Les sociétés de dermatologie insistent sur la nécessité de prévenir le cancer de la peau et c’est de plus en plus un sujet à l’ordre du jour de la politique de santé. Identifier les facteurs de risque du mélanome et du cancer blanc de la peau, informer sur les mesures possibles et dissiper les mythes ne sont que quelques aspects. Aperçu des principaux faits actuels sur l’exposition aux UV, le dépistage, les options thérapeutiques et bien plus encore.
Le cancer de la peau se divise en cancer noir de la peau, le mélanome, et en cancer de la peau non-mélanome (NMSC). Les NMSC désignent d’une part le grand groupe des cancers blancs de la peau, qui se développent à partir des cellules épithéliales de la peau et comprennent le carcinome basocellulaire (Basalioma/BCC) et le carcinome épidermoïde (Squamous Cell Carcinoma/SCC), et d’autre part le carcinome à cellules de Merkel, le sarcome et le lymphome, qui sont plus rares.
Les termes “prévention” et “précaution” sont utilisés indifféremment. On entend par là tous les efforts médicaux et sociaux visant à promouvoir la santé et à prévenir les maladies et leurs conséquences. La prévention se divise en prévention primaire, prévention secondaire et prévention tertiaire. Alors que la prévention primaire tente d’empêcher l’apparition d’une maladie par différentes mesures, la prévention secondaire désigne la détection précoce par le biais de dépistages et d’examens préventifs. La prévention tertiaire a pour but d’empêcher la progression des maladies déjà contractées et donc de les traiter à un stade précoce et d’éviter les récidives [1].
Dans le contexte du cancer de la peau, la prévention se compose des trois piliers suivants :
- Information et éducation sur le rayonnement UV, l’apparition du cancer de la peau et les mesures de protection telles que la photoprotection physique, chimique et textile.
- Examens cliniques préventifs réguliers et dépistages cutanés par microscopie optique
- Traitement précoce des lésions précancéreuses de la peau ou des tumeurs in situ par des techniques de surface ou des techniques peu invasives pour les carcinomes basocellulaires ou les carcinomes épidermoïdes.
Prévention primaire
Les principaux relais de la prévention primaire sont le médecin généraliste et le dermatologue, ainsi que les communautés, les groupes d’intérêt et les politiques. Le rôle du médecin généraliste et du dermatologue dans la prévention primaire est d’identifier les personnes et les comportements à risque, d’attirer l’attention sur les dangers du soleil ou des UV et d’informer les patients sur l’utilisation correcte de la protection solaire, qui dépend notamment du type de peau et de l’indice UV. Les groupes d’intérêt et les municipalités mènent une politique de santé en informant la population et en définissant des actions de médecine préventive dans le domaine des loisirs et du travail.
Dangers des rayons UV et développement du cancer de la peau
Le rayonnement solaire est composé à 4% de rayons UV. Les rayons UV sont des longueurs d’onde électromagnétiques invisibles de 30-400 nm et sont divisés en UVA à ondes longues (400-315 nm), UVB à ondes moyennes (315-280 nm) et UVC à ondes courtes (280-100 nm). Alors que les UVA, outre le déclenchement de photodermatoses, sont surtout responsables du vieillissement prématuré de la peau et de la formation de rides, ils apportent leur contribution au développement du cancer de la peau par le biais de dommages indirects à l’ADN par photo-oxydation et formation de radicaux d’oxygène. La photocarcinogénèse des rayons UVB entraîne, par interaction directe avec l’ADN, la formation de dimères de pyrimidine et, par conséquent, la mutation du gène suppresseur de tumeur p53 et l’absence d’apoptose des cellules endommagées. 60 à 100 % des carcinomes basocellulaires et épidermoïdes présentent des mutations dans le gène p53. La photocarcinogénèse est en outre renforcée par le fait que les rayons UV déclenchent une immunosuppression générale, qui est également utilisée dans le cadre de la photothérapie. Les UVB sont encore notamment responsables du développement de l’érythème solaire et de la photophobie physiologique (hyperplasie épidermique avec acanthose et hyperkératose histologiques). Le danger des UVC réside surtout dans les hautes montagnes et dans le risque de déclencher une kératoconjonctivite photoélectrique [2].
