Que se passe-t-il si deux ou plusieurs médicaments sont pris simultanément ? La réponse est qu’il peut y avoir une augmentation ou une diminution des effets du médicament. Cela est parfois tolérable, voire souhaitable, mais dans le pire des cas, cela entraîne des toxicités et des échecs thérapeutiques. La 96e assemblée annuelle de la SSDP, qui s’est tenue à Bâle, s’est penchée plus précisément sur le sujet.
Selon le PD Dr Manuel Haschke, de l’Hôpital universitaire de Bâle, la fréquence des interactions dépend du patient concerné et, bien sûr, du traitement. Dans le secteur ambulatoire, elle représente environ 2 à 6% des patients et dans les hôpitaux, environ 40 à 50%. “Les interactions sont responsables de 5 à 30 % de tous les effets indésirables des médicaments (tableau 1)“, a déclaré l’orateur. “La plupart d’entre elles pourraient être évitées, car les causes sont connues. Un facteur de risque d’interactions est logiquement la polypharmacie, mais aussi le nombre élevé de médecins prescripteurs, les nouveaux médicaments et les médicaments ‘over-the-counter’, c’est-à-dire l’automédication. Les changements – qu’il s’agisse de l’introduction d’un nouveau médicament, d’une combinaison de médicaments ou de l’arrêt d’un médicament – constituent toujours une situation à risque”.
Médicaments problématiques
Les interactions avec des médicaments à marge thérapeutique étroite (par ex. antiépileptiques, anticoagulants, immunosuppresseurs) peuvent augmenter le risque de survenue d’effets indésirables. En outre, des interactions problématiques peuvent survenir lorsque des enzymes critiques comme le CYP3A, le CYP2C9, la xanthine oxydase ou la MAO sont impliquées de manière significative dans le métabolisme des médicaments. Les médicaments qui sont éliminés sous forme inchangée par voie rénale ou biliaire sont également souvent affectés, de même que ceux qui sont fortement liés aux protéines, notamment les dérivés de la coumarine et les sulfonylurées.
Les médicaments en interaction sont généralement des inhibiteurs ou des inducteurs d’enzymes clés du métabolisme des médicaments ou de transporteurs de médicaments. La forte liaison aux protéines (en particulier des anti-inflammatoires non stéroïdiens) peut également favoriser les interactions.
La figure 1 résume les effets possibles des interactions.
Répartition
Les interactions médicamenteuses peuvent être décrites de trois manières différentes. D’une part, il y a les interactions à l’extérieur du corps : les interactions pharmaceutiques (incompatibilité, par exemple la précipitation dans la solution de perfusion). Des interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques se produisent à l’intérieur de l’organisme. Les premiers impliquent une modification de la concentration sérique de l’un ou des deux partenaires de l’interaction, tandis que les seconds impliquent une augmentation ou une diminution mutuelle de l’effet sans modification de la concentration sérique. Les interactions peuvent concerner les quatre processus pharmacocinétiques (ADME) :
A : Absorption
D : Distribution
M : Métabolisme
E : Élimination.
Des exemples d’interactions dans l’absorption des médicaments sont résumés dans le tableau 2.
“Concernant le métabolisme : les inhibiteurs importants du CYP3A4 sont les antifongiques azolés comme le kétoconazole ou l’itraconazole, les antibiotiques comme la clarithromycine, les inhibiteurs de protéase comme le ritonavir ou le saquinavir et, comme on le sait, le jus de pamplemousse. Les inducteurs du CYP3A4 sont par exemple des antiépileptiques classiques comme la carbamazépine, des antibiotiques comme la rifampicine, des INNTI comme la névirapine ou des extraits de millepertuis. En combinaison avec un médicament comme le midazolam, qui est métabolisé par le CYP3A4, il peut maintenant y avoir des interactions pertinentes”, a expliqué le conférencier. “Les inhibiteurs et les inducteurs du CYP3A4 ont le potentiel de modifier très fortement les concentrations plasmatiques du midazolam et donc de diminuer ou d’augmenter son effet. Des ajustements de dose sont nécessaires”. Pour les inhibiteurs, l’effet commence quelques minutes ou quelques heures après le début de l’inhibiteur et la fin dépend de sa demi-vie (inhibiteur réversible) ou de la formation d’une nouvelle enzyme inhibée (inhibiteur irréversible). Pour les inducteurs, l’effet débute trois à cinq jours après le début du traitement. Une induction maximale est atteinte après environ deux semaines. Après l’arrêt de l’inducteur, il faut à nouveau environ deux semaines pour que l’induction ne soit plus détectable.
Interactions pharmacodynamiques – Médicaments biologiques
Il n’existe pas d’études systématiques sur les interactions potentielles avec les médicaments biologiques. Cependant, comme ils sont généralement administrés par voie parentérale et qu’ils ont des voies de dégradation différentes de celles des médicaments dits “de faible poids moléculaire”, des interactions pharmacocinétiques sont peu probables. Des effets pharmacodynamiques sont toutefois possibles (par exemple, une immunosuppression accrue, des infections plus fréquentes).
Conclusion
“Les interactions médicamenteuses sont importantes en termes qualitatifs et quantitatifs, mais elles sont généralement connues et donc évitables. Les mécanismes fréquents et importants sont l’inhibition/l’induction d’enzymes et/ou de protéines de transport pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, ainsi que les interactions pharmacodynamiques (y compris avec les médicaments biologiques). Il convient d’être particulièrement prudent lorsque des combinaisons de médicaments sont modifiées”, a conclu le Dr Haschke.
Source : “Interactions avec les médicaments”, exposé présenté lors de la 96e assemblée annuelle de la SSDP, 4-6 septembre, Bâle.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2014 ; 24(5) : 42-43