Le choix de l’option thérapeutique appropriée parmi les nombreux agents antipsoriasiques disponibles est l’un des plus grands défis actuels. Des études empiriques ont montré que la réponse au traitement de différents médicaments biologiques varie en fonction des caractéristiques des patients. Des critères de sélection orientés vers le patient permettent de répondre au problème de la perte d’efficacité secondaire. Cela est particulièrement vrai pour la première thérapie biologique, car il a été démontré que c’est un facteur d’influence important pour la “survie au médicament”.
Selon les connaissances actuelles, le psoriasis est considéré comme une maladie inflammatoire systémique médiée par les lymphocytes T, dans laquelle une dérégulation génétique du système immunitaire entraîne une auto-immunité contre les antigènes cutanés de l’organisme. Des manifestations extracutanées comorbides sont également fréquentes. Suite à l’activation du système immunitaire, les cellules T helper (Th) de la peau produisent différentes cytokines qui agissent sur les kératinocytes épidermiques, entraînant une prolifération excessive caractéristique et une différenciation anormale des kératinocytes, ainsi qu’une infiltration de cellules inflammatoires [1]. On sait aujourd’hui que les cellules Th17, qui produisent différents médiateurs de l’inflammation, jouent un rôle clé dans le mécanisme pathologique du psoriasis [2]. Les inhibiteurs de l’IL17 et de l’IL23, qui appartiennent tous deux à la dernière génération de produits biologiques, interagissent avec la réponse immunitaire Th17. Il existe cependant quelques différences notables entre ces deux groupes d’anticorps monoclonaux. C’est ce que montrent les résultats de plusieurs études empiriques présentées dans le cadre du congrès annuel de l’EADV en 2020.
Identifier les prédicteurs de la réponse au traitement
L’un des plus grands défis actuels dans le traitement systémique du psoriasis est la gestion de la perte d’efficacité secondaire des médicaments biologiques, c’est-à-dire la diminution de l’effet du traitement après une certaine période de traitement [3]. En particulier, le choix du premier médicament biologique doit être adapté au mieux aux caractéristiques individuelles du patient, car la “survie au médicament”, c’est-à-dire la durée entre l’initiation d’un traitement et son interruption ou le passage à une autre substance active, en est influencée [4]. Les prédicteurs de la “survie au médicament”, peuvent être utiles pour le choix entre différents médicaments biologiques [5,6]. Il est donc important de stratifier les critères permettant de déterminer quels patients sont susceptibles de mieux répondre au traitement anti-IL17 et quels patients sont plus aptes à recevoir un traitement anti-IL23.
Une option de traitement aussi bien adaptée que possible à chaque patient peut également être un facteur important en termes de motivation pour le traitement. Si l’on a déjà fait plusieurs tentatives infructueuses de traitement avec différents produits biologiques, la crainte d’une nouvelle perte d’efficacité peut avoir une influence négative sur l’adhésion. Il serait souhaitable de disposer d’options de traitement systémiques dont l’efficacité se prolonge sur la plus longue période possible. C’est notamment l’objet d’études à long terme sur la durabilité des effets du traitement. Il existe d’ores et déjà quelques résultats empiriques pertinents à ce sujet.
Traitement anti-IL17 vs. anti-IL23 : critères de sélection orientés vers le patient
Les inhibiteurs de l’IL17 et de l’IL23 font partie de la dernière génération de médicaments biologiques. Les inhibiteurs de l’IL17A actuellement autorisés en Suisse sont le sécukinumab (Cosentyx®) et l’ixekizumab (Taltz®) et, pour les antagonistes de l’IL23p19, le risankizumab (Skyrizi®), le guselkumab (Tremfya®), et le tildrakizumab (Ilumetri®). L’ustekinumab (Stelara®) est également disponible en tant qu’inhibiteur d’IL12/IL23 [7]. Les critères de différenciation pour un traitement anti-IL17 vs. anti-IL23 comprennent entre autres le degré de sévérité de la maladie psoriasique, la vitesse d’action du médicament biologique et la présence ou non d’une arthrite psoriasique, d’une obésité ou d’une maladie intestinale inflammatoire chronique comorbide, comme l’a expliqué le professeur Curdin Conrad, chef de service de la polyclinique et du centre de psoriasis de la clinique dermatologique de l’Hôpital universitaire de Lausanne, dans le cadre du congrès annuel 2020 de l’EADV [4]. (Tab.1).
