanément à plusieurs exigences : Améliorer les performances dans une mesure éthiquement acceptable, préserver la santé et promouvoir des comportements alimentaires qui ont un effet préventif.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016, 11(2) : 2