50% de l’exposition aux UV de la vie a lieu pendant le déjeuner entre 11h et 14h Les coups de soleil sévères avant l’âge de 15 ans multiplient par 3 à 5 le risque de mélanome, les UV étant considérés comme des initiateurs et des promoteurs du mélanome, à l’exception du lentigo malin. Mais l’exposition aux UV artificiels par la fréquentation de solariums à un jeune âge augmente également le risque de cancer du BCC de 30 %, du SCC de 70 % et du mélanome de 60 %.
Types de peau et indice UV
On distingue 6 types de peau selon Fitzpatrick, basés sur le degré de pigmentation génétiquement déterminé de l’eumélanine de la peau et la capacité à réagir aux rayons UV par une adaptation ou une augmentation de la mélanine. En Europe centrale et en Suisse, les types de peau II et III sont les plus répandus, suivis par le type de peau IV chez les personnes d’origine méridionale (par exemple italienne) ou le type de peau I des pays d’Europe du Nord. Plus la peau possède de mélanine, plus le temps d’autoprotection est élevé, ce qui correspond à la durée d’exposition au soleil sans protection et sans rougir à un indice UV de 8. Celui-ci peut varier de quelques minutes pour le type de peau I à environ 40 minutes pour le type de peau IV. Le tableau 1 décrit les 6 types de peau et la durée d’autoprotection.
L’indice UV (UVI) est une mesure de l’intensité du rayonnement UV émis par le soleil, qui varie en fonction de l’année, de l’heure de la journée et de l’endroit (puissance du rayonnement agissant sur la peau par surface en watts par mètre carré), va de 1 à 11+ et est déterminé en premier lieu par la position du soleil. La couche d’ozone, les conditions météorologiques (nuages), l’altitude et les réflexions sur l’eau, le sable et la neige influencent également les valeurs effectivement atteintes. Plus l’UVI est élevé, plus les coups de soleil sont rapides et plus les rayons UV sont nocifs. L’UVI est plus élevé par temps clair que par temps très nuageux, nettement plus élevé en été qu’en hiver et connaît ici une forte augmentation à midi, raison pour laquelle le soleil de midi doit être particulièrement évité (fig. 1). A partir de l’indice UVI 3, l’application d’une crème solaire est nécessaire. Lorsque les valeurs augmentent, il est recommandé de les associer à une protection textile contre la lumière, comme un t-shirt, un chapeau ou des lunettes de soleil. A partir de l’indice 8 (midi, mois d’été en Suisse), l’exposition à l’extérieur ne devrait se faire qu’avec une protection solaire puissante ou même être totalement évitée, une dermatite solaire peut se développer à partir de 15 minutes sans protection [3].
Mesures de protection telles que la photoprotection physique, chimique et textile
Avant toute mesure de protection, il est essentiel d’éviter les rayons UV naturels (soleil) ou artificiels (solarium). Jusqu’à un certain point, la peau dispose également d’une photoprotection physiologique (mélanine, photovieillissement). Les produits de protection solaire sont divisés en crèmes solaires, soit physiques, soit chimiques, et en produits de protection solaire textiles. Le facteur de protection solaire (SPF/SF) indiqué sur les crèmes solaires européennes se réfère uniquement aux rayons UVB et décrit l’augmentation du temps d’exposition avant l’apparition de rougeurs par rapport à une peau non protégée, un SPF 10 multiplie ainsi par 10 le temps d’exposition. Le facteur américain SPF (Sun Protecting Factor) n’est pas équivalent au facteur européen, il faut ici déduire 30% de facteur de protection en comparaison [4].
Dans les crèmes solaires à protection physique contre la lumière, on ajoute des pigments minéraux tels que l’oxyde de titane, l’oxyde de zinc, l’oxyde de fer, le kaolin, le talc, qui réfléchissent et diffusent une grande partie de la lumière UV. Les filtres UV modernes à base de nanoparticules ont un effet blanc couvrant qui est souvent considéré comme gênant. En revanche, les filtres UV chimiques absorbent la lumière UV et, selon la loi de Stokes, déplacent la longueur d’onde du rayonnement électromagnétique, le transformant ainsi en chaleur. Dans ce domaine, les substances les plus utilisées en Suisse sont le butylméthoxydibenzoylméthane, l’octocrylène, le méthoxycinnamate d’éthylhexyle (EHMC). Il faut mentionner comme inconvénient qu’ils présentent un potentiel de développement d’allergies de contact et sont soupçonnés d’interférer avec le système hormonal.
