Les jeunes qui souffrent d’un gonflement du genou pour la première fois demandent souvent conseil à leur médecin généraliste. Parmi les causes possibles, il faut penser à la luxation de la rotule. Il est généralement précédé d’un accident de sport peu spectaculaire. Le diagnostic est relativement bien systématisé, mais le traitement reste controversé. Conservation ou chirurgie immédiate ?
Il devrait être clair que “distorsion du genou” n’est pas un diagnostic suffisant. Ainsi, en cas de traumatisme aigu lié au sport, il s’agit toujours de rechercher méticuleusement la ou les lésions exactes. En présence d’un épanchement du genou (hémarthrose), les lésions les plus fréquentes sont celles du ligament croisé antérieur, les déchirures du ménisque périphérique, les fractures, notamment du plateau tibial, et la luxation de la rotule. Les blessures des ligaments latéraux, les lésions ostéochondrales et les fractures de la rotule sont un peu moins fréquentes. Les blessures de l’appareil extenseur et les luxations complètes du genou sont encore plus rares, mais on fait bien de ne pas les oublier.
En l’absence d’épanchement articulaire, il faut penser en premier lieu aux lésions des ligaments latéraux médiaux et aux déchirures centrales du ménisque, un peu plus rarement aux lésions des ligaments croisés postérieurs et aux lésions du cartilage. Il est également important d’envisager des lésions des joints de croissance chez les jeunes patients dont la croissance n’est pas terminée.
Des combinaisons de différentes blessures sont possibles et même fréquentes (jusqu’à 75% selon les données). Avec cette liste de diagnostics différentiels en tête, vous pouvez maintenant aborder l’anamnèse et l’examen.
Clinique de la luxation de la rotule
Si l’on était toujours confronté au tableau clinique (et radiologique) complet classique de la luxation aiguë de la rotule, le diagnostic de cette pathologie serait probablement l’un des plus simples en médecine (fig. 1). La déformation classique de l’articulation du genou touchée, avec la protubérance latérale clairement visible, ne laisse en fait aucun doute. Et l’image axiale de la rotule sur la radiographie s’explique d’elle-même.
Cette situation clinique est toutefois plutôt rare, il est donc important de ne pas passer à côté de cette pathologie pas si rare que cela, car elle nécessite un traitement spécifique. Nous allons discuter de la manière d’y parvenir.
Lors d’un événement aigu sur un terrain de sport et en l’absence de réduction spontanée de la luxation de la rotule, le premier intervenant se trouvera face à un patient souffrant de fortes douleurs et dont le genou est généralement fixé à environ 45° de flexion. Cette articulation, si on l’examine de plus près, présentera une déformation latérale typique qu’il faudra réduire le plus rapidement possible. Comme pour l’épaule, plus l’événement est proche, plus il est facile d’y parvenir. Parfois, une rotation externe de la jambe et une extension soigneuse suffisent. Une élévation douce du bord médial de la rotule peut également être utile. Les premiers soins doivent être complétés par un bandage, idéalement une attelle, et le protocole PECH. Dans certaines situations, la réduction doit être effectuée soit sous sédation brève, soit sous anesthésie locale.
Vient ensuite une clarification plus précise, comme cela devrait être le cas dans la pratique. Nous supposons que la luxation est réduite.
Anamnèse
Lors de l’anamnèse, la personne généralement jeune, souvent une femme selon les statistiques, parlera plutôt rarement d’un traumatisme pertinent. Chez la skieuse, il peut s’agir d’un coup de l’intérieur du genou contre une barre, dans les sports de contact comme le football et le handball, par exemple, d’un banal choc avec la jambe de l’adversaire, toujours contre l’intérieur du genou, chez la joueuse de basket-ball, d’un changement de direction lors d’un dribble avec le pied plus ou moins fixé (jambe en rotation externe et genou en position de valgus, presque en extension). Une analyse approfondie a montré qu’une forte tension des quadriceps était en jeu.
Le saut de la rotule ainsi que le retour à la position normale sont clairement perçus par le patient – parfois sous la forme d’un claquement interne (“double clicking pop”). Toute l’affaire a été douloureuse et le gonflement du genou est rapide.
