Une mise à jour du panel ROSCO a permis d’évaluer le nouveau système de classification et d’actualiser les recommandations thérapeutiques fondées sur des données probantes. Une stratégie de traitement axée sur les symptômes a fait ses preuves dans la pratique. En ce qui concerne les relations physiopathologiques, il y a de nouvelles découvertes intéressantes.
Les symptômes caractéristiques de la rosacée se manifestent principalement au niveau centrofacial, affectant en particulier le front, le nez, le menton et les joues. La classification en sous-types (rosacée érythémateuse télangiectasique, papulopustuleuse, phymatosique, oculaire) utilisée auparavant a été remplacée en 2017 par un diagnostic basé sur les phénotypes [1–3]. Dans une mise à jour publiée en 2020 dans le British Journal of Dermatology, le panel international compétent ROSCO (Rosazea COsensus) a confirmé l’adéquation de la nouvelle classification diagnostique [3]. Ce changement de classification repose sur la constatation que l’ancienne répartition en sous-types ne reflète pas suffisamment les manifestations observées dans la pratique, car dans la réalité, les symptômes se chevauchent souvent et les transitions sont fluides. Par conséquent, le traitement doit être axé en priorité sur les symptômes de la maladie. Les principaux symptômes comprennent des bouffées vasomotrices, un érythème persistant, des télangiectasies, des papules avec/sans pustules, des modifications phymatologiques de la peau et des manifestations oculaires [4] (tab. 1). Les sensations de brûlure, de picotements et de sécheresse de la peau ainsi que les œdèmes circonscrits ou diffus sont considérés comme des critères secondaires de diagnostic. L’objectif premier d’un traitement approprié de la rosacée est de soulager de manière significative ces manifestations cliniques et ces symptômes. En fonction de la gravité des symptômes, différentes substances actives peuvent être utilisées et combinées entre elles.
Prédisposition génétique et peptides antimicrobiens
Selon les connaissances actuelles, la rosacée est une maladie multifactorielle avec une prédisposition génétique. Il existe plusieurs résultats empiriques récents qui soutiennent cette thèse. Les études sur les jumeaux montrent qu’au moins 50% de la survenue de la maladie est due à un déterminisme génétique [5]. Les 50% restants sont liés à des facteurs environnementaux tels que les rayons UV, la température (chaleur extrême, froid), les aliments épicés, les boissons alcoolisées et l’exercice physique [5]. Une vaste étude d’association pangénomique portant sur les données de 22 952 personnes (2 618 patients atteints de rosacée et 20 334 témoins) a permis d’identifier deux polymorphismes mononucléotidiques (SNP) associés à la rosacée [6]. Du point de vue physiopathologique, il semble que des erreurs de régulation du système immunitaire inné et adaptatif, des mécanismes neuroinflammatoires, des rayons ultraviolets (UV), des réactions inflammatoires locales aux micro-organismes cutanés ainsi que des modifications de la régulation des vaisseaux sanguins et lymphatiques jouent un rôle [7]. Le système immunitaire inné sécrète des peptides antimicrobiens aux interfaces de l’organisme afin de se défendre de manière non spécifique contre les agents pathogènes [4]. La cathélicidine LL-37, présente chez l’homme, fait partie de ces peptides antimicrobiens et est produite par la peau. LL-37 joue un rôle central dans la pathogenèse de la rosacée et possède à la fois des propriétés antimicrobiennes, immunomodulatrices et angiogéniques. Chez les personnes atteintes de rosacée, un modèle spécifique et une concentration cutanée accrue de peptides de cathélicidine ont été mis en évidence, ce qui est dû à une production accrue de molécules précurseurs de la cathélicidine et à une expression et une activité accrues de la sérine protéase kallikréine 5 [8]. L’augmentation de la production de cathélicidine et de l’activité protéasique est induite à la fois par la voie de signalisation de la vitamine D, par le stress du RE (RE : Réticulum endoplasmique) et par le récepteur Toll-like 2 (TLR2). [4,9].
Mise à jour des recommandations de traitement
La classification diagnostique basée sur les phénotypes devrait permettre de mieux cibler le traitement et de faciliter les mesures de l’évolution du succès thérapeutique [10,11]. Il y a plus de 150 études en cours dans la base de données ClinicalTrials.gov [2,12]. Une mise à jour des recommandations fondées sur des preuves pour le traitement de première ligne a été publiée dans le cadre du projet ROSCO 2019 (tab. 2). A l’occasion de la réunion annuelle 2019 de l’EADV, le professeur Bernard Cribier, Strasbourg (F), a résumé certaines des conclusions qu’il juge les plus importantes [2] :
Cible 1 – vaisseaux (érythèmes, télangiectasies, bouffées vasomotrices) : Selon une revue Cochrane publiée en 2019, l’utilisation du Nd:YAG et de l’IPL peut entraîner une réduction des érythèmes et des télangiectasies [2,10]. En ce qui concerne le traitement topique, dans l’étude REVEAL [13], l’oxymétazoline 1x/d, un agent appartenant au groupe des sympathomimétiques, s’est avéré efficace et sûr pour réduire l’érythème dans le cadre de la rosacée modérée à sévère. 52 semaines après la ligne de base, plus d’un tiers des patients ont obtenu une amélioration d’au moins 2 niveaux à la fois sur l’échelle Clinician Erythema Assessment et sur l’échelle Subject Self Assessment, respectivement 3 et 6 heures après l’application. Il existe des données sur l’efficacité à long terme du carvédilol issues d’une petite étude dans laquelle un soulagement durable des bouffées vasomotrices faciales distinctes a été obtenu en utilisant 12,5 mg/j pendant 6 mois [14]. La toxine botulique a entraîné une réduction des érythèmes dans plusieurs études empiriques [2].