En ce qui concerne la vitesse d’action, l’étude en tête-à-tête IXORA-R, publiée en 2020, a montré que l’ixekizumab, un inhibiteur de l’IL17, permettait d’obtenir une réponse PASI plus rapide que le guselkumab, un inhibiteur de l’IL23p19. C’était le cas pour le PASI50 et le PASI75, ainsi que pour le PASI90 et le PASI100 [8]. L’une des conclusions était que l’inhibiteur de l’IL17 était supérieur à l’inhibiteur de l’IL23 en termes d’efficacité. L’étude tête-bêche ECLIPSE, qui a également comparé les anti-IL23p19 aux anti-IL17, a au contraire conclu que l’inhibition de l’IL23 était supérieure au blocage de l’IL17 [9]. En ce qui concerne les caractéristiques des patients, l’IMC moyen des participants à l’étude était de 30, avec plus de 40% des patients répondant aux critères de l’obésité (IMC ≥30) [10,11]. Il y a quelques années déjà, on a constaté que le blocage de l’IL17 et de l’IL23 reposait sur des mécanismes d’action différents sur les cellules TH17, en démontrant entre autres des effets différents sur les symptômes de la maladie inflammatoire chronique de l’intestin [12]. Il est donc préférable d’envisager un inhibiteur de l’IL23 chez les psoriasiques souffrant de troubles intestinaux inflammatoires comorbides. En revanche, en présence d’une arthrite psoriasique, les inhibiteurs de l’IL17 sont une option thérapeutique très intéressante, comme le montrent les preuves d’efficacité actuelles du sécukinumab et de l’ixekizumab dans cette population de patients [13,14].
Source : EADV Annual Meeting 2020
Littérature :
- Sator P : État de l’art : traitement du psoriasis vulgaire. Focus : Peau et rhumatismes, FdR 01|2019, 16.04.2019.
- Eyerich K : Psoriasis – Où allons-nous ? Key Lecture 3, présentation de transparents, Prof. Dr. med. Kilian Eyerich, TU München, SGDV Assemblée annuelle, Bâle 20.09.2019.
- Yawalkar N : Psoriasis sans symptômes – le nouvel espoir pour les patients. Assemblée annuelle de la SSDP, Bâle 20.09.2019
- Conrad C : Ciblage de l’IL17 et de l’IL23. Présentation, EADV (Virtual) 29.10.20.
- Egeberg A, Bryld LE, Skov L : Drug survival of secukinumab and ixekizumab for moderate-to-severe plaque psoriasis. J Am Acad Dermatol 2019 ; 81(1) : 173-178.
- Mourad A, et al : Factors predicting persistence of biologic drugs in psoriasis : a systematic review and meta-analysis. Br J Dermatol 2019 ; 181 : 450-458.
- Compendium suisse des médicaments, www.compendium.ch (dernière consultation 17.2.2021)
- Blauvelt A, et al. : A head-to-head comparison of ixekizumab vs. guselkumab in patients with moderate-to-severe plaque psoriasis : 24-week efficacy and safety results from a randomized, double-blind trial. British Journal of Dermatology 2020, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/bjd.19509
- Reich K et al. : Guselkumab versus secukinumab pour le traitement du psoriasis modéré à sévère (ECLIPSE) : Résultats d’un essai contrôlé randomisé de phase 3. Lancet . 2019 ; 394(10201) : 831-839.
- Armstrong A : Consistency of Response by age in Patients With Moderate-to-Severe Psoriasis Treated With Guselkumab vs. Secukinumab : Week 48 Results From the ECLIPSE Study Trial. P1594, EADV 2019, https://eadvprogram.m-anage.com/
- Armstrong AW et al. guselkumab démontre une plus grande efficacité par rapport au secukinumab entre les quartiles de poids corporel et les catégories d’indice de masse corporelle : semaine 48 résultats de l’essai ECLIPSE. Abstract P1631. Congrès de l’EADV, 9-13 octobre, 2019.
- Patel DD, Kuchroo VK : Th17 Cell Pathway in Human Immunity : Lessons from Genetics and Therapeutic Interventions. Immunité 2015 ; 43(6) : 1040-1051. doi : 10.1016/j.immuni.2015.12.003.
- McInnes IB, et al : Secukinumab versus adalimumab pour le traitement de l’arthrite psoriasique active (EXCEED) : un essai en double aveugle, en groupes parallèles, randomisé, contrôlé en phase 3b. Lancet 2020, DOI : 10.1016/S0140-6736(20)30564-X.
- Smolen J, et al : A Head-to-Head Comparison of Ixekizumab and Adalimumab in Biologic-Naïve Patients with Active Psoriatic Arthritis : Efficacy and Safety Outcomes from a Randomized, Open-Label, Blind Assessor Study Through 52 Weeks. Numéro d’abstract : L20, 2019 ACR/ARP Annual Meeting.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2021 ; 31(1) : 36-37 (publié le 21.2.21, ahead of print)