Des marqueurs pronostiques et surtout prédictifs valides peuvent jouer un rôle crucial dans le traitement des cancers. Avec le développement de nouvelles options thérapeutiques pour le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC), la stratification du risque est également en constante évolution.
La volonté de prédire notre avenir est probablement aussi ancienne que l’humanité elle-même et n’épargne pas la médecine. Ainsi, des météorologues, des astrologues, des cartomanciennes, des scientifiques et des médecins travaillent dans le monde entier pour prédire le cours des événements. En médecine, le besoin d’être préparé de manière optimale aux dangers est sans doute à l’origine de cette évolution. Dans le cas de pathologies aux évolutions aussi hétérogènes que la leucémie lymphoïde chronique (LLC), l’importance des paramètres pronostiques et prédictifs pour l’évaluation du risque est particulièrement élevée. Ainsi, certains marqueurs diagnostiques ont une influence significative non seulement sur le pronostic, mais aussi sur le traitement. Leur connaissance et leur application sont essentielles pour une gestion optimale des patients.
Chercher une aiguille dans une botte de foin
Le développement rapide des possibilités diagnostiques et thérapeutiques conduit d’une part à de nombreux paramètres dont la saisie pourrait être potentiellement utile pour la stratification du risque, et d’autre part à de multiples options de traitement qui supposent une sélection des patientes appropriées. À l’ère des thérapies ciblées, l’identification des facteurs qui sont réellement pertinents sur le plan clinique préoccupe plus que jamais les chercheurs. Les thérapies ciblées avec l’ibrutinib, l’idelalisib et le vénétoclax se sont également imposées dans la LLC.
Cependant, le développement de scores et de systèmes pronostiques pour les personnes atteintes de LLC remonte à plus de 40 ans. Ainsi, dans les années 1970 et 1980, les classifications de Binet et Rai, toujours utilisées aujourd’hui, ont été développées sur la base de résultats cliniques [1]. Celles-ci décrivent la propagation de la maladie en tenant compte de l’hypertrophie des ganglions lymphatiques, du foie et de la rate ainsi que des modifications de la formule sanguine (tab. 1 et tab. 2). Alors que la classification de Binet est surtout utilisée en Europe, la classification de Rai est largement utilisée aux États-Unis. Entre-temps, de nombreux autres biomarqueurs ont été découverts et des systèmes pronostiques ont été développés, mais ils ont tous été validés pour les patients sous chimio-immunothérapie (CIT) et doivent être remis en question à l’ère des traitements ciblés.
Les biomarqueurs pronostiques identifiés au cours des dernières décennies comprennent, entre autres, de nombreux paramètres sérologiques, le statut de mutationIGHV (immunoglobuline heavy chain), les aberrations chromosomiques, les mutations génétiques et les résultats de micro-ARN. En particulier, une mutation TP53 ou NOTCH1, l’expression de CD49d, le statut de mutation IGHV, les caryotypes complexes et certains microARN ont aujourd’hui une pertinence clinique, car ces facteurs ont des conséquences thérapeutiques immédiates (tableau 3). Cependant, l’importance de ces paramètres est également en train d’évoluer dans le cadre des nouvelles possibilités de traitement de la forme la plus courante de leucémie. Dans une analyse publiée en 2019, seules la mutation del17p/TP53 et l’expression de CD49d se sont révélées être des biomarqueurs pronostiques négatifs dans le paysage thérapeutique modifié [2]. Même le rôle de la maladie résiduelle minimale (MRD) comme paramètre pronostique après le traitement est remis en question à l’ère des approches oncologiques ciblées [3].
Au fil des années, des modèles pronostiques ont également été développés à plusieurs reprises, prenant en compte différents facteurs de nature clinique, de laboratoire et cytogénétique. Le nomogramme MDACC et le modèle GCLLSG en sont des exemples . Mais c’est surtout le CLL International Prognosis Index (CLL-IPI), introduit en 2016, qui s’est imposé. En plus du TP53 et du statut de mutation de l’IGHV, la microglobuline β2 sérique, le stade clinique et l’âge du patient sont également pris en compte dans l’évaluation (tab. 4). Comme il n’y a souvent pas de conséquence thérapeutique immédiate de ce score, il est recommandé d’en faire un usage plutôt modéré [1].
Tout nouveau ?
La validité de nombreux facteurs pronostiques et scores identifiés au cours des dernières décennies est mise à mal par l’introduction rapide actuelle de nouvelles thérapies. Néanmoins, l’importance d’une sélection adéquate des patients et le besoin de biomarqueurs fiables demeurent. La découverte de nouveaux paramètres, notamment cytogénétiques, pour l’évaluation des risques n’est certainement pas terminée et, si certains candidats établis sont susceptibles d’être victimes de nouveaux développements, d’autres gagneront en importance ou feront l’objet de recherches. La classification clinique de Binet et Rai sert encore de base aujourd’hui et il n’y a pas de remplacement en vue de la roche originelle. En ce qui concerne toutes les analyses plus détaillées prenant en compte les facteurs cytogénétiques, je pense que, comme souvent dans la vie et en médecine, il faut rester dynamique !
Source : Yun X, Zhang Y, Wang X : Progrès récents des biomarqueurs pronostiques et des systèmes d’évaluation du risque dans la leucémie lymphocytaire chronique. Biomark Res 2020 ; 8 : 40.
Littérature :
- Programme de lignes directrices en oncologie (Deutsche Krebsgesellschaft, Deutsche Krebshilfe, AWMF) : S3-Leitlinie zur Diagnostik, Therapie und Nachsorge für Patienten mit einer chronischen lymphatischen Leukämie, Kurzversion 1.0, 2018, numéro d’enregistrement AWMF : 018-032OL. www.leitlinienprogramm-onkologie.de/leitlinien/chronische-lymphatische-leukaemie-cll/ (dernier accès le 10.11.2020)
- Kittai AS, Lunning M, Danilov AV : Pertinence des facteurs pronostiques à l’ère des thérapies ciblées dans la LLC. Curr Hematol Malig Rep 2019 ; 14(4) : 302-309.
- Thompson M, et al : Minimal Residual Disease in Chronic Lymphocytic Leukemia in the Era of Novel Agents : A Review. JAMA Oncol 2018 ; 4(3) : 394-400.
- Yun X, Zhang Y, Wang X : Progrès récents des biomarqueurs pronostiques et des systèmes d’évaluation du risque dans la leucémie lymphocytaire chronique. Biomark Res 2020 ; 8 : 40.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2020 ; 8(6) : 22-23