L’application de crèmes solaires doit avoir lieu 30 minutes avant l’exposition au soleil. Appliquer généreusement des crèmes solaires avec un indice de protection élevé (au moins SPF 30, mieux SPF 50) contenant des filtres UVA et UVB et les renouveler après la baignade ou une forte transpiration. Lors de l’application de la crème, portez une attention particulière aux terrasses ensoleillées telles que le hélix de l’oreille, le front, le nez, la région du sommet de la tête et les épaules. Les adultes devraient porter, dans la mesure du possible, un chapeau à larges bords et des lunettes de soleil avec filtre UV (protection UV à 100% jusqu’à 400 nm). En ce qui concerne les produits textiles de protection contre la lumière, il convient d’opter pour des produits de qualité portant le label UPF (facteur de protection contre les rayons ultraviolets) et de choisir au moins UPF 30. L’ombre réduit l’exposition aux UV de 50% et constitue donc également une bonne mesure de protection supplémentaire. Les enfants en bas âge ne devraient pas être exposés au soleil avant l’âge d’un an et devraient jouer à l’ombre entre 11 et 15 heures et être protégés par un chapeau et des lunettes de soleil.
Les patients avancent souvent l’argument qu’ils ont besoin de s’exposer au soleil pour maintenir leur taux de vitamine D. Mais il s’agit là d’un argument qui ne tient pas la route. Il faut dire que la vitamine D a également un effet protecteur contre le mélanome. Cependant, le temps d’exposition sans protection nécessaire à la production de vitamine D déclenchée par les UV ne représente qu’environ 10 à 20 minutes par jour sur le visage, les mains et les avant-bras. Aucune étude n’a pu démontrer que l’utilisation régulière d’un écran solaire entraînait une baisse du taux de vitamine D. Cela est probablement dû au fait que, même en appliquant un FPS 30, seuls 97% des rayons UVB sont filtrés, les 3% restants étant suffisants pour la production de vitamine D. Pendant les mois d’hiver, le soleil est trop faible pour déclencher suffisamment de vitamine D, de sorte qu’une substitution est généralement recommandée pendant cette période [5].
Politique de santé, protection des travailleurs et campagnes d’information
La prévention primaire est devenue incontournable dans le domaine de la protection des travailleurs. La Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (SUVA) informe sur son site Internet que 1000 cas de cancers de la peau au travail sont causés par les rayons UV chaque année et attire particulièrement l’attention sur le port d’un chapeau avec un bandeau frontal et une protection de la nuque lors de travaux en plein air [6]. La Société suisse de dermatologie et vénérologie (SSDV) souligne également la nécessité de prévenir le cancer de la peau dans le monde du travail en rappelant, à l’occasion du Swiss Derma Day 2018, que le travail en plein air expose à un risque trois à cinq fois plus élevé [7].
En Autriche, la campagne d’information “Sonne ohne Reue” (Le soleil sans remords), menée depuis plus de 30 ans par l’association autrichienne de lutte contre le cancer en coopération avec la société autrichienne de dermatologie et de vénérologie (ÖGDV), informe largement la population sur la protection solaire, les dommages causés par le soleil et la prévention du cancer de la peau [8]. En Australie, la prévention primaire en matière de santé est très importante en raison d’une exposition aux UV 40% plus élevée et elle est particulièrement axée sur les enfants. Depuis de nombreuses années, les combinaisons de protection intégrale résistantes aux UV y sont portées pour les loisirs et la baignade. Récemment, les mesures préventives se sont renforcées dans les écoles, avec le développement d’uniformes scolaires à manches longues, l’installation de récipients de 5 kg de crème solaire à libre disposition de tous les enfants dans les écoles et l’organisation de pauses déjeuner en intérieur et non plus dans la cour de récréation.
Prévention secondaire
Par prévention secondaire dans le cadre du dépistage du cancer de la peau, on entend la détection précoce des tumeurs cutanées et de leurs précurseurs. Les instruments utilisés à cet effet sont l’examen clinique préventif régulier et la microscopie à lumière réfléchie, en particulier pour les lésions cutanées pigmentées. Lors de l’examen clinique, il est toutefois important de savoir à quoi faire attention, c’est pourquoi la connaissance de la fréquence et de la répartition des tumeurs ainsi que les signes cliniques et au microscope optique jouent un rôle important.
