Les voyages s’accompagnent souvent de problèmes de peau qui peuvent constituer un défi diagnostique dans le cabinet du médecin généraliste. Les voyages sous les tropiques, en particulier, sont souvent l’occasion de rapporter des affections dermatologiques, car la peau y est exposée pendant de longues périodes en raison du climat chaud et entre en contact avec divers envahisseurs. Cet article donne un aperçu de quelques pathologies importantes qui peuvent être causées par le soleil, des parasites, des animaux, des bactéries, des champignons, des virus et des toxines.
Le tableau 1 présente un aperçu des différentes maladies de la peau importées. Elle provient de 50 000 patients en voyage dans 31 centres et montre que l’un des motifs de consultation les plus fréquents était un exanthème d’étiologie indéterminée (parfois associé à un prurit et/ou une urticaire). Comment peut-on donc établir un diagnostic et quelles sont les modifications dermatologiques à connaître dans ce domaine ? Une liste de contrôle pratique est donnée ci-dessous.
fièvre/exanthème
La dengue, qui est principalement transmise par les moustiques pendant la journée, représente 45% des maladies exanthématiques fébriles. La maladie se manifeste après une incubation de deux à huit jours par de la fièvre, un malaise, des céphalées rétrobulbaires et de fortes douleurs musculo-squelettiques. Un exanthème morbilliforme fin est observé sur le tronc et le visage au cours des deux premiers jours. Il s’intensifie au cours des trois à six jours suivants, puis desquame. Le diagnostic peut être établi à l’aide des IgM de la dengue.
Le diagnostic différentiel entre l’exanthème et la fièvre peut être établi en fonction du temps écoulé depuis le retour. (tableau 2). Étant donné que plusieurs des diagnostics envisagés peuvent être mortels (par exemple, méningite, fièvre hémorragique virale et gonorrhée disséminée), les tests de diagnostic doivent être effectués sans délai et les cas non spécifiques doivent être traités rapidement par des médecins formés à la médecine tropicale. Ainsi, les maladies dangereuses telles que le paludisme sont moins souvent manquées.
Dermatoses liées au soleil
La dermatite solaire, communément appelée coup de soleil, est l’affection cutanée la plus fréquente lors des voyages sous les tropiques. Le risque est particulièrement élevé au cours des premiers jours de vacances et l’exposition directe au soleil (en particulier à midi) doit être évitée dans tous les cas. Même les produits de protection solaire actuels ne peuvent pas, dans de nombreux cas, empêcher les coups de soleil, mais seulement les retarder. Les textiles avec protection UV intégrée sont plus efficaces. Pour les jeunes enfants, les mesures de protection solaire (séjour à l’ombre, écran solaire, éventuellement textiles anti-UV) doivent être très strictement respectées.
Il est également fréquent d’observer ce que l’on appelle la photodermatose polymorphe. Elle survient principalement lors d’une première exposition soudaine à de fortes quantités d’UV et peut se manifester de manière très variable par diverses efflorescences, mais est généralement relativement monomorphe chez un patient donné. La prévention est possible dans certaines circonstances par un “hardening” préalable en photothérapie UVA/UVB (proposé par les dermatologues).
Infections de la peau
Les infections bactériennes de la peau (principalement les piqûres d’insectes, qui peuvent être surinfectées par le grattage et la flore mixte présente) font partie des maladies du riz les plus courantes. Des complications telles que l’ecthyma (ulcères plats et purulents qui ressemblent à des poinçons) sont parfois observées, Fig. 1) possible.
En principe, toute ulcération survenant après un séjour sous les tropiques doit donc faire penser à une infection bactérienne (mixte) comme facteur déclenchant (des prélèvements bactériologiques sont obligatoires et une protection antibiotique est souvent indiquée à un stade précoce). Si elles ne sont pas traitées et détectées, ces infections peuvent provoquer des ulcérations étendues et une destruction locale des tissus, avec parfois une évolution fulminante. De même, on observe souvent une impétiginisation de dermatoses préexistantes. Il est donc essentiel de désinfecter systématiquement. L’impétigo sous les tropiques est très souvent bulleux et plutôt rarement de type croûte de miel comme en Suisse.
