Lorsqu’un “grand maître” comme le professeur Brunello Wüthrich fête son 75e anniversaire , ses élèves, ses successeurs et ses amis aiment se réunir pour lui rendre hommage. Mais ils n’apportent pas seulement des souvenirs et des photos d’autrefois qui font rire, ils montrent aussi fièrement à leur professeur comment ils poursuivent son œuvre.
Brunello Wüthrich a publié plus de 1000 articles, 10 livres et 70 thèses de doctorat au cours de ses 40 années d’activité scientifique. Cela lui a valu le titre de “Fusculus Furiosus Allergologiae Supra Magister” lors du symposium d’anniversaire organisé par les professeurs Barbara Ballmer-Weber et Peter Schmid-Grendelmeier ; en traduction libre : “Fusculus” – le petit brun ou Brunello et “Furiosus” de wütend/Wüthrich – le “grand maître de l’allergologie”. Le Dr Georg Schäppi, Berne, a surtout rendu hommage aux services rendus à l’organisation de patients aha ! En l’honneur du jubilaire, des services sélectionnés pour les personnes atteintes de dermatite atopique y sont financés par un fonds Brunello-Wüthrich pour la dermatite atopique (BWNDF).
Shot Doctor
“Tout ce que l’on peut avaler est aussi un allergène potentiel”, telle serait l’une des maximes du professeur Wüthrich, comme l’a expliqué le professeur Andreas Bircher de Bâle, docteur en médecine. La liste des allergènes potentiels sur laquelle le professeur Wüthrich a publié va bien au-delà des aliments : les produits cosmétiques tels que le rouge à lèvres et le maquillage pour les yeux, les boissons contenant du carmin, les médicaments et même les ingrédients des oursons en gomme peuvent provoquer des démangeaisons, de l’érythème, de l’asthme et de l’urticaire. Le professeur Wüthrich a fait preuve de la plus grande ténacité pour imposer l’obligation de déclarer les ingrédients colorés dans les aliments et pour faire connaître les allergènes rares. Il a été l’un des premiers à décrire les allergies croisées.
Le Dr Peter Eng, Aarau/Lucerne, a évoqué l’époque où les allergologues de l’USZ étaient encore appelés “shot doctors” au début des années 50. A l’époque, on utilisait une immunothérapie spécifique avec des extraits aqueux provenant des Etats-Unis et, plus tard, la méthode de scarification co-saisonnière de Blamoutier. De nouveaux adjuvants, des combinaisons d’immunothérapie allergénique (AIT)/anti-IgE, des allergènes recombinants/variants hypoallergéniques, des peptides de cellules T et de nouveaux itinéraires tels que l’immunothérapie intralymphatique (ILIT) et l’immunothérapie épidermique (EPIT) ont été développés comme stratégies d’amélioration des extraits d’allergènes.
Allergies aux parfums
Le professeur Peter Elsner de Jena a abordé le thème des allergies aux parfums en Europe. Les parfums sont de plus en plus utilisés dans tous les produits de la vie quotidienne. Les données sur les allergies aux parfums dans la population générale sont actuellement limitées. On pense que les allergies aux parfums ont augmenté au cours des dernières décennies en raison d’une utilisation accrue dans l’industrie. Selon un test épicutané (CE) récent, le taux de sensibilisation à un mélange de parfums testé est de 7,7 en Suisse, le taux le plus élevé étant de 10,4 en Autriche [1]. Selon un test de CE réalisé à Zurich, la sensibilisation de contact au nickel arrive en première position et celle au mélange de parfums déjà en deuxième [2].
Afin d’étayer davantage les tendances qui se dessinent par des chiffres, une étude complexe, l’étude EDEN, a été menée en Europe (“European Dermato-Epidemiology Network”) [3]. L’objectif était de déterminer la méthode de test appropriée pour détecter les allergies aux parfums et de comparer la prévalence des allergies aux parfums dans la population générale en Europe.
Dans six centres européens (Allemagne, Suède, Italie, Pays-Bas, Portugal), un total de 12 377 participants ont été randomisés et soumis à des tests épicutanés avec le verum ou le placebo. Pour ce faire, des informations supplémentaires ont été collectées sur l’âge, le sexe, le groupe ethnique, l’éducation, la profession, la situation familiale, le tabagisme et l’IMC. Une anamnèse détaillée a été réalisée sur l’exposition aux parfums, aux métaux, au plastique, au caoutchouc, au cuir, aux colorants capillaires et aux médicaments topiques. La CE a été réalisée avec les 29 allergènes les plus courants et 20 parfums ou un mélange de parfums, une attention particulière a été accordée à la standardisation des tests.
Résultat : 25,3% de la population générale européenne est sensibilisée par contact à au moins un des allergènes de la batterie de tests. La prévalence est plus élevée chez les femmes et varie entre les six centres européens. Les parfums ne sont pas la principale cause de sensibilisation dans la population générale par rapport aux métaux (nickel) et aux conservateurs (thiomersal, conservateur utilisé dans les produits cosmétiques et pharmaceutiques). Le professeur Elsner a souligné qu’il fallait se méfier des tests d’allergie inutiles et qu’il fallait toujours prendre en compte la pertinence de ces tests. Des résultats qui vont dans le sens de l’une des principales préoccupations du professeur Wüthrich : protéger les patients allergiques des tests inutiles et des traitements inefficaces.
Source : Symposium à l’occasion du 75e anniversaire du professeur Brunello Wüthrich à l’USZ, 26 septembre 2013.
Littérature :
- Uter W, et al. : Current patch test results with the European baseline series and extensions to it from the “European Surveillance System on Contact Allergy” network, 2007-2008. Dermatite de contact 2012 ; 67(1) : 9-19.
- Janach et al. : Changing delayed-type sensitizations to the baseline series allergens over a decade at the Zurich University Hospital. Contact Dermatitis 2010 ; 63(1) : 42-48.
- Rossi M, et al. : Design and feasibility of an international study assessing the prevalence of contact allergy to fragrances in the general population : the European Dermato-Epidemiology Network Fragrance Study. Dermatology 2010 ; 221(3) : 267-275.