Après une blessure sportive sérieuse, il n’est pas rare que l’une des premières questions posées par l’athlète soit la durée de l’absence à venir. La volonté de revenir au niveau précédent le plus rapidement possible est très forte chez les athlètes de haut niveau. Pour atteindre cet objectif, une collaboration constructive entre tous les professionnels impliqués dans le traitement initial et la phase de réhabilitation est nécessaire.
Le retour au sport est un sujet très souvent abordé dans la médecine sportive actuelle. Il s’agit souvent de savoir quelles règles de conduite, généralement très strictes, peuvent permettre le retour le plus rapide et le plus sûr à l’activité sportive (entraînement préparatoire à la compétition et compétition). De notre point de vue, le terme doit cependant être compris de manière plus large, il doit décrire et commenter toutes les mesures nécessaires pour réussir à passer de l’accident à ce même retour à l’activité sportive, ainsi que les éventuelles modifications physiques.
Changements physiques après une blessure sportive
Un processus qui commence rapidement après une blessure sportive est le déclin des facteurs de condition physique. Comme Åstrand [1] l’a démontré dans une expérience célèbre il y a plus de 50 ans, la consommation maximale d’oxygène VO2maxdiminue de 50% en 20 jours, tandis que la force (selon Hettinger [2]) diminue de 25% en 14 jours. Si l’on tient compte du temps nécessaire pour revenir à la situation initiale – 60 jours pour l’endurance et encore plus pour la force – il est logique de commencer un entraînement de remplacement dès que possible après la blessure. Dans la plupart des blessures sportives, il est possible de consolider au moins ces facteurs de condition physique tout en préservant la partie du corps blessée. Les physiothérapeutes, en particulier, peuvent laisser libre cours à leur imagination et développer des formes d’exercices spécifiques au sport.
Lorsque des personnes qui s’entraînent régulièrement et intensivement sont soudainement contraintes d’abandonner leur activité habituelle, comme dans le cas d’une blessure sportive plus grave, elles peuvent être touchées par ce que la littérature spécialisée appelle le syndrome de décharge aiguë, à l’instar des toxicomanes. Le terme syndrome de décharge – ou syndrome de privation sportive – désigne les troubles de santé qui peuvent survenir lors d’une décharge soudaine. À court terme, l’arrêt brutal de l’entraînement sportif de haut niveau peut entraîner ce tableau clinique. Le syndrome de décharge commence généralement 1 à 4 semaines après l’arrêt de l’entraînement, dure jusqu’à plusieurs mois et est plus fréquent chez les athlètes d’endurance que chez les athlètes de force (rapide). Les symptômes consistent principalement en des troubles cardiaques non spécifiques, tels que des arythmies cardiaques ressenties comme des palpitations, une labilité cardiovasculaire et des vertiges, mais peuvent également prendre la forme de troubles digestifs et de troubles du sommeil. Il est fréquent que le bien-être subjectif soit affecté, avec une instabilité émotionnelle pouvant aller jusqu’à une humeur dépressive. Les causes de ces troubles ne sont pas claires, elles sont probablement dues à des mécanismes hormonaux ou nerveux centraux. Pour prévenir ou traiter le syndrome de décharge aiguë, il convient de s’entraîner systématiquement, c’est-à-dire de poursuivre ou de reprendre un entraînement régulier réduit. Les sports d’endurance sont les plus recommandés comme forme d’effort.
Ces derniers temps, les médias parlent du sport comme d’une forme de dépendance. Une étude allemande récente parle de près de 5% de personnes susceptibles de devenir dépendantes du sport [3]. La base de cette addiction est comparable à celle d’autres addictions : le système de récompense du corps est constamment maintenu en éveil. Il en résulte qu’une activité bien intentionnée devient le but central de la vie. Si cette addiction ne peut plus être satisfaite pour des raisons de blessure, le syndrome de privation de sport évoqué plus haut peut apparaître.
Le dopage dans le contexte des blessures sportives
Comme (presque) toujours dans le domaine de la médecine sportive, il convient d’attirer l’attention sur la problématique du dopage dans cette situation particulière. Le déclin spectaculaire des facteurs de condition physique, en particulier de la force, pourrait stimuler la tentation de contrer cette évolution très défavorable au moyen d’une aide pharmacologique. Les anabolisants en sont un exemple. Il ne faut pas oublier que les autorités antidopage conservent le droit d’effectuer des contrôles (dits hors compétition) même en cas de défaillance. Il pourrait donc être fatal de ne pas respecter les règles en vigueur en raison d’une blessure, même de la part d’un médecin.
Le schéma thérapeutique et ses pièges
Le schéma thérapeutique classiquement pratiqué est le suivant : Diagnostic → Traitement → Rééducation → Entraînement de remplacement → Retour. La répartition des tâches entre les médecins, les physiothérapeutes et les entraîneurs n’est pas toujours très claire, de même qu’il arrive fréquemment que les informations ne circulent pas suffisamment entre les médecins impliqués (souvent plusieurs, par exemple le médecin du sport et le chirurgien). Il est compréhensible que ces constellations entraînent des malentendus, des complications et des retards indésirables. Il est donc extrêmement important qu’une personne s’approprie le rôle central de coordinateur (idéalement le médecin du sport).
En regardant de plus près le schéma thérapeutique mentionné ci-dessus, on trouve, du moins en théorie, un fossé à la fin de la prise en charge médicale classique. Si la physiothérapie est considérée comme terminée et que le médecin traitant estime que la situation est compatible avec le sport, le sportif concerné se retrouve dans une sorte de “no man’s land” thérapeutique, souvent sans autre accompagnement spécialisé. Il est trop rare que les entraîneurs soient formés dans ce domaine, et les entraîneurs spécialisés dans la rééducation ne se retrouvent dans le personnel que dans les structures sportives très professionnelles. Cette situation insatisfaisante est très probablement l’une des principales causes de récidives, qui ne sont malheureusement pas rares en traumatologie sportive (jusqu’à 10%). Une fois de plus, l’importance du travail d’équipe dans le processus discuté est évidente. Il ne doit en aucun cas y avoir de tensions entre les différents partenaires de l’équipe de rééducation, en particulier avec les représentants de la partie sportive.
