Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) constituent le traitement standard pour toutes les manifestations du reflux gastro-œsophagien. Malgré un taux de réussite élevé, il y a parfois des patients qui ne répondent pas suffisamment au traitement. Dans ces cas, un traitement add-on avec des alginates s’est avéré efficace.
Dans le monde, la prévalence des troubles du reflux est estimée entre 10 et 25%, avec de grandes variations géographiques [1,2]. Pour les personnes concernées, le médecin généraliste est souvent le premier point de contact. Selon la classification de Montréal, on parle de reflux gastro-œsophagien (RGO) lorsque le reflux du contenu de l’estomac provoque des symptômes gênants et/ou des complications [3]. Il s’agit d’un ensemble de symptômes variés (aperçu 1). Les symptômes typiques sont les brûlures d’estomac, les régurgitations et les remontées acides. D’autres manifestations fréquentes sont les douleurs abdominales supérieures et les troubles du sommeil dus au reflux nocturne. Les symptômes atypiques comprennent la sensation de globus et le raclement de gorge. Des inflammations visibles de différents degrés de gravité (Los Angeles grade A à D) et des sténoses peptiques peuvent se former dans l’œsophage. Lors de l’anamnèse, il est possible de demander non seulement le type de symptômes et leur fréquence, mais aussi les liens avec les facteurs alimentation et stress [4]. Parmi les facteurs de risque sur lesquels il est possible d’agir, on trouve notamment l’obésité et le tabagisme, et environ trois quarts des femmes enceintes souffrent de reflux [2].
Le consensus de Lyon, un système de diagnostic moderne
Pour le diagnostic de la maladie de reflux, la pH-métrie par impédance sur 24 heures est aujourd’hui considérée comme la méthode de choix [5,6]. La mesure de l’impédance est effectuée par une sonde placée dans l’œsophage et détecte tout mouvement du contenu dans l’œsophage, y compris la direction et le pH. Cette technique permet de quantifier et d’attribuer précisément les symptômes. Un diagnostic sûr est particulièrement crucial dans les cas de contrôle insuffisant des symptômes malgré un traitement par IPP. Une classification diagnostique moderne intégrant différentes méthodes s’inspire de la conférence de consensus de Lyon (tab. 1) [7]. En conséquence, le diagnostic de RGO est considéré comme certain en présence d’une œsophagite de reflux sévère (grade C ou D de Los Angeles), d’une sténose peptique, d’une métaplasie de Barrett histologiquement confirmée sur plus de 1 cm ou d’une exposition acide de l’œsophage de >6% du temps mesuré (24 h) [7]. Le RGO est considéré comme exclu en cas d’exposition à l’acide <4% et <40 épisodes de reflux par jour [7]. Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont considérés comme le traitement standard du reflux gastro-œsophagien et sont utilisés avec succès pour inhiber l’acidité dans l’estomac. En phase aiguë, on utilise d’abord une forte dose d’IPP, puis, en l’absence de symptômes, la dose peut être progressivement réduite jusqu’à une dose d’entretien aussi faible que possible [8]. De nombreuses études ont démontré l’efficacité des IPP par rapport au placebo et leur supériorité par rapport aux autres médicaments [9].
Ce que l’on peut faire en cas d’absence de réponse au traitement par IPP
On parle d’œsophagite de reflux persistante chez les patients qui continuent à présenter des symptômes malgré 8 semaines d’IPP 1×/jour. Une fois le diagnostic établi, il convient d’examiner les possibilités d’amélioration de l’observance. Ensuite, une médication peut être essayée selon le schéma suivant [10]:
- Double dose d’IPP (1-0-1) pendant 8 semaines
- Antihistaminique (par ex. Zantic 300 mg)
- Bloqueur de reflux (par ex. Gaviscon 1-2 cp postprandial)
- Prokinétique (par ex. Motilium 10 mg)
Chez les patients qui ne répondent pas suffisamment au traitement par IPP, il a été démontré que les poches d’acide, qui peuvent être efficacement traitées localement par des alginates, jouent souvent un rôle essentiel dans ce cas [11]. L’administration supplémentaire d’alginate en fonction des besoins s’est avérée efficace pour réduire les symptômes de reflux persistants et améliorer la qualité de vie des patients [11,12].
Une étude LOPA confirme les effets positifs des alginates en tant qu’add-on
Chez les patients ne répondant pas suffisamment au traitement par IPP, une étude ouverte, multicentrique, non randomisée et non interventionnelle a examiné les effets des alginates en tant qu’add-on [11]. 11 cabinets de médecine générale de l’agglomération de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Rhénanie-Palatinat ont participé à l’étude entre mars 2016 et octobre 2017. L’étude a été enregistrée dans le registre allemand des études cliniques. L’étude a porté sur 155 patients adultes (54 % de femmes, âge médian 57 ans*) ayant des antécédents de RGO depuis au moins 1 an et un traitement continu par IPP de ≥ 1 an ayant entraîné un contrôle insuffisant des symptômes. Six patients ont été exclus de l’analyse des données, soit parce qu’ils n’avaient pas pris le médicament de l’étude, soit parce qu’ils ne se sont pas présentés à la visite de fin de traitement. La durée médiane de la maladie était de 8 ans (fourchette de 1 à 50 ans) et la durée médiane du traitement par IPP à long terme était de 6 ans.
