Les patients souffrant de vertiges s’adressent souvent en premier lieu à leur médecin généraliste, ce qui confère aux généralistes une fonction de triage importante. L’anamnèse et l’examen clinique doivent d’abord viser à distinguer les formes graves de vertiges, comme les troubles vestibulaires centraux, des formes non dangereuses de vertiges.
Le symptôme du vertige peut avoir de nombreuses causes différentes (tableau 1), c’est pourquoi il est souvent difficile d’établir un diagnostic correct. La clé du diagnostic est une enquête minutieuse sur les antécédents médicaux et un examen physique. Des examens complémentaires et d’imagerie sont nécessaires dans certains cas, mais doivent être indiqués de manière critique.
Anamnèse
Type de vertige : le terme “vertige” est utilisé pour désigner un grand nombre de troubles de l’état général, c’est pourquoi il convient de s’enquérir précisément du type de vertige ressenti. En cas de vertige rotatoire, on a l’impression d’être sur un manège – tout tourne. Le vertige donne l’impression d’être sur un bateau. En outre, les vertiges peuvent être perçus comme un sentiment diffus d’insécurité et d’ébriété ou comme une sensation d’étourdissement (noircissement des yeux). Certains patients décrivent une pression diffuse dans la tête.
Durée des vertiges : les vertiges surviennent-ils par crises ? Si oui, combien de temps durent ces attaques ? Secondes, minutes, heures ou jours ? S’agit-il d’une escroquerie permanente ?
Déclenchement/aggravation du vertige : le vertige existe-t-il déjà au repos ? Se produit-il en se levant ? Les vertiges se produisent-ils uniquement en position debout ou en marchant ? L’insécurité s’accentue-t-elle dans l’obscurité ou sur un sol inégal ? Un nouveau médicament a-t-il été prescrit rapidement après l’apparition des premiers vertiges ? Les crises de vertige peuvent-elles être déclenchées par un mouvement particulier (par exemple, se tourner dans le lit), par le bruit, par le fait de pousser ou par un autre facteur ?
Symptômes associés : Existe-t-il des symptômes associés tels que des maux de tête, des troubles de la vision, des problèmes de déglutition ou d’élocution, des hypesthésies et des dysesthésies ? Existe-t-il des symptômes auriculaires (surdité, acouphènes, otalgie et otorrhée) ? Le patient ressent-il des palpitations ou un pouls irrégulier ?
Médicaments et maladies connues : Quels sont les médicaments pris ? Des maladies (hypertension, diabète sucré, migraines, etc.) sont-elles connues ?
Pour éviter les doublons, il est recommandé de demander si des clarifications ont déjà été effectuées. Pour un travail rapide, il est utile de réaliser l’enquête avec une feuille d’anamnèse (tableau 2).
Considérations de diagnostic différentiel sur la base de l’anamnèse
Si le patient signale un vertige rotatoire, un trouble vestibulaire est le plus probable. S’il s’agit de crises qui durent quelques secondes, on peut penser à un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). En revanche, si les crises durent plusieurs heures, il faut penser à un diagnostic différentiel avec la maladie de Menière et la migraine vestibulaire. En cas de vertige rotatoire permanent pendant deux ou trois jours, un dysfonctionnement vestibulaire périphérique aigu ou un événement central peuvent être envisagés. Si les vertiges s’accompagnent de symptômes neurologiques, on peut suspecter une cause centrale. Vertiges survenant uniquement en position debout ou lors d’un effort physique, ou accompagnés de syncopes ou de vertiges. Les symptômes associés à la pré-syncope sont le plus souvent d’origine cardiovasculaire.
Examen clinique
En fonction de l’anamnèse et du diagnostic différentiel correspondant, l’accent est mis sur l’examen interne ou neurologique-vestibulaire lors du bilan. Du côté des médecins internes, l’examen cardiovasculaire (auscultation, mesure de la pression artérielle, ECG, etc.) est généralement au premier plan.
L’examen clinique vestibulaire
Examen avec les lunettes de Frenzel : Les lunettes de Frenzel sont équipées de lentilles grossissantes concaves à forte réfraction, d’une puissance de +15 à +18 dioptries. Ils empêchent ainsi une vision nette. Le contact visuel du patient avec les objets de l’environnement est ainsi interrompu, ce qui élimine toute possibilité de fixation visuelle. De plus, l’intérieur des lunettes est éclairé alors que l’examen se déroule dans une pièce sombre. L’éclairage et le grossissement des yeux par les lentilles facilitent l’évaluation des mouvements oculaires par le médecin examinateur.
