Le traitement focal du cancer de la prostate est une nouvelle stratégie qui complète les deux options thérapeutiques que sont la “surveillance active” et la prostatectomie radicale. L’objectif est de traiter de manière ciblée la tumeur cliniquement significative tout en surveillant le tissu prostatique résiduel. Cela permet une bien meilleure préservation de la fonction érectile et de la continence. En raison de l’évaluation initiale détaillée et de la surveillance ultérieure par imagerie par résonance magnétique multimodale et biopsie étendue, le risque de progression tumorale pertinente des zones non traitées est réduit au minimum. La possibilité d’un traitement focal du cancer de la prostate doit être expliquée en détail au patient lors de l’entretien d’information avant qu’il n’opte pour une stratégie de traitement radical.
Le cancer de la prostate est la tumeur maligne la plus fréquente chez l’homme et la deuxième cause de décès par cancer dans les pays industrialisés [1]. Il doit donc être considéré sérieusement en tenant compte des aspects socio-économiques et sanitaires.
Lorsqu’un patient reçoit un nouveau diagnostic de cancer de la prostate, lui et son médecin traitant sont souvent confrontés à un choix difficile, car les options thérapeutiques établies actuellement disponibles se situent aux extrémités opposées du spectre thérapeutique.
D’un côté, il y a la “surveillance active”, qui consiste à adopter une attitude attentiste avec un monitoring précis malgré un diagnostic de tumeur connu. Cependant, cette stratégie thérapeutique pour le cancer de la prostate de faible malignité ne s’impose que lentement en Europe et aux États-Unis [2,3]. De l’autre côté du spectre, on trouve les traitements dits radicaux de la prostate entière, effectués soit sous forme de prostatectomie radicale, soit sous forme de radiothérapie. Malheureusement, les études actuelles ne sont pas en mesure d’aider clairement le patient ou le médecin traitant dans sa décision. Actuellement, 1055 hommes doivent subir un dépistage du PSA et 37 doivent être diagnostiqués/traités pour un cancer de la prostate afin d’éviter un décès dû à ce cancer [4]. Les risques d’effets secondaires du traitement radical sont de 30 à 90 % pour la dysfonction érectile, de 5 à 20 % pour l’incontinence et de 5 à 20 % pour les complications du côlon [5,6].
Le développement conséquent de la technique chirurgicale par laparoscopie et par robot a certes conduit à une amélioration des pertes de sang, de la douleur de la plaie et de la durée d’hospitalisation, mais une réduction significative des effets secondaires et un meilleur contrôle de la tumeur n’ont pas été démontrés [5,7]. Il semble que l’on ait atteint ici les limites anatomo-biologiques du possible.
Localisation et importance du cancer de la prostate
Un traitement focalisé (focal) des zones suspectes de tumeur permet de minimiser les effets secondaires indésirables. La focalisation du traitement sur la tumeur proprement dite a déjà eu lieu avec succès pour d’autres organes tels que les reins, le foie et les poumons. Dans le cas du cancer de la prostate, ce concept n’a pas été suivi pendant longtemps, car on pensait que l’organe était atteint de manière multifocale. Cependant, les études histologiques montrent que jusqu’à 50% des patients qui subissent une prostatectomie radicale n’ont qu’une atteinte unifocale ou unilatérale et se qualifieraient donc pour un traitement focal [8]. Ces connaissances ne sont pas nouvelles, mais les possibilités techniques qui sont nécessaires pour établir le concept de “thérapie focale” le sont encore plus : le traitement du cancer de la prostate significatif tout en surveillant le reste de la prostate. La localisation détaillée, y compris la caractérisation et la classification de toutes les tumeurs au sein de la prostate, en termes à la fois de diagnostic et de surveillance, est assurée par l’imagerie par résonance magnétique multimodale (IRMm) et la biopsie étendue de la prostate. L’ablation focale précise et ciblée est réalisée à l’aide d’ondes ultrasonores focalisées de haute intensité (HIFU).
Imagerie par résonance magnétique multimodale
L’IRMm comprend des séquences pondérées en T1 et T2, ainsi que la représentation des restrictions de diffusion et des images dynamiques à contraste renforcé avec du gadolinium intraveineux. La même technique d’examen permet d’évaluer étonnamment bien le stade d’agressivité des tumeurs [9]. Des études récentes montrent que l’IRMm a une valeur prédictive négative élevée de 80-95% pour les foyers de carcinome cliniquement significatifs de plus de 0,5 cm3 [10,11].
