Les dermatoses de la région génitale ne sont pas toujours de nature infectieuse. Il est important de distinguer les dermatoses inflammatoires des lésions malignes (par exemple, l’érythroplasie comme manifestation de la maladie de Bowen). Les eczémas de contact d’origine irritative et allergique sont relativement fréquents dans la région génitale. On trouve également des eczémas atopiques et séborrhéiques. La présence de stries blanches réticulées (Wickham) et de zones marginales gris-brun lividien permet de poser le diagnostic de lichen ruber vulvaire. Les papules hypertrophiques doivent être distinguées des condylomes ou des lésions malignes. Sur le gland, le lichen ruber peut également se manifester par un dessin réticulé blanchâtre, des papules polygonales, voire des plaques anulaires. La desquamation typique peut souvent être absente dans le psoriasis génital. Les médicaments fréquemment responsables de l’exanthème médicamenteux fixe sont le cotrimoxazole, les AINS, les tétracyclines et les barbituriques. Les signes typiques du lichen scléreux sont des hémorragies dans les zones sclérosées, parfois accompagnées de bulles hémorragiques. Dans le cas de la balanite/vulvite plasmacellulaire de Zoon, on observe typiquement des érythèmes mouchetés, de couleur rouge orangé.
Les changements inflammatoires dans la région génitale ne sont pas nécessairement causés par une infection, qu’elle soit transmise sexuellement ou non. Près de 50% des baloposthites et une proportion encore plus importante de vulvovaginites sont d’origine non infectieuse. En principe, toutes les dermatoses peuvent également se manifester dans la région génitale. Dans cet article, nous nous limiterons donc aux diagnostics les plus courants et les plus importants. Le spectre s’étend des dermatoses inflammatoires aux lésions malignes (tableau 1).
Eczéma
Dans la région génitale, les eczémas de contact irritatifs et allergiques sont particulièrement importants. En outre, l’eczéma atopique et l’eczéma séborrhéique peuvent également être observés dans la région génitale. La morphologie typique de l’eczéma peut ne pas être visible en raison de l’absence de desquamation. On observe souvent des érythèmes prurigineux uniformes (Fig. 1), parfois des œdèmes. Une lichénification et des excoriations peuvent se produire dans la région des grandes lèvres. L’atopie doit être recherchée dans l’anamnèse et par prick-test. Une anamnèse détaillée concernant d’éventuelles irritations mécaniques (par ex. rapports sexuels/ masturbation prolongés et répétés) est également importante, tout comme la recherche de toxines de contact, en incluant le traitement précédent. Les préservatifs (latex, accélérateurs en caoutchouc) et leurs revêtements (spermicides, parfums, anesthésiques locaux) ainsi que les lubrifiants sont les sources d’allergènes les plus courantes. Les patients cachent souvent, par pudeur, les produits de soins génitaux, les lubrifiants ou d’autres moyens auxiliaires, c’est pourquoi le sujet doit être abordé de manière ciblée.
L’ammoniac dans l’urine a un effet irritant et peut donc provoquer un eczéma irritatif en cas de contact fréquent et prolongé avec la peau, c’est pourquoi il faut également demander s’il y a des problèmes d’incontinence.
Outre l’élimination des facteurs causaux dans la mesure du possible, un nettoyage doux, des soins relipidants et éventuellement des stéroïdes topiques peuvent être utilisés comme traitement. Il faut savoir que les bases de crème sont plus susceptibles d’être perçues comme des brûlures que les pommades au niveau des muqueuses. De même, les bases de crème contiennent davantage de conservateurs, ce qui peut entraîner une irritation ou une allergie de contact secondaire.
Les patients doivent toujours être amenés à un équilibre thérapeutique en ce qui concerne leurs habitudes d’hygiène, en évitant le manque de nettoyage ainsi que les soins excessifs avec l’utilisation fréquente de détergents irritants. Ceci est particulièrement important si des traitements préalables ont déjà eu lieu. Des traitements inadaptés ou trop intensifs, souvent accompagnés d’un changement rapide des préparations en cas d’absence de réponse, peuvent entraîner la perpétuation de l’eczéma, ce qui peut nécessiter une pause temporaire de tout traitement dans ces situations.
Lichen ruber
L’éventail des symptômes du lichen rugueux vulvaire, qui va des démangeaisons et des brûlures avec écoulement à l’absence de symptômes subjectifs, est aussi varié que la clinique. Les changements érosifs sont les plus fréquents. Des stries blanches réticulées (Wickham) et des bords livides-gris-bruns sont des indices de diagnostic (fig. 2). Les papules hypertrophiques, plus rares, sont plus difficiles à distinguer des condylomes ou des lésions malignes. Si le reste du tégument ne présente pas de signes cliniques clairs avec des papules polygonales, des modifications des ongles ou une implication de la muqueuse buccale, une biopsie doit être discutée pour confirmer le diagnostic.
Chez l’homme, le lichen ruber peut également se manifester sur le gland du pénis par un dessin réticulé blanchâtre, des papules polygonales, mais souvent aussi par des plaques anulaires (fig. 3) . Le traitement dépend du tableau général, les lésions de la région génitale pouvant être traitées en premier lieu par des stéroïdes topiques très puissants.