Les lunettes de Frenzel servent à observer les mouvements involontaires des yeux (nystagmus). Le nystagmus désigne les mouvements rythmiques incontrôlables d’un organe, mais généralement des yeux, de sorte que le nystagmus désigne généralement un tremblement des yeux. Dans le cas du “nystagmus saccadé”, on trouve un mouvement initial lent et un mouvement de retour rapide. La direction du nystagmus est indiquée après la phase rapide, car elle est plus facile à identifier. Les modèles d’impact horizontaux sont les plus fréquents, mais des formes verticales et rotatives existent également.
Si, en l’absence de stimulations externes du système visuel et vestibulaire, un nystagmus est présent lors du regard droit devant soi, il s’agit d’un nystagmus spontané. Le nystagmus directionnel est recherché lors du regard à 30° vers la gauche et vers la droite, vers le haut ou vers le bas, et pointe à chaque fois dans la direction correspondante du regard.
Un nystagmus vestibulaire périphérique bat dans la même direction quelle que soit la direction du regard, l’intensité augmente quand on regarde dans la direction de la phase rapide et diminue quand on regarde dans la direction opposée (loi d’Alexander). La fixation visuelle permet de supprimer ou du moins de freiner le nystagmus vestibulaire périphérique.
Un nystagmus spontané battant verticalement vers le haut ou vers le bas (up- ou downbeat) ainsi que des nystagmus de la direction du regard ont toujours une genèse centrale. De même, la fixation ou l’absence de fixation est un facteur central. Nystagmus qui s’intensifie ou ne peut pas être arrêté lors de la fixation. Dans ces cas, des investigations supplémentaires doivent être menées sans délai.
Si l’on ne trouve pas de nystagmus spontané ou directionnel du regard, il faut rechercher un nystagmus de secousse de la tête. Dans ce cas, la tête du patient est secouée d’avant en arrière dans le plan horizontal par l’examinateur pendant une dizaine de secondes à une fréquence d’environ 2 Hz.
Un nystagmus de secousse de la tête est observé dans le cas d’un trouble vestibulaire périphérique qui n’est pas complètement compensé au niveau central. Ces patients font typiquement état d’une insécurité accrue dans l’obscurité ou le noir. en cas de mouvements rapides.
Examen de position : si un BPLS est suspecté lors de crises de vertiges rotatoires de quelques secondes, un examen de position doit être effectué. Les lunettes Frenzel doivent également être utilisées pendant cet examen. Les différents arcs sont alors contrôlés séparément.
Le canal postérieur est testé à l’aide de la manœuvre de Dix-Hallpike (Fig. 1).
La tête du patient est tournée de 45° sur le côté, puis le patient est placé en position tête en bas. En présence d’un BPLS, un nystagmus rotatif géotrope (c’est-à-dire dirigé vers l’arc) avec une composante upbeat supplémentaire apparaît avec une latence de quelques secondes. On observe typiquement un phénomène de crescendo-decrescendo, en général les nystagmus disparaissent après 10 à 30 secondes. Après un redressement rapide, on observe un nystagmus battant dans la direction opposée.
Le canal semi-circulaire horizontal, qui est affecté dans environ 20% des cas de BPLS, est examiné à l’aide du test dit de Pagnini-McClure. Le patient est allongé sur le lit d’examen avec le haut du corps surélevé de 30°. Dans cette position, la tête tourne brusquement d’un côté puis de l’autre. En présence d’un BPLS, on observe des nystagmus géotropes bilatéraux, également avec un phénomène de crescendo-decrescendo. Le côté malade est celui qui réagit le plus fortement.
Le BPSL du canal postérieur est traité par la manœuvre d’Epley ou de Semont, le BPLS du canal horizontal par la manœuvre de Gufoni ou de Barbecue.
Test d’Impulsion Céphalique (TIC) : Le TIC permet d’étudier le réflexe vestibulo-oculaire. Ce test sensible permet de détecter à l’inspection une insuffisance vestibulaire périphérique unilatérale ou bilatérale. L’examinateur s’assied devant le patient et saisit fermement sa tête par les tempes des deux côtés. Le patient est invité à fixer le bout du nez de l’examinateur. L’examinateur tourne la tête du patient par à-coups d’environ 10 à 15° vers la droite ou la gauche. Lorsque la fonction vestibulaire est normale, l’œil du patient reste toujours dirigé vers le nez. En revanche, s’il y a un dysfonctionnement, l’œil dévie sur le côté en même temps que la tête, immédiatement suivi d’une saccade de correction dans la direction opposée afin de fixer à nouveau la pointe du nez de l’examinateur (Fig. 2).