Enquête
Lors de l’examen, qui se déroule généralement en position assise ou même couchée sur le lit d’examen en raison d’un handicap, vous remarquerez l’épanchement évident. L’extension devrait être normale, à l’exception de la gêne occasionnée par l’épanchement, mais la flexion est généralement limitée et même douloureuse à la fin. La batterie de tests de stabilité pour toutes les bandes sera normale. En revanche, la palpation minutieuse du bord de la rotule sera assez douloureuse sur le plan médial. Si le test de stabilité de la rotule est effectué avec précaution au cours de la phase initiale, une réaction significative sera observée lors du test de latéralisation (“positive lateral patellar apprehension test”).
Il va de soi que, malgré une anamnèse assez typique, l’articulation blessée doit être entièrement examinée afin d’exclure les lésions de même nature que la rupture du tendon du quadriceps ou de la patella (généralement sans épanchement articulaire).
Traitement
L’épanchement articulaire presque toujours présent invite à la ponction (qui améliore le confort). Celle-ci est recommandée, mais ne peut avoir lieu qu’après un bilan radiologique, car une lésion osseuse est une contre-indication quasi absolue à la ponction. Il faut donc réaliser une radiographie a.p., latérale du genou ainsi qu’une radiographie axiale de la rotule afin d’exclure un arrachement osseux du bord médial de la rotule ou une lésion osseuse du condyle. En l’absence de telles lésions, la ponction peut être effectuée dans des conditions de stérilité absolue. En cas de doute, il est préférable d’y renoncer.
Les fractures sont considérées comme une indication opératoire absolue selon certains auteurs. Si tel est le cas, nous vous recommandons de consulter un spécialiste (orthopédiste).
Un bandage de compression, l’adaptation d’une attelle en jean ou en mékron en extension, la recommandation d’appliquer régulièrement des packs de glace pendant 10 à 15 minutes au cours de la journée, des béquilles pour une décharge partielle ou totale en fonction de la douleur ressentie, éventuellement des analgésiques ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens, une prescription de kinésithérapie recommandant une mobilisation progressive de l’articulation et une activation des muscles stabilisateurs de la rotule, éventuellement avec une électromyostimulation, ainsi qu’une annonce pour une évaluation par IRM, clôturent la première consultation.
L’imagerie doit être plus ou moins rapide. Des contrôles de suivi pour évaluer l’évolution, discuter des images et déterminer la marche à suivre ont lieu immédiatement après.
Stabilisation de la rotule
Lors de la luxation, la rotule se déplace de 6-7 cm, presque exclusivement vers le côté, de sorte qu’il n’est pas difficile d’imaginer ce qui arrive aux structures médianes des parties molles. Ceux-ci doivent être étirés dans la même mesure – et blessés en conséquence.
Ces dernières années, beaucoup de recherches et d’écrits ont été consacrés aux structures médianes stabilisatrices de la rotule. Le MPFL (“ligament fémoro-patellaire médial”) est un fin tissu réticulé qui s’étend entre la tubérosité de l’adducteur fémoral et l’épicondyle médial jusqu’à la partie médiale de la patella, sur la couche inférieure du muscle vaste médial oblique (VMO). Même passive, cette structure représente 50 à 60% des forces de stabilisation contre le déplacement latéral de la rotule. La connexion au VMO confère en outre une stabilisation dynamique.
L’IRM permet d’évaluer l’état du MPFL qui, selon la littérature, est lésé dans 50 à 94% des luxations aiguës de la rotule. L’IRM sera également en mesure de détecter les lésions du cartilage (fractures ostéochondrales), une autre indication chirurgicale selon la majorité des auteurs. La rupture du MPFL est encore une indication relative de suture ou de reconstruction chirurgicale (ce qui est plutôt la tendance actuelle).
Deuxième consultation
La deuxième rencontre avec le patient doit avoir des objectifs très clairs :
- Discussion des résultats de l’IRM
- Réévaluation clinique, en particulier recherche de facteurs favorisants
- Détermination de la stratégie thérapeutique ultérieure
Examinée par des radiologues expérimentés, l’IRM doit clairement montrer la présence de lésions ostéochondrales non détectées par la radiographie (“flake-fracture”), de corps articulaires libres, de lésions du cartilage et l’état du système de fixation médial (rétinaculum médial, MPFL). Il convient également de fournir des informations sur l’architecture de la trochlée (dysplasie de la trochlée) et de l’ensemble de l’articulation fémoro-patellaire (patella alta), qui, en complément de la radiographie, donnent des indications importantes sur les facteurs de risque.