Il est également très important que l’ensemble du processus commence très rapidement. Peut-être l’aspect le plus important, mais qui ne sera pas abordé ici pour des raisons de compétence, est l’accompagnement psychologique du sportif pendant toute la durée de cette rééducation. Il n’est pas rare que le traumatisme psychologique soit plus grave, mais plus imperceptible, que le traumatisme physique. La nécessité de faire appel à un psychologue du sport doit être évaluée au cas par cas. Le coordinateur ne doit pas perdre de vue cet élément dès le début (motivation= clé du succès !).
La rééducation a besoin de structure
L’exemple d’une structure très souvent gravement blessée dans le domaine du sport – le ligament croisé antérieur (LCA) du genou – permet d’illustrer un parcours de rééducation typique. Une question importante à cet égard est de savoir quels sont les critères qui indiquent aux différents soignants qu’un retour réussi à la vie sportive compétitive antérieure est possible. Souvent, au lieu de suivre un plan systématiquement élaboré, on procède selon le principe “poignet × π”.
Dans le cas d’une plastie de remplacement de la VKB, un déroulement typique se présente comme suit : Après six mois en moyenne, l’articulation opérée ne présente aucune anomalie clinique (pas d’épanchement, pas d’état irritable, stabilité subjective et objective, etc.), un appel téléphonique au kinésithérapeute, l’interrogatoire de l’intéressé, qui réagira presque toujours positivement d’impatience, et le feu vert est donné. Le patient retourne à son quotidien sportif, l’entraîneur part du principe que son joueur est prêt – et c’est parti ! C’est le moment où l’indésirable, c’est-à-dire la récidive de la blessure, peut se produire en raison d’une mise en charge trop précoce. C’est pourquoi il est essentiel que le processus de décision finale de reprendre le sport à plein temps soit basé sur des critères clairs. Pour vous aider, il existe de plus en plus d’outils d’évaluation dans ce domaine. Dans le cas de la rupture du VKB, il s’agit de signes cliniques (amplitude de mouvement, stabilité, éventuellement mesurés à l’aide de systèmes objectifs comme le KT 1000, le Rolimeter), de systèmes de scoring (Lysholm Knee Scoring Scale, International Knee Documentation Committee (IKDC) Score, Tegner Activity Score (TAS), etc.) et plus récemment de tests fonctionnels. Dans notre clinique, nous travaillons depuis peu avec une palette de six tests différents, qui sont effectués par des physiothérapeutes formés de manière relativement chronophage. Il s’agit d’une mesure de la force maximale, d’un test single, triple single et cross-triple single leg hop, d’un test d’équilibre en Y, d’un test de saut vertical de Sargent, d’un test de tuck, d’un test de saut latéral, d’un QUASLS (Qualitative Assesment Single-Leg Stepdown) et de tests de stabilité du tronc. Ces tests doivent bien entendu être effectués de manière comparative des deux côtés, car la pratique montre que le côté sain controlatéral est également en danger après une blessure ! Un programme similaire, composé de six tests, a été validé et a montré, en cas d’échec des six critères d’évaluation, une multiplication par 4 du risque de rupture d’une prothèse de remplacement du VKB [4]. De tels contrôles d’aptitude sont également mis en place pour d’autres articulations et modèles de blessures.
Conclusion
Le chemin de la rééducation après une blessure sportive grave peut sans aucun doute être long et complexe, tant pour l’athlète que pour l’ensemble de l’équipe de rééducation, mais il peut aussi être très instructif pour tous si tous les participants s’engagent à 100%. Immédiatement après l’accident, l’objectif de presque toutes les personnes accidentées est de revenir à leur niveau antérieur. Cela devrait également être l’objectif de l’équipe de rééducation, même si un succès certain ne peut malheureusement pas être garanti. Selon différentes études, environ 80% des sportifs accidentés retrouvent le chemin du sport, mais seulement environ 2⁄3 au niveau initial [5,6]. Le soutien dans cette voie est une tâche médicale très gratifiante.
Littérature :
- Åstrand PO, Rodahl K : Textbook of Work Physiology : Physiological Bases of Exercise. McGraw-Hill Book company 1970.
- Hollmann W, Hettinger Th : Médecine du sport – Principes de travail et d’entraînement. Éditions F.K. Schattauer 1980.
- Zoemainz H, et al. : Le risque de dépendance au sport dans les sports d’endurance. Dtsch Z Sportmed 2013 ; 64 : 57-64.
- Kyritsis P, et al : Probabilité de rupture de la greffe du LCA : le fait de ne pas satisfaire aux six critères de décharge clinique avant le retour au sport est associé à un risque de rupture quatre fois plus élevé. Br J Sports Med 2016 ; 50(15) : 946-951.
- Mascarenhas R, et al : Bone-patellar tendon-bone autograft versus hamstring autograft anterior cruciate ligament reconstruction in the young athlete : a retrospective matched analysis with 2-10 year follow-up. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2012 ; 20(8) : 1520-1527.
- Campbell AB, et al : Retour au sport après réparation du cartilage articulaire dans les genoux des athlètes : A Systematic Review. Arthroscopie 2016 ; 32(4) : 651-668.e1.
Autres ouvrages disponibles sur demande auprès de l’auteur
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(8) : 5-6