Les infections fongiques sont plus fréquentes sous les tropiques que dans nos pays, en raison du climat chaud et humide. Les mycoses, qui se développent par exemple dans la zone intertrigineuse, sont principalement causées par des dermatophytes sous nos latitudes, mais dans les régions tropicales, les levures et les moisissures sont souvent également responsables. Une culture mycologique devrait donc toujours être effectuée. Ce n’est qu’ainsi qu’un traitement antifongique ciblé et spécifique à l’agent pathogène peut être mis en place. Dans ces pays, les infections fongiques sont également présentes dans les couches profondes de la peau (par ex. mycétome, chromoblastomycose). Par rapport à la population locale, ces infections sont rares (en raison des conditions d’hygiène généralement meilleures et de la durée de séjour plus courte des touristes). Néanmoins, en cas de tumeurs cutanées partiellement exophytiques non expliquées, il convient de penser à cette cause mycologique et de réaliser des cultures et des biopsies tissulaires appropriées.
La leishmaniose cutanée (figure 2) se manifeste par des ulcérations ou des lésions papuleuses, parfois multiples, en particulier sur les extrémités ou le visage. En cas d’ulcère non cicatrisé après un séjour sous les tropiques , il faut penser à une leishmaniose en plus des causes bactériennes. La biopsie et le diagnostic par PCR consolident le diagnostic. De nombreux foyers de leishmaniose guérissent spontanément, mais en raison de la formation possible de cicatrices, un traitement (en concertation avec un médecin spécialisé en médecine tropicale) est généralement recommandé.
Le diagnostic de lèpre (forme paucibacillaire), bien que très rare chez nous, doit néanmoins être envisagé chez les patients ayant séjourné longtemps sous les tropiques, en cas de zones hyperpigmentées avec hypoesthésie. Le diagnostic peut être réalisé par histologie (y compris coloration de Ziehl-Nehlsen ou de Fite-Faraco) et PCR.
Epizooties
Après un contact physique étroit avec la population locale, la scabiose (acarien de la gale) peut apparaître chez les rapatriés. Celle-ci est quasiment endémique dans de nombreux pays de destination, en particulier au sein de la population rurale. Les lésions cutanées de la scabiose se développent trois à quatre semaines après un contact physique avec une personne souffrant déjà de scabiose. Les signes évocateurs sont des lésions papuleuses et très prurigineuses, en particulier au niveau des organes génitaux et des espaces interdigitaux. Le diagnostic est confirmé par le grattage de la galerie remplie d’encre sur une lame de microscope et par l’observation microscopique des œufs et des acariens. Les jeunes enfants font souvent l’expérience d’une atteinte palmo-plantaire. Il faut donc penser à la scabiose dans cette tranche d’âge, en particulier en cas de pustules dans cette zone.
L’homme est en fait un mauvais hôte de la larva migrans, qui est causée par des larves de parasites. Les larves de vers déposées dans le sable ou le sol pénètrent à travers la peau. Les lésions cutanées serbigineuses, parfois pustuleuses, sont donc surtout présentes au niveau plantaire et après des voyages dans la mer (pieds nus). En principe, la larva migrans guérit spontanément en quelques jours ou semaines, mais elle peut être accélérée par des médicaments.
Le tungiasis est également localisé aux pieds sous forme de lésions cutanées ressemblant à des verrues avec une ouverture centrale. Elle est due à l’enfouissement de la tunga entre les orteils (ponte) et peut être causée par une surinfection ou une infection. secondaire d’eczéma peut entraîner des complications. Il est indispensable d’écaler les œufs de manière stérile.
Dans le cas de la myiase, la peau ou les plaies ouvertes sont envahies par des larves de mouches. Les changements sont furonculoïdes, les larves étant généralement visibles et perceptibles. Après un ou deux jours, les larves apparaissent à la surface, à condition qu’une occlusion avec de l’huile soit effectuée. Les larves doivent ensuite être extraites et préservées dans l’alcool pour analyse.