Le dépistage clinique et par microscopie optique du cancer blanc de la peau
Le carcinome basocellulaire est la tumeur maligne de la peau la plus fréquente chez l’homme, avec une prévalence de 30% sur la vie entière. Après l’apparition d’un BCC, il existe une probabilité de 30% de développer un second carcinome basocellulaire dans les 5 ans. Les CBC nodulaires sont les plus fréquents (50%), suivis des CBC sclérodermiformes (25%) et des CBC superficiaux (15%). La localisation la plus fréquente est la tête, en particulier au niveau du nez, du coin interne des yeux, des zygomatiques et du front, ainsi que la région du tronc.
Les carcinomes épidermoïdes (CES) sont le deuxième cancer de la peau le plus fréquent, ils sont deux fois plus fréquents chez les hommes que chez les femmes et apparaissent particulièrement dans la tranche d’âge 50-70 ans. Elles se manifestent à 80% au niveau de la tête, principalement au niveau du capilliculum alopécique, des oreilles et de la lèvre inférieure. Aux extrémités, on les trouve sur le dos des mains, la face d’extension des doigts et le bas des jambes.
La kératose actinique (KA), précurseur du carcinome épidermoïde, est un SCC in situ et le signe d’une peau chroniquement endommagée par les UV, avec une prévalence de 15% chez les hommes et de 6% chez les femmes en Europe. A l’âge de 70 ans, la fréquence de la maladie augmente même jusqu’à 34% chez les hommes et 18% chez les femmes [9]. La répartition est la même que pour le SCC, mais c’est le degré de sévérité qui est plus important en termes d’alternatives thérapeutiques. Il est classé en grade I-III selon Olsen (CA précoce, avancé et prolongé). Le grade I se caractérise par quelques taches rugueuses plutôt palpables, éventuellement légèrement squameuses et rougeâtres. Les AK de grade II sont des plaques cornées rouges, plates ou légèrement en relief, clairement visibles et palpables. Les AK de grade III plus anciennes se présentent sous la forme de lésions verruqueuses bien ancrées avec une surface irrégulière et bosselée de couleur variable (Fig. 2).
En outre, l’étendue est divisée en quelques AK (<5), en AK multiples (>6) et en carcinose de terrain, et le type est soit érythémateux squameux, kératosique jusqu’à la formation d’un cornu cutaneum, pigmenté et lichénoïde. Même si leur croissance est très lente, l’indication de traitement dans le cadre du dépistage du cancer de la peau existe pour toutes les AK, car environ 10 à 20% des patients atteints de kératoses actiniques multiples évoluent vers un SCC.
Il est donc recommandé de procéder à des examens de dépistage réguliers en accordant une attention particulière aux sites de prédilection, au moins une fois par an pour le premier BCC ou SCC ; au moins deux fois par an à partir de 50 ans, pour le deuxième cancer blanc de la peau ou encore en présence de multiples kératoses actiniques. Récemment, des associations prouvées sont apparues entre la prise à long terme d’hydrochlorothiazide (HCT) à une dose cumulée supérieure à 50 g et le développement d’un cancer blanc de la peau. Ainsi, le risque est multiplié par 1,3 pour le BCC et même par 4 à 7,7 pour le carcinome épidermoïde. Il est donc recommandé d’aborder activement la question de la prise d’HCT avec les patients, d’en tenir compte dans les intervalles de dépistage et, le cas échéant, de donner un feedback au médecin généraliste.
Le diagnostic des AK et des cancers cutanés blancs se fait cliniquement, au moyen d’un microscope à lumière réfléchie et, en cas de doute, par une biopsie d’échantillon. La clinique du BCC dépend principalement du type et de la localisation. On constate souvent la présence d’un nodule ou d’une plaque brillante de couleur rose ou brun-peau, d’aspect cireux ou même cicatriciel. On observe souvent une plaie ou une ulcération qui ne guérit pas, une accentuation des bords en forme de cordon de perles et des vaisseaux arborescents bizarres (Fig. 3).
Le signe clinique classique d’un SCC est un nodule rouge, rugueux ou bosselé ou une plaque indurée. Le nodule est souvent blanchâtre et corné, parfois recouvert d’une croûte ou, au fur et à mesure de sa progression, il s’ulcère et saigne.
