Les examens radiologiques font partie de la pratique quotidienne des dermatologues. Ils servent à l’examen préliminaire pour les thérapies systémiques, à la recherche d’une participation systémique, au diagnostic de syndromes, à l’examen des causes et des complications et au suivi des tumeurs. Nous devons nous aventurer au-delà de la peau. Actuellement, nous ne sommes pas assez conscients de l’utilité de la radiographie conventionnelle, de l’IRM et du scanner pour détecter l’implication du système dans des maladies telles que la sarcoïdose pulmonaire en cas d’apparition d’une sarcoïdose cicatricielle, les malformations conduisant à la formation de clavi, les complications des ulcères et de l’immunosuppression, ainsi que pour établir un diagnostic dans les génodermatoses. Sans le médecin généraliste, l’orthopédiste et le radiologue, nous sommes aveugles d’un œil.
L’imagerie radiologique est le parent pauvre de la dermatologie et pourtant, elle est nécessaire presque tous les jours. Pourquoi avons-nous besoin de radiographies, d’IRM, de scanner et d’échographies ?
- pour le diagnostic ou l’exclusion d’infections et de tumeurs lors de l’utilisation d’immunosuppresseurs et de médicaments biologiques
- pour le suivi des tumeurs en cas de mélanome malin, de lymphome, de tumeur à cellules de Merkel, de carcinome spinocellulaire, de dermatofibrosarcome, etc. (exclusion des métastases et staging)
- pour la recherche d’une implication systémique/squelettique des maladies auto-immunes, de la sarcoïdose, du psoriasis, de la goutte
- pour la recherche d’une implication systémique/squelettique des maladies héréditaires
- pour la recherche d’une participation systémique/squelettique des MST, de l’arthrite réactive, de la maladie de Lyme, de la TbC
- en cas de complications et d’infections
- pour la recherche de modifications structurelles conduisant à des affections dermatologiques.
Immunosuppresseurs et produits biologiques (thérapies ciblées)
Commençons par les immunosuppresseurs et les produits biologiques, c’est-à-dire les thérapies dites ciblées [1]. Lors de l’examen préventif avant l’utilisation d’immunosuppresseurs et de produits biologiques dont les effets sur les maladies préexistantes ne sont pas totalement connus, une radiographie du thorax (clichés DV et latéraux) est effectuée. Il s’agit d’exclure les tumeurs, notamment le lymphome de Hodgkin, ainsi que la tuberculose (figure 1) [2].
Cela s’applique en particulier à l’utilisation du méthotrexate, du mycophénolate mofétil, de l’infliximab, de l’adalimumab, de l’étanercept, de l’ustékinumab, de l’aprémilast, du sécukinumab et de l’ixekizumab. L’exclusion d’un lymphome est également recommandée avant l’utilisation de la ciclosporine en cas de dermatite atopique très sévère et, de manière générale, dans les dermatites réfractaires avec atteinte du corps entier, en complément de la biopsie de la peau. Le tableau 1 donne des informations sur les autres indications de radiographie thoracique en dermatologie.
Pneumopathie interstitielle
La pneumopathie interstitielle survient chez des patients atteints d’une maladie dermatologique ou cliniquement immunologique :
- en cas de maladies auto-immunes : Sclérose systémique, dermatomyosite (fig. 2), lupus érythémateux disséminé, collagénoses mixtes, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Wegener (fig. 3)
- en cas d’infections atypiques : Chlamydia tr., Tbc, P. carinii
- en cas de sarcoïdose, de fibrose idiopathique, de silicose, de pneumonie d’hypersensibilité
- en cas de prise de médicaments : antibiotiques, chimiothérapie, amiodarone, statines.
Les modifications ne peuvent souvent pas être évaluées de manière concluante par une radiographie thoracique conventionnelle et peuvent correspondre à une pathologie fibrosante (sarcoïdose), à une alvéolite (par ex. syndrome de l’antisynthétase Jo-1) ou à une inflammation granulomateuse (par ex. maladie de Wegener). Ils peuvent être réticulaires ou en nappe (par exemple, le lupus érythémateux), de sorte qu’un scanner ou une IRM est nécessaire pour les différencier plus précisément (Fig. 2) [3].
Modifications radiologiques dans le lupus érythémateux
Il s’agit en premier lieu de rechercher une atteinte systémique : Sur la radiographie du thorax, nous recherchons une péricardite (Fig. 4), une atteinte pulmonaire (pleurésie, pneumopathie interstitielle inflammatoire et fibrotique, hémorragie alvéolaire, poumon atrophié, hypertension pulmonaire, bronchiolite) et des événements thromboemboliques.
Modifications radiologiques de la syphilis
Les modifications osseuses de la syphilis congénitale [4] concernent principalement les métaphyses des os longs avec une minéralisation réduite. Celles-ci conduisent alors également à la formation de la gaine du sabre tibial. La radiographie révèle des bandes claires métaphysaires, peut-être dues à une inflammation granulomateuse. La destruction lytique de la métaphyse tibiale proximale médiale (signe de Wimberger) est plus spécifique. On y trouve également un dessin de la métaphyse en forme de lame de scie (“sawtooth metaphyses”). La méso aortite/rétablissement aortique est la conséquence rare des infections/inflammations chroniques de la lue au stade III ; la radiographie thoracique conventionnelle n’est toutefois interprétable qu’après la réalisation d’une IRM pour l’aortite et d’un échogramme cardiaque pour un éventuel rétrécissement aortique. Nous atteignons ici les limites de la radiographie conventionnelle.
