En cas de symptômes génitaux chroniques et si une cause infectieuse est exclue, des biopsies précoces doivent être réalisées pour exclure les lésions génitales précancéreuses. Le lichen scléreux doit être considéré comme une précancérose facultative. En cas de carcinome in situ induit par l’HPV, il faut penser à d’autres infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’à l’examen du partenaire.
Les lésions génitales précancéreuses se présentent souvent sous la forme de résultats non spécifiques et constituent un défi diagnostique. Elles peuvent être difficiles à distinguer des lésions bénignes. Une présentation tardive avec des antécédents de tentatives de traitement frustrantes indépendantes sur une longue période peut conduire à la présence d’un carcinome invasif au moment du diagnostic.
Facteurs de risque
Divers comportements et conditions anatomiques entraînent un risque individuel accru de développer des lésions génitales précancéreuses. Il s’agit de la présence d’un prépuce, d’un phimosis, d’un manque d’hygiène, d’un âge avancé, du tabagisme, d’une inflammation chronique et de la promiscuité. Cependant, le principal facteur de risque de lésions génitales précancéreuses est l’infection par différents types de virus du papillome humain (HPV).
Répartition
Les lésions précancéreuses génitales peuvent être grossièrement divisées en lésions précancéreuses génitales associées à l’HPV et lésions précancéreuses génitales non associées à l’HPV.
Les lésions génitales précancéreuses non associées à l’HPV, à l’exception de la maladie de Paget, sont des états inflammatoires chroniques qui ne présentent pas de cellules dysplasiques en premier lieu, mais qui peuvent entraîner secondairement des modifications de l’épithélium sus-jacent et donc un carcinome épidermoïde.
Parmi les lésions génitales précancéreuses associées à l’HPV, le Condylomata gigantea Buschke Löwenstein est principalement associé aux types d’HPV à faible risque 6 et 11, tandis que l’érythroplasie de Queyrat, la maladie de Bowen et la papulose bowénoïde sont associées aux types d’HPV à haut risque 16 et 18.
En outre, on peut faire une distinction entre les lésions précancéreuses au sens strict et celles au sens large. Les lésions précancéreuses au sens strict du terme se caractérisent par un aspect histologique des tissus avec des dysplasies épithéliales d’intensité variable pouvant aller jusqu’au carcinome in situ. La dénomination est basée sur la localisation des modifications dysplasiques intraépithéliales. Par analogie avec la néoplasie intraépithéliale vulvaire (VIN), on parle également de néoplasie intraépithéliale pénienne (PeIN) et de néoplasie intraépithéliale anale (AIN). Il s’agit de dysplasies épidermoïdes, au sens de carcinomes in situ, qui sont généralement provoquées par des infections à HPV. Les lésions précancéreuses au sens large sont des dermatoses inflammatoires chroniques qui peuvent être suivies de modifications dysplasiques secondaires de l’épithélium.
Précancers génitaux non associés à l’HPV
Lichen scléreux : se manifeste principalement sur le gland du pénis, le prépuce ou autour de l’introitus vaginae, fait partie des lésions génitales précancéreuses non associées à l’HPV. En l’absence de traitement, des carcinomes invasifs peuvent apparaître chez environ 10% des patients en l’espace d’un à huit ans.
Chez les hommes, le lichen scléreux se manifeste souvent entre 30 et 40 ans, alors que chez les femmes, il présente deux pics d’âge. D’une part, dans la prépuberté en tant qu’enfant, avec une régression spontanée à la puberté ; le second pic de manifestation se situe vers 60 ans. Au début, le lichen scléreux présente des symptômes non spécifiques tels que des démangeaisons ou des douleurs. Plus tard, l’image typique est celle de zones sclérosées et d’hémorragies (Fig. 1).
Sur le plan thérapeutique, on utilise en premier lieu des stéroïdes locaux à haute puissance. Les produits les plus recommandés sur la base des données actuelles sont le propionate de clobétasol, le furoate de mométasone et le pimécrolimus. Le lichen scléreux étant une maladie précancéreuse facultative, il convient de procéder à un suivi régulier afin de détecter un éventuel carcinome épidermoïde. Les patients doivent consulter leur médecin en cas de kératoses ou de nodules persistants.