Biopsie étendue de la prostate
Combinée à une biopsie élargie de la prostate (en anglais “template biopsy”), réalisée sous courte anesthésie et par voie périnéale, elle permet de définir encore plus précisément l’agressivité et la localisation de la lésion maligne. Ce prélèvement de tissu en damier permet d’atteindre une sensibilité de plus de 90% [12–14]. Le taux de complications et les effets secondaires du prélèvement transpérinéal de 40 cylindres de tissu en moyenne ont été examinés dans une étude plus large [15]. Aucune complication significative n’a été constatée (>Clavien grade II) et aucun effet secondaire sur la miction ou la fonction érectile n’a été observé un mois après la biopsie.
Option thérapeutique focale
Le traitement focal du cancer de la prostate peut en principe être réalisé avec différentes sources d’énergie. Sont décrits le HIFU, la cryochirurgie, la thérapie photodynamique, la curiethérapie, l’ablation par radiofréquence et le laser thermique [16,17]. En raison de sa nature non invasive, de l’efficacité prouvée des lésions tissulaires et de la surveillance en temps réel, l’HIFU est la méthode la plus étudiée, qui fait actuellement l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre d’autres études de phase II. Le traitement HIFU est basé sur une série d’ondes ultrasonores de haute énergie qui sont concentrées sur un point focal pendant le traitement. En raison de l’augmentation de la température, une nécrose coagulante se produit dans un morceau de tissu d’environ 3×3×10 mm. La concentration du son ne provoque aucun dommage thermique le long du faisceau d’ultrasons.
Pendant le traitement focal du cancer de la prostate, la prostate est mesurée en trois dimensions par ultrasons, également sous courte anesthésie, et les régions contenant du tissu tumoral sont ablatées de manière ciblée. Ce traitement est remarquablement bien toléré et les patients peuvent quitter l’hôpital après deux jours avec un cathéter Cystofix. Les études sur l’HIFU montrent des taux d’impuissance compris entre 5 et 15%, avec une incontinence quasi nulle [18–22].
La thérapie focale pourrait ainsi combler l’écart entre la “surveillance active” et le traitement radical et permettre aux patients chez qui un cancer de la prostate vient d’être diagnostiqué de traiter leur cancer sans effets secondaires significatifs. Le tissu tumoral non significatif laissé délibérément sans traitement doit continuer à être surveillé au cours des années suivantes et tout nouveau foyer tumoral significatif potentiel doit être traité à nouveau. Dans l’ensemble, cela pourrait réduire le nombre de thérapies radicales avec leurs effets secondaires significatifs ou au moins retarder la thérapie radicale de telle sorte que le patient puisse connaître des années sans effets secondaires. Un risque résiduel théorique subsiste, car une masse tumorale peut être manquée lors du diagnostic ou en raison d’une localisation insuffisante/défectueuse pendant le traitement. Il y a donc un risque de tumeur potentiellement métastatique, qui pourrait donc évoluer au fil du temps. Ce risque général est toutefois très faible, car nous pouvons supposer un “lead time bias” général d’environ cinq ans pour le cancer de la prostate grâce au dépistage du PSA [23]. Même dans une étude suédoise portant sur une proportion relativement importante de patients atteints d’un cancer de la prostate à haut risque, le traitement radical n’a permis de réduire le risque absolu de décès lié au cancer de la prostate que de six pour cent après 15 ans, par rapport à l’approche “watchful waiting” [24]. En raison du schéma de suivi détaillé (PSA, biopsie élargie de la prostate, IRMm) avec d’éventuels traitements de suivi, nous estimons que le risque potentiel du traitement focal est bien inférieur à 6%.
Sélection des bons patients pour la thérapie focale
Les procédures thérapeutiques capables de préserver le tissu prostatique résiduel après ablation sont considérées comme une “thérapie focale” selon la définition actuelle. Un traitement HIFU total bilatéral est possible, mais il entraîne une augmentation significative des effets secondaires, comparable aux options de traitement radical. Actuellement, la thérapie focale ne devrait donc être utilisée que pour les patients présentant une tumeur unilatérale dominante de petite taille. Chez ces patients, on peut s’attendre à un taux très faible d’effets secondaires urogénitaux et rectaux.
Cependant, pour les patients présentant des tumeurs de grande taille, multifocales ou peu différenciées (>Gleason 3+4), les stratégies de traitement radical doivent être considérées comme des options idéales, garantissant une sécurité oncologique qui justifie les effets secondaires connus.
Enfin, la prudence est de mise chez les patients présentant un cancer de la prostate avéré, non significatif et à faible risque. Malgré les faibles effets secondaires de l’HIFU focale, on peut néanmoins supposer que pour ce groupe, tout traitement constituerait une sur-thérapie. Ces hommes bénéficieront d’autant plus de la précision de la nouvelle stratégie de surveillance avec l’IRMm et les biopsies élargies de la prostate, et en cas de progression, l’option d’un traitement à faible effet secondaire serait toujours maintenue.
PD Dr. med. Dr. rer. nat. Daniel Eberli
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