Le dépistage clinique et par microscopie optique du mélanome
La localisation la plus fréquente des mélanomes chez les deux sexes est le dos (24%), suivi par les membres inférieurs chez les femmes. Seuls 25% des mélanomes se développent à partir de nevus préexistants, la grande majorité d’entre eux se développent de novo sur une peau qui ne présentait pas de signes avant-coureurs. Deux tiers des mélanomes avancés sont découverts par le partenaire de vie grâce à leur aspect clinique, ce qui conduit par la suite à une expertise et un diagnostic par le dermatologue. Le mélanome malin du lentigo est une maladie typique de l’âge avancé, avec un pic entre 60 et 80 ans, et se localise principalement sur le visage.
La périodicité standard du dépistage est d’une fois par an, la dermoscopie étant la principale technique d’examen utilisée à cet effet. Le point fort du dermatoscope classique pour les mains est l’évaluation des nævus individuels dans le contexte de l’image globale (phénomène de “Ugly duckling”). L’inconvénient de cette méthode est qu’elle ne représente qu’un instantané. La microscopie numérique en lumière incidente offre l’avantage d’une comparaison directe des images dans le temps, ce qui fait sa force dans la détection des mélanomes précoces. Chez les patients à risque présentant par exemple un syndrome de naevus dysplasique, il est donc judicieux de combiner les deux méthodes et de les réaliser de manière décalée dans le temps, à 6 mois d’intervalle.
L’approche descriptive dermatoscopique avec analyse des motifs décrit des algorithmes simples pour évaluer les lésions pigmentées. Si la lésion est composée de plus d’une couleur ou de plus d’un motif, ou si elle semble chaotique, l’examinateur doit ensuite vérifier la présence de critères de malignité. Si elles sont trouvées, la lésion cutanée potentiellement suspecte de mélanome est excisée [10].
L’auto-examen régulier de la peau par le patient est un autre outil de prévention important. Il est alors guidé pour évaluer ses naevus selon la règle ABCDE (Fig. 4).
A (Asymmetry) représente une inégalité du motif par rapport à la ligne centrale, B (Border irregularity) une limite irrégulière, C (Colour variation) différentes couleurs comme le gris, le noir, le rouge ou le blanc, D (Diameter) un diamètre supérieur à 5 mm ou une croissance en taille et E (Elevation) une croissance en épaisseur.
Prévention tertiaire
Le dernier pilier du dépistage du cancer de la peau est la prévention tertiaire, qui comprend le traitement précoce du cancer de la peau afin d’éviter sa progression. Alors que pour le mélanome, l’approche thérapeutique à tous les stades est l’excision et, le cas échéant, la ré-excision, pour le BCC et le SCC, de multiples thérapies locales, des procédures de surface ou des procédures mini-invasives empêchent la progression des tumeurs in situ vers des carcinomes invasifs.
Le choix de la méthode dépend de l’étendue de la CA (isolée, multiple et carcinose de terrain), du degré de la CA (grade I-III) et du type (érythémateux vs kératosique). Pour les lésions uniques, la cryothérapie par contact ou par pulvérisation d’azote liquide est le traitement de choix. Le cas échéant, on répète la cryothérapie après 3 mois si la réponse est insuffisante. Il est également possible, en particulier pour les lésions hyperkératosiques de grade III, de procéder à un curetage, alternativement combiné à une électrodesiccation du fond de la plaie, ce qui peut toutefois entraîner un retard de cicatrisation chez les patients âgés, ou encore d’utiliser une procédure laser ablative au moyen d’un laserCO2 ou Erbium-YAG.
Les lésions isolées ou une atteinte limitée se traitent bien avec du mébutate d’ingénol en gel à 0,015% une fois par jour pendant trois jours consécutifs sur le visage ou à 0,05% pendant deux jours sur le corps. L’avantage est la courte durée d’application avec l’inconvénient d’une réaction locale forte et souvent difficile à contrôler. En cas d’AK multiples et surtout hyperkératosiques, un traitement local associant 10% d’acide salicylique et 0,5% de fluorouracile une fois par jour pendant 12 semaines au maximum s’impose. En cas d’AC multiples de différents degrés et types, il est recommandé d’utiliser soit l’imiquimod 5% trois fois par semaine pendant 4 semaines et un autre cycle de 4 semaines si nécessaire, soit la crème au fluorouracile 5% deux fois par jour pendant 3 semaines. En cas de kératinisation et de desquamation plus importantes, un traitement préalable à l’urée, à l’acide salicylique ou aux rétinoïdes topiques peut être utile. Pour toutes les thérapies locales, une information complète du patient sur le mode d’action et la réaction locale attendue est la clé du succès. Le patient doit savoir qu’il y aura une réaction inflammatoire violente. Il est préférable de soutenir l’éducation par des images et d’effectuer un contrôle dans le cabinet au moment de la réaction la plus attendue.