* médiane = 50% de l’échantillon au-dessus et 50% en dessous de cette marque
Les personnes concernées ont été traitées pendant 14 jours avec un alginate à la demande (jusqu’à 4 ×/jour). Les participants à l’étude ont pris en moyenne trois sachets du médicament à l’étude par jour. La fréquence des symptômes au cours de la semaine précédant le traitement et au cours de la deuxième semaine de traitement, ainsi que le score Q du RGO validé ont été enregistrés. La satisfaction vis-à-vis du traitement a été évaluée par les patients à la base et à la fin de l’étude sur une échelle de Likert** en 5 points (1=très insatisfait, 5=satisfait). L’amélioration de la satisfaction de ≥ 1 point a été définie comme critère d’évaluation primaire.
** 1 point : n = 45, 2 points : n = 41, 3 points : n = 16, 4 points : n = 5
Chez 72% des patients, la thérapie à l’alginate a entraîné une amélioration de la satisfaction thérapeutique d’au moins 1 point. Il s’est avéré que les patients ayant un score GERD-Q >8 étaient plus susceptibles de répondre au traitement (81 %). L’amélioration rapportée concernait tous les symptômes typiques du reflux et les troubles du sommeil. Le traitement s’est avéré bien toléré.
Messages Take-home
- Les objectifs thérapeutiques du RGO sont, outre le contrôle des symptômes, la guérison des lésions de l’œsophage et la prévention des complications [14].
- Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont les médicaments de première intention pour le traitement de toutes les manifestations du RGO et permettent d’obtenir un effet thérapeutique satisfaisant chez environ 70% des patients, mais il existe parfois des cas de réponse insuffisante [14].
- Un diagnostic sûr est particulièrement important chez les patients dont l’effet du traitement par IPP est insuffisant et nécessite souvent une combinaison de différentes méthodes de diagnostic, comme le stipule le Consensus de Lyon (tableau 1) [7].
- Les alginates sont une option thérapeutique add-on efficace lorsque l’effet des IPP est insuffisant [14]. C’est ce que montrent, entre autres, les résultats de l’étude LOPA menée en 2016/2017, à laquelle ont participé 11 cabinets de médecine générale en Allemagne [11]. Dans cette étude, le traitement à l’alginate en tant qu’add-on aux IPP a entraîné une nette amélioration de la satisfaction thérapeutique chez 72% des patients.
Littérature :
- Richter JE, Rubinstein JH : Présentation et épidémiologie de la maladie de reflux gastro-œsophagien. Gastroenterology 2018 ; 154 (2) : 267-276.
- Medix : www.medix.ch/media/gl_dyspepsie_2018_20.11.20_mh.pdf
- Vakil N, et al : The Montreal definition and classification of gastroesophageal reflux disease : a global, evidence-based consensus paper. Z Gastroenterol 2007 ; 45(11) : 1125-1140.
- Lengliger J : Reflux gastro-œsophagien. Dr. med. Johannes Lenglinger, Hôpital de l’Île, Berne. FOMF Bâle, 29.01.2020.
- Labenz J, Labenz C : Maladie de reflux : les IPP ne sont pas toujours le premier choix. Pharmazeutische Zeitung (en ligne), 02.05.2019.
- Koop H, et al : S2k-Guideline : Gastroesophageal reflux disease guided by the German Society of Gastroenterology. Z Gastroenterol 2014 ; 52(11) : 1299-1346.
- Gyawali CP, et al : Diagnostic moderne du RGO : le consensus de Lyon. Gut 2018 ; 67 : 1351-1362.
- GI-Portal.de : http://dasgastroenterologieportal.de/Behandlung_mit_PPI_Protonenpumpeninhibitoren.html
- Mössner J : The Indications, Applications, and Risks of Proton Pump Inhibitors : A Review After 25 Years. Deutsches Ärzteblatt International 2016 ; 113(27-28) : 477.
- Halama M : Présentation du Dr Marcel Halama, cabinet de gastroentérologie de Zurich. Ulcère et reflux gastro-œsophagien. FOMF médecine interne – Update Refresher, 04.12.2019, Zurich
- Müller M, et al. : Alginate si nécessaire comme add-on en cas d’effet insuffisant des inhibiteurs de la pompe à protons chez les patients souffrant de reflux gastro-œsophagien. Dtsch Med Wochenschr 2019 ; 144(04) : e30-e35.
- Labenz J, Koop H : Reflux gastro-œsophagien – que faire lorsque les IPP ne sont pas suffisamment efficaces, tolérés ou souhaitables ? DMW-Deutsche Medizinische Wochenschrift, 2017. 142(05) : 356-366.
- Wiest R, Tutuian R : Examen des troubles œsophagiens. Gastroentérologie Suisse 2020 ; 1 : 23-28.
- Labenz J, et al. : Reflux gastro-œsophagien – Mise à jour 2021. L’Internaute 2020 ; 61 : 1249-1263.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2021 ; 16(1) : 34-35