Radiographie des membres inférieurs
Dans ce cas, nous, dermatologues, sommes trop peu attentifs, trop tardifs ou nous ne sommes pas conscients des examens qui peuvent nous être utiles pour déterminer l’étiologie des troubles et détecter les complications (tab. 2) [5,6]. Prenons l’exemple d’un clavus. Si le médecin généraliste ou l’orthopédiste ne procède pas à un examen radiographique des pieds, nous ne trouverons pas la malformation sous-jacente des orteils, des pieds ou des structures osseuses excessives et la cause réelle ne sera pas corrigée. Les complications des clavias chroniques, éventuellement perforés (fig. 5) , doivent également être identifiées. Le tableau 3 fournit des informations sur les complications des clavicules et des ulcères perforés.
Radiographie du bassin
En particulier, les inflammations de l’articulation iléo-sacrée sont recherchées et examinées à l’aide de l’imagerie dite de Barsony (ISG en ligne). Il s’agit ici de maladies systémiques importantes et d’arthites réactives qui accompagnent par exemple l’érythème noueux, les maladies chroniques sexuellement transmissibles et les dermatoses. Le diagnostic différentiel entre la maladie de Reiter, la polyarthrite rhumatoïde, les arthrites réactives (par exemple en cas d’infection gastro-intestinale), l’arthrite psoriasique, le lupus érythémateux, la maladie de Behcet et le syndrome SAPHO conduit à une arthrite de l’articulation scaphoïde. Radiologiquement, on observe des usures et des scléroses ainsi qu’une ombre diffuse dans l’espace articulaire.
Des cornes iliaques sur le bassin sont observées dans le syndrome de la rotule cloutée et des lésions ressemblant à de la cire de bougie sont l’expression de l’ostéopoïétose dans le syndrome de Buschke-Ollendorf.
Radiologie pour les génodermatoses
Dans de nombreuses génodermatoses, les syndromes s’accompagnent de modifications du squelette parfois caractéristiques – celles-ci doivent donc être recherchées de manière ciblée ; dans certaines circonstances, des complications telles que des fractures pathologiques peuvent être évitées. La radiographie est essentielle pour le diagnostic (par exemple dans le cas du syndrome de Gorlin, du syndrome de Goltz, du syndrome de la rotule cloutée, du syndrome de Conradi-Hünermann).
Syndrome SAPHO
Le syndrome SAPHO (synovite, acné, pustulose, hyperostose et ostéite) [7] est un chevauchement de maladies psoriasiques et acnéiformes. Il est fortement activé par le système immunitaire inné (“inate”) avec des inflammations riches en neutrophiles, l’imagerie radiologique étant très importante. On observe parfois une hyperostose, une sclérose, une hypertrophie (surtout sterno-claviculaire) chez environ 80% des patients Atteinte segmentaire de la colonne vertébrale, surtout thoracique, chez environ 33% des patients Atteinte des os longs chez environ 30% des patients.
Le syndrome de Sonozaki
Le syndrome de Sonozaki est apparenté au psoriasis et présente également un chevauchement avec le syndrome SAPHO. Elle se caractérise par une palmoplantapustulose éruptive et une ostéoarthrite avec une atteinte fréquente de l’articulation sterno-claviculaire (figure 7).
Il s’agit d’un sous-groupe d’arthrite séronégative (comme l’arthrite psoriasique, la maladie de Reiter, la spondylarthrite ankylosante). On constate une augmentation de la baisse et de la leucocytose. Les anticorps sont négatifs, le HLA B27 est négatif, et un traitement fortement immunosuppresseur est souvent nécessaire. Sont décrits l’utilisation de : CyA MTX, stéroïdes, colchicines, sulfasalazines et AINS.
Remerciements : Thomas Kluckert, Radiologie Kantonsspital St. Gallen, pour sa relecture critique et la transmission d’informations importantes pour un médecin non spécialiste.
Dr. med. Johannes von Kempis et Dr. med. Rüdiger Müller, rhumatologie KS St. Gallen, pour leur collaboration avec les patients rhumatologues-dermatologues.
Littérature :
- Kolios AGA, Yawalkar N, Anliker M, et al : Swiss S1 Guidelines on the Systemic Treatment of Psoriasis Vulgaris. Dermatology 2016, June 21. doi:10.1159/000445681. [Epub ahead of print]
- Cantini F, et al : Guidance for the management of patients with latent tuberculosis infection requiring biologic therapy in rheumatology and dermatology clinical practice. Autoimmun Rev 2015 Jun ; 14(6) : 503-509.
- Ohno Y, et al : Imagerie de pointe du poumon pour la maladie des tissus connectés (CTD). Curr Rheumatol Rep 2015 Dec ; 17(12) : 69.
- Barbin CM, et al : Caractéristiques tomodensitométriques et morphologiques de la syphilis de l’aorte. Am J Cardiol 2015 Oct 15 ; 116(8) : 1311-1314.
- Williamson D, Sibbald RG : Ostéomyélite multifocale chronique récurrente : une association rare avec le pyoderma gangrenosum chez l’adulte. Br J Dermatol 2002 Sep ; 147(3) : 611-613.
- Bonchak JG, et al : Calciphylaxis : a case series and the role of radiology in diagnosis. Int J Dermatol 2016 May ; 55(5) : e275-e279.
- Li C, et al : Synovitis, acne, pustulosis, hyperostosis and osteitis syndrome : a single centre study of a cohort of 164 patients. Rheumatology 2016 Jun ; 55(6) : 1023-1030.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(4) : 18-21