Cible 2 – Inflammation : Parmi les médicaments à action non spécifique, tant la doxycycline que l’ivermectine, le métronidazole et l’acide azélaïque ont montré une réduction des médiateurs du système immunitaire constitutif [2]. Les cibles thérapeutiques potentielles comprennent les récepteurs Toll-like, les mastocytes et l’enzyme kallicréine [15]. Ce dernier est un facteur clé impliqué dans la production de LL37 et de médiateurs pro-inflammatoires. Les récepteurs Toll-like jouent un rôle important dans l’activation du système immunitaire inné.
Cible 3 – Comonents neurovasculaires : Il s’agit d’interactions dérégulées entre les terminaisons nerveuses et les vaisseaux du derme supérieur et de l’épiderme. La caractéristique primaire la plus fréquente de toutes les formes de rosacée cutanée est un érythème transitoire ou persistant au niveau du visage. Érythème périlésionnel de papules ou de pustules basé sur une vasodilatation persistante et une extravasation plasmatique induite par des infiltrats inflammatoires. En revanche, les érythèmes transitoires sont caractérisés par une cinétique rapide indépendante des papules et des pustules. Parmi les traitements actuels de l’érythème facial, le gel topique de brimonidine 0,33%, un agent appartenant au groupe des agonistes sélectifs des récepteurs adrénergiques α2, a fait ses preuves [16].
Cible 4 – Demodex folliculorum : Des applications topiques d’ivermectine et de perméthrine ont montré des effets antiparasitaires. Dans une étude plus petite [17], un double effet anti-inflammatoire et antiparasitaire de l’ivermectine 1% appliquée localement s’est révélé efficace. Le traitement s’est déroulé sur une période de trois mois et a permis de réduire le nombre de demodex de plus de 95%. La dermoscopie s’est avérée utile à des fins de diagnostic et de suivi du traitement [18]. Il a été démontré qu’il existe une forte association entre la rosacée et la densité de la colonisation par Demodex, une relation indirecte étant suspectée [2]. L’utilisation de la doxycycline, du métronidazole et de l’acide azélaïque permet d’obtenir une amélioration de l’état clinique. 72 espèces différentes de Demodex ont été identifiées dans la rosacée [19].
Cible 5 – Microbiote en général : des études ont montré que le microbiome cutané varie généralement beaucoup d’un individu à l’autre et qu’une colonisation bactérienne spécifique peut persister pendant des mois ou des années. Le rôle de différentes souches bactériennes en tant que commensales ou micro-organismes pathogènes dans le cadre de la rosacée n’est pas encore totalement élucidé. Il est établi que le traitement antibiotique systémique (par ex. tétracyclines, macrolides, bêtalactamines) module la composition du microbiote [2,20].
Cible 6 – Barrière cutanée : il existe des preuves d’une augmentation de la perte d’eau transépidermique et d’une diminution de l’hydratation du stratum corneum [21]. Les modifications spécifiques de la barrière cutanée sont corrélées à la sévérité de la rosacée. Une détérioration de l’immunité constitutive altérée par la pathogenèse semble aller de pair avec une détérioration de la barrière cutanée. L’hydratation de la barrière cutanée est liée à l’activité inflammatoire et peut être influencée positivement par un traitement à la minocycline [22].
Cible 7 – glandes sébacées : un nombre élevé de glandes sébacées dans la peau est associé à l’expression de cellules stromales du thymus (TSLP) et de mécanismes de contrôle immunologique spécifiques, qui sont perturbés dans la rosacée. Un traitement par isotrétinoïne orale à faible dose s’est révélé significativement plus efficace que le placebo dans la rosacée papulopustuleuse (57,4% contre 10,4%, p<0,0001) [23]. C’est également la conclusion à ce sujet d’une revue Cochrane publiée en 2019 [10]. Il en ressort qu’une dose de 0,10 à 0,15 mg/kg/j d’isotrétinoïne est la plus efficace. Pour l’indication des rosacées oedémateuses (“maladie de Morbihan”), une faible dose d’isotrétinoïne de 0,5 mg/kg/j est la plus prometteuse et donne de bons résultats à long terme [2].
Cible 8 – Exposition aux UV, alcool et tabac : En ce qui concerne l’exposition aux rayons UV, on a constaté que le peptide de cathélicidine LL37, caractéristique de la rosacée, entraîne une sensibilité accrue aux rayons UVB. Cela reflète les interactions entre les rayons UV, les vaisseaux et le système immunitaire constitutif [24]. En ce qui concerne l’alcool, une augmentation dose-dépendante du risque d’incidence de la rosacée a été observée. [25]. En ce qui concerne le tabagisme en tant que facteur de risque potentiel, les données sont incohérentes [26].
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