Un simple coup d’œil à l’anatomie de l’aine suffit à expliquer la complexité de cette partie du corps – véritable carrefour de systèmes très divers – et aussi à évaluer la multitude de diagnostics différentiels à prendre en compte en cas de douleur inguinale. Nous allons maintenant aborder plus en détail les pathologies possibles.
Cette diversité de diagnostics et de diagnostics différentiels (tableau 1) explique aussi pourquoi les douleurs inguinales sont assez fréquentes dans une consultation orientée vers la médecine sportive. Dans nos statistiques de diagnostics jamais publiées, réalisées sur plus de huit ans et portant sur 5240 diagnostics, la “pubalgie” était présente en moyenne dans 5% de tous les cas.
Comme c’est souvent le cas en médecine, le principe est simple : “Ce qui est fréquent est fréquent – et ce qui est rare est rare”. Partant de ce fait banal, il est clair que certaines pathologies sont plus susceptibles d’apparaître que d’autres. Sur la base d’un grand nombre d’échantillons homogènes (sexe, âge, sport), il apparaît qu’environ 50% des pubalgies sont de véritables pubalgies atlétiques, environ 20% des affections de la hanche, principalement le syndrome d’impingement fémoro-acétabulaire, environ 5% des problèmes urogénitaux, et environ 10% des déchirures musculaires du muscle grand fémur ou des déchirures de l’épine iliaque antérieure.
Un diagnostic précis est un défi, mais il est fortement recommandé.
Pour le médecin qui consulte pour la première fois, c’est un défi passionnant que d’établir un diagnostic de cette pathologie complexe. Une anamnèse minutieuse permet de distinguer une douleur d’apparence aiguë, comme dans le cas d’une élongation (déchirure musculaire) dans la région des adducteurs, d’un trouble d’apparition plus insidieuse. Il faut également s’enquérir des douleurs liées à la toux, aux éternuements, à la miction ou aux rapports sexuels, ainsi que des irradiations. L’examen clinique reste cependant l’étape la plus importante dans la recherche de la cause des douleurs inguinales. En position debout de face, on évalue l’horizontalité du bassin (et de la ceinture scapulaire), la morphologie des membres inférieurs, la position des orteils et des talons des deux côtés, les orifices herniaires ainsi que, de côté, la bascule du bassin, la lordose, l’écartement des doigts par rapport au sol et, de nouveau de dos, l’horizontalité de la ceinture pelvienne, les ISG, le signe de Trendelenburg et la mobilité du dos dans toutes les directions.
Assis au bord du lit, on effectue ce que l’on appelle le testing musculaire à la recherche de “raccourcissements” et d’affaiblissements, puis, en décubitus dorsal, le Lasègue, les réflexes, la force et la sensibilité.
On aborde ensuite le problème par un examen précis des hanches, des muscles abdominaux, des adducteurs, du muscle iliopsoas et de la symphyse. Les muscles attachés au bassin doivent être testés avec des tests de force contre résistance. Cet examen assez détaillé peut être facilement réalisé en six à sept minutes. Elle devrait déjà permettre de préciser quelque peu le diagnostic et de préparer le choix de mesures objectives complémentaires telles que l’échographie, la radiographie ou l’IRM.
Sans un diagnostic précis, toute tentative de traitement doit rester purement symptomatique plutôt que causale. En raison de sa complexité, il n’est toutefois pas surprenant que le spectre thérapeutique de la douleur inguinale – l’un des diagnostics “fourre-tout” les plus fréquents en médecine du sport – se limite trop souvent à l’infiltration antalgique. Comme les structures concernées se trouvent dans un espace relativement restreint, l’injection d’une dose suffisamment élevée permet parfois de faire mouche sur le plan thérapeutique, même sans diagnostic. Mais seulement de temps en temps !
Diagnostics possibles
FAI : Dans la suite de cet article, nous souhaitons décrire trois diagnostics de manière un peu plus détaillée. Premièrement, ce qu’on appelle le syndrome d’impingement fémoro-acétabulaire (FAI) – notamment parce que le FAI a été présenté pour la première fois sous sa forme actuelle à Berne il y a environ 13 ans. Il s’agit d’un conflit entre le fémur, plus précisément la tête du fémur, et la cavité pelvienne, qui se manifeste souvent sous la forme de douleurs inguinales. Il n’est pas rare que les patients présentant cette altération soient traités plus longtemps avec le diagnostic de “distension des adducteurs”. Le mécanisme de la pathologie repose sur une variante morphologique avec soit une tête de hanche asphérique (forme CAM), soit un bord du cotyle trop proéminent (forme PINCER). Ces modifications anatomiques structurelles entraînent des chocs douloureux précoces entre la tête et le cotyle et des phénomènes de “coincement” (impingement) en cas d’utilisation intensive de l’articulation de la hanche. Il n’est donc pas surprenant que cette pathologie, qui endommage la lèvre articulaire et le cartilage de l’articulation de la hanche, soit fréquente chez les jeunes et les sportifs. Le hockey sur glace semble particulièrement touché.
