50% des hypertendus ne sont pas bien contrôlés par les médicaments prescrits, et environ 40% des personnes concernées en Suisse ne sont pas du tout diagnostiquées. Lors de la Journée zurichoise de l’hypertension, le Dr Thilo Burkard a parlé des trucs et astuces utilisés dans la pratique pour réduire les risques d’une pression artérielle insuffisamment contrôlée pour les patients.
50% des hypertendus ne sont pas bien contrôlés par les médicaments prescrits. En dehors de ces patients, beaucoup plus de personnes sont exposées sans le savoir aux risques d’une pression artérielle mal contrôlée. Une étude a pu montrer qu’environ 40% des hypertendus en Suisse ne sont pas du tout diagnostiqués. [1]. L’un des problèmes d’un traitement inadéquat de la tension artérielle est-il donc le diagnostic, a demandé le Dr Burkard au début de sa conférence.
Problème Diagnostic
Une grande étude américaine a comparé rétrospectivement le taux de diagnostics d’hypertension chez les patients âgés à celui des patients plus jeunes. 27% des personnes âgées de >60 ans n’ont donc pas été diagnostiquées sur une période de quatre ans, contre 38% des plus jeunes (25-31 ans). La probabilité d’obtenir un diagnostic correct d’hypertension à un jeune âge était d’environ 30% plus élevée lorsque le médecin traitant était une femme [2].
Pour mettre davantage l’accent sur le problème, il faut une “prise de conscience” et un diagnostic systématique. Les lignes directrices anglaises de 2011 en fournissent un exemple. En cas de “pression artérielle de bureau” unique de ≥140/90 mmHg, on y recommande une mesure de la pression artérielle sur 24 heures ou une mesure à domicile [3]. La figure 1 présente la procédure détaillée.
Les Américains présentent une image similaire dans leurs directives actuelles. La recommandation de classe IA est de contrôler l’élévation de la “pression artérielle de bureau” avec la mesure à domicile [4]. La mesure de la pression artérielle sur 24 heures est ici plutôt négligée en raison d’un remboursement souvent médiocre.
Hypertension réfractaire – Conseils et astuces
Si, après un diagnostic réussi, la pression artérielle n’est pas contrôlée de manière satisfaisante malgré un traitement adéquat, il peut s’agir d’une hypertension réfractaire. Elle est définie comme une “pression artérielle de bureau” de ≥140/90 mmHg avec un traitement existant par ≥3 médicaments (dont un diurétique) [5]. Le Dr Burkard indique qu’une mesure de la pression artérielle sur 24 heures est également recommandée en tant que première étape d’un diagnostic plus approfondi. Il est ensuite possible d’évaluer, par exemple, s’il existe une véritable hypertension réfractaire ou une pseudo-résistance, par exemple sous la forme d’une composante blouse blanche. La figure 2 montre l’importance de la proportion de patients pseudo-résistants.
L’un des problèmes majeurs de l’hypertension difficile à équilibrer est la “non-adhérence”. Avant de rechercher d’autres causes d’hypertension réfractaire ou d’effectuer des interventions, il convient d’exclure la “non-adhérence”. Seule la moitié environ des patients à qui l’on prescrit un antihypertenseur le prennent correctement . Plus le nombre de médicaments prescrits est élevé, moins l’adhérence est bonne. La cause peut en être, par exemple, la barrière de la langue. Une solution possible est de travailler avec les pharmacies environnantes. Beaucoup d’entre eux proposent à leurs patients de leur donner leurs médicaments dans des distributeurs hebdomadaires, ce qui permet d’éviter les erreurs de prise et de réduire parfois considérablement le nombre de comprimés nécessaires.
A partir de ce qui précède, deux règles simples peuvent être formulées pour l’ajustement d’un traitement antihypertenseur [nach Herb Kelleher]:
- “Gardez les choses simples”
- “Ne faites rien qui puisse interférer avec la règle n°1”.
L’objectif doit être de traiter avec le moins de comprimés possible qui fonctionnent pour chaque patient. Il est important de considérer le patient à traiter et sa réaction individuelle aux produits pharmaceutiques utilisés. Dans ce contexte, il est préférable de pratiquer un traitement avec des préparations combinées dans le sens d’un régime médicamenteux simple. Une combinaison précoce de médicaments peut avoir des effets additifs et, en outre, réduire le spectre des effets secondaires, car il n’est pas nécessaire de doser entièrement un seul médicament. De même, il faut privilégier les préparations dont la demi-vie est la plus longue possible et qui peuvent être administrées une fois par jour.
Comment procéder en pratique ?
Une approche simple mais souvent efficace consiste à combiner trois groupes principaux de médicaments qui peuvent être combinés entre eux. Si l’on considère l’adhérence, il est judicieux de combiner dans un premier temps les inhibiteurs de l’ECA ou les bloqueurs AT2 avec un antagoniste du calcium. Dans un deuxième temps, un thiazide ou un “thiazid-like” peut être ajouté. Si un autre médicament est ensuite nécessaire, la spironolactone peut être envisagée en complément, après avoir exclu un hyperaldostéronisme. Si l’on donne cette information sans savoir qu’il s’agit d’un hyperaldostéronisme, le diagnostic est beaucoup plus difficile à établir, explique le conférencier.