Le nouvel examen clinique doit maintenant pouvoir se faire en position debout, en comparant les côtés. Outre le contrôle des résultats constatés en premier lieu (épanchement, flexion-extension, stabilité, etc.), les facteurs prédisposants tels que la position de l’axe de la jambe (genua valga), les anomalies de torsion (antéversion fémorale accrue, torsion tibiale externe), la malposition de la tubérosité tibiale, l’augmentation de l’angle Q au-delà de 15°, les faiblesses musculaires (VMO), l’instabilité rotulienne et la laxité ligamentaire générale sont examinés.
Si, en présence de lésions structurelles (fissures exclusives du MPFL) et de facteurs clairement prédisposants, il est recommandé d’orienter le patient vers des spécialistes, en cas de nouvelle luxation, le traitement défini lors de la première rencontre peut être poursuivi.
Il peut arriver qu’une deuxième ponction articulaire soit utile. Il est également possible, le cas échéant, de remplacer l’attelle de genou par un bandage spécial “stabilisateur de rotule” et de passer progressivement et prudemment à une charge complète sans béquilles.
Désaccord sur le traitement
En cas de luxation traumatique aiguë de la rotule – à ne pas confondre avec la luxation habituelle – il existe un consensus sur le diagnostic. Cela ne s’applique pas à la thérapie. La raison en est le risque de récidive qui, sans chirurgie, est estimé jusqu’à 50% selon diverses études. Néanmoins, il semble généralement accepté de suivre un traitement conservateur dès le premier événement sans lésion osseuse ou cartilagineuse (comme décrit ci-dessus). La durée de ce traitement contrôlé doit être d’environ six semaines. Elle donne des résultats satisfaisants chez les jeunes actifs dont l’architecture du squelette de l’articulation fémoro-patellaire est relativement normale. Inversement, en présence de variantes de forme significatives, le risque de récidive augmente considérablement.
MPFL
Comme nous l’avons déjà mentionné, le MPFL constitue actuellement un axe de recherche important. L’emplacement exact de la blessure de ce stabilisateur – proche de la rotule, du centre, proche du fémur – semble également jouer un rôle. La zone présentant les meilleures chances de cicatrisation (synonyme de meilleure stabilisation) se situe à l’endroit où le MFPL et le VMO se chevauchent, tandis que celle présentant les moins bonnes chances se situe à l’approche fémorale.
Lorsqu’il s’agit d’opérer, la tendance actuelle est à la reconstruction plutôt qu’à la suture du ligament blessé. Cette intervention ne fait toutefois pas encore partie de la routine orthopédique et n’est donc pratiquée que par des spécialistes du problème.
Conclusion
Les médecins généralistes ou les pédiatres sont confrontés à plusieurs reprises dans leurs consultations à des personnes (généralement) jeunes qui demandent conseil pour un gonflement du genou apparaissant pour la première fois (après un accident de sport généralement peu spectaculaire). Parmi les causes possibles d’un tel trouble, il faut également penser à la luxation de la rotule. Il s’agit de la cause la plus fréquente d’épanchement articulaire, avec la rupture du ligament croisé antérieur et la déchirure aiguë du ménisque. La difficulté de pouvoir poser le diagnostic cliniquement réside dans le fait qu’après la luxation aiguë, la réduction se produit très souvent spontanément.
La situation est différente si le collègue est responsable d’un événement sportif (une activité tout à fait gratifiante) ou s’il travaille occasionnellement dans un service d’urgence (une activité tout aussi intéressante). Dans cet environnement, la probabilité d’un tableau clinique et même radiographique complet du problème augmenterait. Selon la littérature, l’incidence est de 6 pour 100 000 dans l’ensemble de la population, 29 pour 100 000 chez les 10-17 ans et même 104 pour 100 000 jeunes femmes actives. La souffrance n’est donc pas si rare.
Si le diagnostic de la luxation patellaire aiguë est relativement bien systématisé, son traitement reste actuellement encore controversé. Conservation ou chirurgie immédiate ? C’est là que les avis divergent. Néanmoins, il existe de bonnes directives pour les deux voies, et après une stratégie conservatrice non concluante, il est toujours possible de recourir à la solution chirurgicale en cas de problème de récidive.
Pour conclure, il convient de souligner que la gestion de la luxation habituelle de la rotule doit être menée selon d’autres critères.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(6) : 4-6