Examen clinique de l’équilibre
Le test de Romberg : Le test de Romberg consiste à demander au patient de se tenir debout, les pieds joints et les yeux fermés. Souvent, le test est combiné avec le test de préhension, dans lequel les deux bras sont tendus vers l’avant.
Essai de pédalage sous la montagne : le patient pédale régulièrement sur une place, les yeux fermés. Pour cela, il est important qu’il n’y ait pas de points de repère (sources de lumière vive, horloges qui font tic-tac) dans la pièce. Le test est considéré comme positif, c’est-à-dire anormal, si le patient dévie de plus de 45° par rapport à la position initiale pendant 50 pas.
Tandemromberg : ce test consiste à placer les pieds l’un derrière l’autre. Le test est effectué avec les yeux ouverts et fermés. Si le patient peut maintenir un équilibre stable pendant dix secondes, le test est réussi.
Position sur une jambe : le patient doit essayer de rester stable pendant dix secondes, d’abord avec les yeux ouverts, puis avec les yeux fermés.
On considère qu’un patient de moins de 40 ans a un équilibre normal en fonction de son âge s’il peut se tenir sur une jambe les yeux fermés. Les patients de plus de 60 ans doivent pouvoir se tenir sur une jambe avec les yeux ouverts. Pour les personnes âgées de 40 à 60 ans, il devrait être encore possible de faire de la montagne en tandem avec les yeux fermés.
Si l’examen révèle que l’équilibre est beaucoup plus mauvais avec les yeux fermés qu’avec les yeux ouverts, le diagnostic différentiel doit porter sur un trouble vestibulaire périphérique (trouble unilatéral non compensé au niveau central ou vestibulopathie bilatérale) ainsi que sur une polyneuropathie avec diminution de la sensibilité en profondeur. Un test d’orientation simple à réaliser concernant la polyneuropathie est l’examen du sens vibratoire de la malléole avec le diapason correspondant.
Test de coordination : à titre indicatif, la coordination peut être testée à l’aide du test doigt-nez, du test du crochet du genou et de la diadochocinésie. De plus, un examen de la démarche (marche normale, aveugle et en ligne) doit être effectué afin de détecter notamment une démarche ataxique. Si l’on trouve une démarche à petits pas, il s’agit d’un syndrome parkinsonien et il faut donc rechercher, entre autres, un phénomène de roue dentée.
État des nerfs crâniens : La fonction trigéminale et faciale peut être testée cliniquement de manière très simple. Outre l’examen de la motricité oculaire, il faut rechercher la présence d’une anisocorie ou d’un syndrome de Horner. Les nerfs crâniens caudaux peuvent être affectés, en particulier dans le cas de pathologies du tronc cérébral (par exemple le syndrome de Wallenberg), et il est donc nécessaire de procéder à un examen approprié. Le nerf hypoglosse peut être testé en tirant et en bougeant la langue d’avant en arrière. En cas de paralysie glossopharyngée, le palais mou se déforme de manière asymétrique, c’est-à-dire que la luette s’écarte du côté sain lors de la phonation. La parésie vagale entraîne, outre un enrouement (parésie du nerf récurrent), un phénomène de coulisse.
Si des signes d’implication des nerfs crâniens sont observés, une cause centrale doit être supposée et des examens complémentaires doivent être entrepris en conséquence par le spécialiste.
Si le patient signale des symptômes auriculaires, il faut procéder à un examen au diapason de Weber et Rinne et à une otoscopie. Il s’agit notamment d’exclure une otite moyenne aiguë avec atteinte de l’oreille interne ainsi qu’un zona otique.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Les possibilités d’examen clinique dans la pratique sont multiples, les examens énumérés permettent dans de très nombreux cas de poser le diagnostic ou du moins de limiter fortement le diagnostic différentiel.
- Le type de vertige, sa durée, son caractère déclencheur, son aggravation et les symptômes qui l’accompagnent font partie d’une anamnèse minutieuse, tout comme la prise de médicaments et les maladies déjà connues.
- En cas de signes d’implication des nerfs crâniens ou de nystagmus verticaux, il faut supposer une cause centrale et entreprendre rapidement des investigations supplémentaires en conséquence.
Bibliographie chez l’auteur
Dr. med. Marcel Gärtner