En cas de carcinose de terrain avec une atteinte de grade I, il est recommandé d’appliquer un traitement local à grande échelle avec 3% de gel de diclofénac deux fois par jour pendant 12 semaines, puis de contrôler les résultats au cabinet. Si les AK sont nombreux, mais déjà avancés et présents depuis longtemps, la thérapie photodynamique (PDT) avec 5-ALA (acide 5-aminolévulinique) ou sous forme de MAL-PDT (méthylaminolévulinate) est le traitement de choix. Elle est réalisée soit sous forme de PDT à la lumière du jour, soit de manière conventionnelle avec une lampe d’irradiation. L’avantage de la PDT à la lumière du jour est qu’elle est facile à utiliser et peu douloureuse, mais son inconvénient est que le résultat est moins bien contrôlé par des facteurs tels que le temps, l’observance, etc. Dans le cas de la PDT classique en intérieur avec lampe d’irradiation, après avoir conditionné la zone de traitement et éliminé les hyperkératoses, on applique du MAL ou du 5-ALA et on protège de l’exposition à la lumière sous un pansement occlusif pendant trois heures. On procède ensuite à l’exposition à une lumière rouge intense de 37 J/cm². Lors de l’entretien d’information, il est important d’attirer l’attention du patient sur la sensation de chaleur et la douleur pendant le traitement, ainsi que sur la réaction inflammatoire (figure 5), généralement maximale au troisième jour post-intervention, avec rougeur, gonflement, pustules, sécrétions et croûtes, et de convenir d’un contrôle au cabinet en cas de traitement initial. La PDT à deux reprises à une semaine d’intervalle est également, tout comme la cryothérapie et le curetage avec électrodessiccation, une alternative de traitement pour les carcinomes basocellulaires superficiels.
Messages Take-Home
- Seul le patient informé sait se protéger des UV et en reconnaître les effets à temps.
- Éviter le soleil de midi entre 11 et 14 heures et utiliser régulièrement une protection solaire sont les deux principales mesures de prévention.
- La tête, le visage et le dos doivent toujours être examinés de près en raison de la répartition des probabilités de cancer de la peau.
- Il est indispensable d’informer le patient de manière approfondie sur la réaction inflammatoire à laquelle il faut s’attendre pour tous les traitements locaux et la thérapie photodynamique des kératoses actiniques.
Littérature :
- Kunze U, et al. : Médecine préventive, épidémiologie, médecine sociale. Vienne : Facultas, 2004.
- Altmeyer P, Peach V : Encyclopédie de dermatologie, allergologie, médecine environnementale. Heidelberg : Springer, 2011.
- Office fédéral de la santé publique, MétéoSuisse : Protection contre les UV. www.uv-index.ch/de/uvschutz.html, dernier appel 02.05.2019
- Habif TP : Dermatologie clinique : un guide coloré pour le diagnostic et le traitement. Sixième édition. St. Louis, Missouri : Elsevier, 2016.
- Office fédéral de la santé publique : Fiche d’information – Vitamine D et rayonnement solaire, 08.06.2017. www.bag.admin.ch, dernier appel 02.05.2019
- Assurance accidents suisse. Soleil, chaleur, UV et ozone. www.suva.ch/de-ch/praevention/sachthemen/sonne-hitze-uv-und-ozon, dernier appel 02.05.2019
- Mainetti C : Communiqué de presse : les leaders de la dermatologie suisse s’alarment : De plus en plus de maladies professionnelles dues au soleil, 2018, Société suisse de dermatologie et vénérologie. https://my.derma.ch/, dernier appel 02.05.2019
- Österreichische Krebshilfe : Soleil sans regrets 2019. https://sonneohnereue.at, dernier appel 02.05.2019
- Stockfleth E, et al. : Ligne directrice sur la kératose actinique, Charité Universitätsmedizin Berlin 2004.
- Kittler H, Tschandl P : Dermatoscopie : analyse des motifs des lésions cutanées pigmentées et non pigmentées, 2e édition révisée. édition. Vienne : Facultas, 2015.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2019 ; 29(3) : 13-18