Psoriasis
Les plaques psoriasiques peuvent être observées dans la région génitale comme sur le reste de la peau, mais la desquamation typique est souvent absente (Fig. 4). Les limites nettes des foyers, leur répartition symétrique, l’implication de la rima ani et bien sûr les modifications psoriasiques du reste du tégument peuvent être des indices. La macération et les fissures peuvent entraîner des démangeaisons, des brûlures et des douleurs. Le psoriasis génital entraîne une détérioration de la qualité de vie, notamment en ce qui concerne la sexualité.
Les options thérapeutiques comprennent les stéroïdes topiques, les analogues de la vitamine D et les inhibiteurs de la calcineurine. L’irritation doit être évitée.
Exanthème médicamenteux fixe
Les médicaments systémiques peuvent typiquement entraîner dans la région génitale un tableau d’exanthème médicamenteux fixe avec des macules livide, des bulles ou des érosions (Fig. 5). Les médicaments les plus fréquemment en cause sont le cotrimoxazole, les AINS, les tétracyclines et les barbituriques.
Lichen scléreux
Dans le cas du lichen scléreux, la pathogenèse n’est pas claire, des facteurs auto-immuns peuvent jouer un rôle. Les symptômes subjectifs comprennent les démangeaisons et la dyspareunie. Les modifications de la peau sont une coloration blanchâtre et une sclérose. Un signe clinique typique est la présence d’hémorragies dans les zones sclérosées (fig. 6), parfois accompagnées de bulles hémorragiques. Il peut y avoir un phimosis ou des strictures qui nécessitent une intervention chirurgicale.
Sur le plan thérapeutique, on utilise en premier lieu des stéroïdes locaux à haute puissance. Le lichen scléreux étant une maladie précancéreuse facultative, il convient de procéder à un suivi régulier en vue du développement d’un carcinome épidermoïde. Les patients doivent être informés de la nécessité de consulter leur médecin en cas d’apparition de nodules kératosiques, car une biopsie devrait alors être effectuée.
Balanite/Vulvite plasmacellulaire Zoon
La balanitis chronica circumscripta plasmacellularis benigna a été décrite pour la première fois par Zoon en 1952. Cliniquement, on observe des érythèmes mouchetés, de couleur rouge orangé (“poivre de Cayenne”) (figure 7). Le terme de “balanite zoon” détourne l’attention du fait que des modifications similaires peuvent également être observées sur la vulve, les muqueuses du nez et de la gorge. Le terme de mucosite/dermatite lymphoplasmocytaire idiopathique a également été proposé pour désigner ces modifications de type zoonotique.
L’infiltrat de plasmocytes correspond à l’hypothèse d’une origine irritative. C’est la raison pour laquelle les traitements sont en premier lieu désinfectants et séchants. Les stéroïdes topiques et les inhibiteurs de calcineurine peuvent être envisagés en cas de persistance.
Modifications malignes
L’érythroplasie, manifestation de la maladie de Bowen (Fig. 8) au niveau du gland, peut poser un problème de diagnostic lorsqu’il s’agit de la distinguer des modifications inflammatoires. On parle également de néoplasie intraépithéliale pénienne (NIP), par analogie avec les lésions vulvaires correspondantes chez la femme (néoplasie intraépithéliale vulvaire, NIV). Les résultats persistants doivent donc être biopsiés afin de pouvoir détecter les processus (pré)malins. L’érythroplasie de Queyrat se caractérise par des zones rouges, veloutées et bien délimitées. Des plaques blanchâtres, des kératoses et des indurations indiquent une possible transition vers un carcinome spinocellulaire. La papulose bowenoïde (fig. 9) se caractérise par des papules brunâtres qui doivent plutôt être distinguées des condylomes acuminés. Selon l’étendue des lésions, le traitement des lésions prémalignes peut inclure le 5-fluorouracil 5% crème, l’imiquimod 5% crème, la cryothérapie, la thérapie photodynamique, l’ablation par LASER, la radiothérapie et l’excision.
Remerciements : Dr. med. Christian Greis, Dermatologische Ambulatorium STZ, pour son aide à l’illustration de l’article.
Littérature complémentaire :
- Andreassi L, Bilenchi R : Lions génitaux inflammatoires non infectieux. Clin Dermatol 2014 ; 32 : 307-314.
- Edwards SK, et al : 2014 UK national guideline on the management of vulval conditions. Int J STD AIDS 2015 ; 26 : 611-624.
- O’Connell TX, et al : Non-neoplastic epithelial disorders of the vulva. Am Fam Physician 2008 ; 77 : 321-326.
- Borelli S, Lautenschlager S : Diagnostic différentiel et prise en charge de la balanite. Dermatologue 2015 ; 66 : 6-11.
- Edwards S, et al. : 2013 European guideline for the management of balanoposthitis.Int J STD AIDS 2014 ; 25 : 615-626.
- Fistarol SK, Itin PH : Diagnostic et traitement du lichen scléreux. Une mise à jour. Am J Clin Dermatol 2013 ; 14 : 27-47.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2015 ; 25(4) : 15-18