Un diagnostic de forte présomption peut être posé cliniquement : Une rotation interne limitée douloureuse en flexion et une reproduction des douleurs inguinales lors des deux tests de provocation FADIR (flexion-adduction-rotation interne) et FABER (flexion-abduction-rotation externe) sont hautement suspectes d’une FAI. Le diagnostic final est établi par radiographie, mais surtout par l’arthro-IRM. Le traitement commence souvent de manière conservatrice par une physiothérapie active, qui vise à trouver un équilibre musculaire optimal autour de la hanche ainsi qu’un meilleur contrôle dynamique du membre inférieur. On essaie également d’éduquer le patient à mieux maîtriser l’amplitude de ses mouvements de hanche. Une pause dans la compétition est presque inévitable.
Il est généralement admis qu’en cas de persistance des symptômes après deux mois de mesures conservatrices, le chirurgien doit être consulté. Alors que la FAI était autrefois exclusivement abordée par une chirurgie ouverte – qui représente toujours le gold standard – l’arthroscopie de la hanche, qui donne des résultats corrects, s’est aujourd’hui également établie. Cette intervention est toutefois réservée aux spécialistes.
Il est important de connaître ce syndrome et de le diagnostiquer précocement, car il est clairement prouvé que le FAI ouvre la porte à la coxarthrose.
Hernie du sportif : Le deuxième aspect clinique que nous avons choisi est ce que l’on appelle la hernie du sportif, un terme assez répandu dans les pays germanophones. Si un jeune patient sportif se plaint d’un canal inguinal douloureux à la pression, d’un tubercule pubien douloureux à la pression et d’adducteurs de hanche sensibles à la pression, et qu’il présente en outre un anneau inguinal externe élargi (avec irradiation des douleurs dans le périnée, la région génitale et la cuisse médiale), il faut penser à la hernie du sportif.
Les principaux symptômes sont la sensibilité dans la région du pubis et la paroi postérieure douloureuse et palpable du canal inguinal. Ces troubles sont aggravés par les efforts soudains, la toux, les éternuements, l’activité sexuelle, les exercices musculaires tels que les abdos ou l’entraînement des adducteurs. L’ensemble du problème s’explique par une faiblesse circonscrite dans la partie médiale de la paroi postérieure du canal inguinal, ce qui entraîne une saillie localisée du fascia transversal dans le canal inguinal. De leur côté, ces modifications entraînent des compressions du ramus génitalis du nerf génito-fémoral lors de contractions des muscles de la paroi abdominale ou de mouvements brusques (sport), ce qui explique bien l’irradiation des douleurs. De plus, il y a des rétractions du muscle grand droit de l’abdomen avec des douleurs au niveau du pubis. Si l’affaire semble claire, la querelle entre les experts du domaine n’est pas terminée !
Le diagnostic repose sur la clinique, c’est-à-dire également sur l’expérience de l’examinateur, et sur l’échographie. Le traitement est très souvent chirurgical avec stabilisation de la paroi postérieure du canal inguinal, souvent complété par une neurolyse du nerf comprimé. Dans une grande série contrôlée, la disparition des symptômes a été obtenue dans les 14 jours chez 80% des sportifs.
Ostéite pubienne : L’ostéite pubienne serait une autre idée de diagnostic différentiel. Sans pouvoir entrer dans les détails, il convient d’y penser et, le cas échéant, d’attirer l’attention sur cet objectif lors de la commande de l’IRM. La réaction osseuse au stress est facilement identifiable par un œdème de la moelle osseuse, généralement bilatéral, dans la région de la symphyse et des branches du pubis.
Conclusion
Traiter la douleur inguinale du sportif est sans aucun doute une tâche difficile pour tout médecin – mais aussi très intéressante. La meilleure façon de la résoudre est de travailler en équipe, en fait une chose très “sportive”.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(8) : 4-5