Si, malgré un traitement adéquat, la tension artérielle ne se situe pas encore dans la plage optimale et qu’il semble douteux que l’adhésion du patient en soit la cause, il est assez facile de le contrôler en mesurant la tension artérielle sur 24 heures après avoir observé la prise du médicament. Le patient se rend au cabinet le matin, reçoit le tensiomètre 24h/24 et prend ses médicaments au cabinet, ce qui est ensuite consigné dans le protocole. Il est ensuite possible de déterminer si l’adhérence est à l’origine de la pression artérielle incontrôlée.
Une titration systématique accompagnée d’un suivi clinique étroit s’est également avérée utile pour maintenir l’adhésion des patients. Après chaque ajustement de la dose, le patient doit être reconvoqué afin de déterminer les effets de l’ajustement sur la pression artérielle mesurée objectivement ainsi que sur l’état subjectif et de prendre des mesures si nécessaire.
Pour un aperçu d’un algorithme de traitement possible de l’American Heart Association, de l’American College of Cardiology et du Centers for Disease Control and Prevention, voir la figure 3.
Contrôle de la pression artérielle – Accessibilité
Selon une étude interne de “Kaiser Permanente”, un réseau américain qui assure à la fois les soins médicaux et l’assurance de ses patients, le contrôle de la tension artérielle est réalisable à 90%. Ce chiffre est basé sur les efforts systématiques des “permanents de l’empereur” pour améliorer les soins de leurs patients. Le plan de traitement consistait à créer un registre de l’hypertension pour identifier tous les hypertendus et effectuer des mesures correctes, à établir un algorithme de traitement simple avec des ajustements réguliers, à introduire des “combinaisons de pilules uniques” et à effectuer une titration cohérente. Ces mesures ont permis d’augmenter le contrôle de la pression artérielle au sein du centre d’environ 40% en 2000 à 90% en 2013 [6]. Outre l’amélioration du traitement de l’hypertension, le taux d’infarctus du myocarde au sein du réseau a diminué de 24% sur une période similaire [7].
Source : 13e Journée zurichoise de l’hypertension, 18 janvier 2018
Littérature :
- Danon-Hersch N, et al : Prévalence, prise de conscience, traitement et contrôle de l’hypertension artérielle dans une population générale urbaine suisse : l’étude CoLaus. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2009 ; 16(1) : 66-72.
- Johnson HM, et al : Hypertension non diagnostiquée chez les jeunes adultes ayant un usage régulier des soins primaires. J Hypertens 2014 ; 32(1) : 65-74.
- NICE : Hypertension chez l’adulte : diagnostic et prise en charge. Clinical guideline [CG127] Date de publication : août 2011 Dernière mise à jour : novembre 2016 (www.nice.org.uk/guidance/cg127)
- Whelton PK, et al. : 2017 ACC/AHA/AAPA/ABC/ACPM/AGS/APhA/ASH/ASPC/NMA/PCNA Guideline for the Prevention, Detection, Evaluation, and Management of High Blood Pressure in Adults : Executive Summary : A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Hypertension. 2017 Nov 13. pii : HYP.000000000066. doi : 10.1161/HYP.0000000000000066. [Epub ahead of print]
- de la Sierra A, et al : Caractéristiques cliniques de 8295 patients atteints d’hypertension résistante classifiés sur la base du monitorage ambulatoire de la pression artérielle. Hypertens 2011 ; 57(5) : 898-902.
- Jaffe MG, Young JD : The Kaiser Permanente Northern California Story : Improving Hypertension Control From 44% to 90% in 13 Years (2000 to 2013). J Clin Hypertens (Greenwich) 2016 ; 18(4) : 260-261.
- Yeh RW, et al : Tendances de la population dans l’incidence et les résultats de l’infarctus aigu du myocarde. N Engl J Med 2010 ; 362 : 2155-2165.
- Go AS, et al : An effective approach to high pressure control : a science advisory from the American Heart Association, the American College of Cardiology, and the Centers for Disease Control and Prevention. J Am Coll Cardiol 2014 ; 63(12) : 1230-1238.
Littérature complémentaire :
- Ogedegbe G, Schoenthaler A : A systematic review of the effects of home blood pressure monitoring on medication adherence. J Clin Hypertens (Greenwich) 2006 ; 8(3) : 174-180.
- Calhoun DA, et al : Resistant hypertension : diagnosis, evaluation, and treatment. Une déclaration scientifique de l’American Heart Association Professional Education Committee du Council for High Blood Pressure Research. Hypertens 2008 ; 51(6) : 1403-1419.
CARDIOVASC 2018 ; 17(2) : 31-34