Morsures, piqûres et poison
Sans prophylaxie antibiotique, les morsures de chien s’infectent dans environ 2% des cas. En cas de morsure de chat ou d’homme, le risque est nettement plus élevé (dans 15 à 16% des cas). Il est indispensable de clarifier le statut vaccinal contre le tétanos et la possibilité d’une exposition à la rage, ce qui doit entraîner une revaccination avec vaccination passive et active.
Les tropiques abritent beaucoup plus d’ animaux venimeux que les latitudes plus septentrionales. De tels contacts sont possibles aussi bien dans l’eau que sur la terre ferme. Dans l’eau, les méduses en particulier provoquent des lésions cutanées souvent très douloureuses (urticariennes, vésiculaires ou même nécrotico-toxiques, selon le type de source). Certaines espèces de méduses, telles que les méduses cubiques (Chironex), peuvent provoquer des réactions potentiellement mortelles en raison de leurs toxines. Les piqûres de raies provoquent des réactions très douloureuses, généralement ulcéreuses, qui guérissent parfois très mal et nécessitent même souvent un débridement chirurgical. Les piqûres et les morsures de scorpions, d’araignées et de toutes sortes d’insectes sont particulièrement problématiques sur terre.
Les hyménoptères (abeille, guêpe) provoquent des réactions allergiques, alors qu’en temps normal, ce sont surtout des réactions toxiques qui sont courantes. Pour les personnes allergiques aux piqûres d’insectes, il est recommandé d’emporter un kit d’urgence (contenant des comprimés de stéroïdes et des antihistaminiques, ainsi que des auto-injecteurs d’adrénaline, tels que EpiPen® ou JEXT®, en cas de réaction grave) dans les bagages. Le cas échéant, une immunothérapie spécifique peut également être étudiée. Certains coléoptères (p. ex. de la famille des Meloidae et de l’espèce Päderus) ou chenilles provoquent des réactions toxiques avec rougeurs et cloques au simple contact de la peau (“dermatite des bestioles”). En effet, ils libèrent directement les toxines correspondantes (comme la cantharidine ou la pédérine) via leurs poils ou leur carapace de chitine. C’est pourquoi la peau doit être lavée directement à l’eau après de tels contacts.
En principe, la morphologie des piqûres d’insectes est typique (papule érythémateuse avec un point de piqûre hémorragique central). Le regroupement a également une signification importante :
- Les piqûres de punaises se produisent typiquement sur la peau nue, sous forme de groupes linéaires de trois (“breakfast, lunch and dinner sign”).
- Les piqûres de puces sont situées sur les parties couvertes du corps et sont multiples, généralement groupées.
La mouche tsé-tsé est un vecteur de trypanosomes (maladie du sommeil). Elle mesure environ 1 cm et se montre extrêmement résistante. Sa piqûre douloureuse traverse également les vêtements (jeans) et provoque une large papule (2 cm) indurée avec éventuellement une lymphadénopathie régionale.
Le tableau 3 énumère finalement différentes dermatoses du voyageur en fonction de la situation.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Les dermatoses d’origine tropicale sont souvent dues à des infections. Des analyses microbiologiques sont donc toujours indiquées.
- Si les lésions ne sont pas claires, une biopsie de la peau peut fournir des informations supplémentaires utiles.
- En cas de fièvre accompagnée d’un exanthème et éventuellement d’une éosinophilie, il convient de consulter un médecin tropical.
- Une bonne protection solaire est essentielle pour prévenir les coups de soleil et autres photodermatoses.
A RETENIR
- Les dermatoses tropicales sont souvent provoquées par des infections. Les analyses microbiologiques sont donc toujours indiquées.
- En cas de lésions douteuses, une biopsie cutanée peut apporter d’autres informations utiles.
- Un examen de médecine tropicale est indispensable en cas de fièvre accompagnée d’exanthème et éventuellement d’éosinophilie.
- Une protection solaire adéquate est importante pour prévenir les coups de soleil et autres photodermatoses.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(6) : 20-23