Rapport de cas : Une fillette de 6 11/12 ans s’est présentée à notre consultation avec des verrues vulgaires prononcées sur les mains et les pieds. Les verrues étaient présentes depuis >3 mois et n’avaient pas réagi aux traitements externes disponibles dans le commerce. La fillette était jusqu’à présent en bonne santé, à l’exception de petits furoncles récurrents. Les autres infections n’étaient pas plus fréquentes. Antécédents familiaux discrets, à l’exception de verrues chez une cousine au second degré du côté maternel.
Tableau clinique : palmaire et plantaire bds. a révélé un total d’environ 20 papules et plaques blanchâtres et rugueuses, ainsi que des hyperkératoses étendues (fig. 1 et 2). Une pustule jaunâtre de 0,5 cm sur fond rouge était visible sur la jambe droite et sur le genou droit.
Quiz
Quelle mesure recommandez-vous ?
A Pansements kératolytiques et ablation mécanique répétée des verrues
B Transfert vers l’immunologie
C Thérapie orale au zinc et naturopathes
DThérapie laser au CO2 sous anesthésie
Diagnostic et discussion : en plus de la réponse correcte A avec des mesures kératolytiques locales, la réponse correcte est également B : référer au service d’immunologie. En cas de lits de verrues étendus ou de grandes verrues remarquablement hyperkératosiques et d’infections récurrentes des tissus mous, il convient de penser à un éventuel déficit immunitaire et de recueillir des antécédents infectieux étendus.
Notre patiente présentait une discrète neutropénie et une anémie. De plus, les IgG étaient légèrement diminuées et le typage des lymphocytes montrait une nette diminution des cellules B et NK ainsi qu’une baisse des monocytes. Il y avait donc une forte suspicion de déficit immunitaire sous-jacent (déficit GATA2 ou syndrome WHIM (verrue-hypogammaglobulinémie-déficit immunitaire-syndrome de myélocathexis)). Un diagnostic génétique approprié a été mis en place. La suspicion d’un défaut GATA2 a été confirmée.
Il s’agit d’un déficit immunitaire primaire qui se traduit en laboratoire par une monocytopénie, une lymphocytopénie avec déficit en cellules NK et T CD4. On observe une augmentation des infections virales, notamment des verrues virales cutanées, qui apparaissent généralement à l’adolescence et constituent souvent le premier symptôme de la maladie. Le passage à un syndrome myélodysplasique ou à une leucémie myéloïde aiguë est possible [1]. Les verrues vulgaires plantaires sont généralement très fréquentes chez les enfants. Toutefois, en cas de présentation clinique inhabituelle avec des verrues anormalement grandes et multiples et, le cas échéant, des antécédents de susceptibilité accrue aux infections et/ou de dysrégulation immunitaire, il convient de penser à une éventuelle immunodéficience congénitale. Les mutations dans EVER1, EVER2, GATA2, CXCR4 et DOCK8 sont typiquement associées à des infections HPV extensives [1].
Le traitement des verrues palmoplantaires est souvent long et représente un défi, en particulier chez les enfants immunodéprimés. D’après notre expérience, l’utilisation d’un traitement immunomodulateur à base de diphénylcyclopropénone (DCP) a généralement de bonnes chances de succès chez les enfants présentant des verrues “difficiles”/multiples. Il s’agit d’un allergène de contact obligatoire qui provoque un eczéma de contact après application. L’avantage pour les enfants réside surtout dans le fait que le traitement est simple et indolore, une fois par semaine seulement. De plus, la thérapie semble particulièrement bien répondre aux enfants. Dans une étude récente publiée avec un plan de traitement similaire à celui de notre service, une rémission clinique complète des verrues a été observée chez 83% des patients, même un an après la fin du traitement [2]. Il est postulé que la réaction immunitaire provoquée pourrait développer une immunité spécifique contre les virus HPV et empêcher ainsi une nouvelle infection par ces derniers [3].
Notre schéma de traitement par DCP : tout d’abord, les verrues sont éliminées par curetage après application d’un patch contenant du salicyl (par exemple Guttaplast®). Après une sensibilisation unique du patient au DCP Duofilm 0,5% sur les verrues elles-mêmes, une application hebdomadaire de DCP Duofilm 0,05% (occlusivement sous film Opsite, protection contre la lumière par pansement/bandage) est effectuée sur les verrues. Si nécessaire, le curetage est également répété chaque semaine afin d’améliorer la pénétration du DCP au niveau de la verrue. Le traitement peut être effectué au domicile de parents compétents ou avec l’aide d’un personnel soignant. Si aucun effet suffisant ou aucune réponse inflammatoire n’est observé après 4 à 6 semaines, une augmentation de la dose à DCP 0,1% ou 0,5% peut être tentée. DCP Duofilm est disponible à la pharmacie cantonale de Zurich et est également fabriqué sur commande par d’autres pharmacies.
Chez notre patiente, nous avons observé, après seulement deux mois de traitement par Guttaplast® et DCP, une très bonne réponse et, après quatre mois, une guérison complète des verrues sans récidive (Fig. 3). Malgré une évolution globalement favorable jusqu’à présent en ce qui concerne les infections, la jeune fille a contracté quelques mois plus tard une varicelle potentiellement mortelle, avec une pneumonie varicelleuse et un syndrome d’activation macrophagique secondaire, nécessitant une hospitalisation de plusieurs semaines.
Littérature :
- Leiding JW, Holland SM, Warts, et al : Papillomavirus humain dans les immunodéficiences primaires. J Allergy Clin Immunol. 2012 Nov ; 130(5) : 1030-48.
- Suh DW, Lew BL, Sim WY : Investigations sur l’efficacité de l’immunothérapie par diphénylcyclopropénone pour le traitement des verrues. Int J Dermatol. 2014 Dec ; 53(12) : e567-71.
- Choi MH, Seo SH, Kim IH, Son SW : Étude comparative sur l’efficacité durable de l’immunothérapie par diphéncyprone contre la cryothérapie dans les guerres virales. Dermatologie pédiatrique. 2008 May-Jun ; 25(3) : 398-9.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2017 ; 27(1) : 34-35