Maladie de Paget : Le tableau clinique de la maladie de Paget extramammaire est très proche de celui de la maladie de Bowen, mais cette dernière est beaucoup plus fréquente que la maladie de Paget. Dans tous les cas, une différenciation histologique est possible. Il convient de souligner la coïncidence de la maladie de Paget avec d’autres cancers, par exemple de la cavité vaginale, du col de l’utérus, du rectum et du sein, dont la fréquence s’élève à 20% selon les statistiques, y compris l’association de la maladie de Paget du sein avec celle de la vulve. Les cellules néoplasiques de la maladie de Paget sont des cellules d’adénocarcinome produisant de la mucine. Il n’est pas possible de classer les cellules de Paget en fonction de la structure des canaux glandulaires apocrines ou eccrines.
Précancers génitaux associés à l’HPV
Maladie de Bowen, érythroplasie de Queyrat, VIN, PIN, AIN : L’érythroplasie de Queyrat est la manifestation de la maladie de Bowen sur le gland et se trouve sur l’épithélium squameux non kératinisé et se situe donc chez l’homme sur le gland ou dans le feuillet préputial interne. Chez la femme, l’érythroplasie de Queyrat est beaucoup plus rare et se trouve dans le vagin. Le plus souvent, elle se présente sous la forme d’une macula érythémateuse indolente à bords nets, pouvant aller jusqu’à la formation d’une plaque, avec ou sans érosions. La maladie de Bowen est la manifestation du même carcinome in situ sur épithélium squameux kératinisé et se situe donc sur la tige du pénis, la vulve ou le périanal. Cette pathologie se présente également sous la forme d’une plaque érythémateuse bien délimitée, souvent squameuse en raison de la formation de corne. Une transformation invasive est rapportée dans 5 à 30% des cas (Fig. 2). La maladie de Bowen peut en principe apparaître sur l’ensemble du tégument, en particulier sur les zones exposées à la lumière. Ces deux manifestations sont plus fréquentes chez les patients de plus de 50 ans. La balanoposthitis chronica circumscripta plasmazellularis Zoon constitue le principal diagnostic différentiel d’une érythroplasie de Queyrat.
Il est important d’obtenir une confirmation histologique et un traitement précoces afin de pouvoir prévenir la progression vers un carcinome pénien invasif. Dans le cas de la VIN et de la PIN, le spectre clinique va des changements maculaires, qui sont les manifestations les plus fréquentes, aux ulcères et aux changements verruqueux.
Papulose bowenoïde : elle touche principalement les personnes sexuellement actives à un jeune âge. La papulose bowenoïde se manifeste principalement sur la verge du pénis ou les grandes lèvres, mais elle peut se manifester sur l’ensemble des organes génitaux et par voie anale. De multiples petites papules érythémateuses ou brunâtres apparaissent, qui confluent parfois en petites plaques (Fig. 3).
La papulose bowenoïde, tout comme la maladie de Bowen ou l’érythroplasie de Queyrat, est principalement associée à l’HPV 16, mais présente une activité biologique complètement différente. Alors que la maladie de Bowen et l’érythroplasie de Queyrat sont considérées comme des carcinomes in situ et ne présentent pas de régression spontanée, la papulose bowenoïde présente souvent une évolution bénigne avec une rémission spontanée et moins de 1% de transformation en carcinome invasif.
Condylomata gigantea : il s’agit d’une tumeur exophytique verruqueuse qui peut se développer dans toutes les zones cutanées anogénitales chez l’homme ou la femme. Les Condylomata gigantea présentent une transformation en carcinome épidermoïde invasif dans 30 à 56% des cas. Principalement, les HPV6 et 11 peuvent être détectés.
Thérapie en général
Les options thérapeutiques après exclusion biopsique d’un carcinome invasif consistent en l’application topique de 5-fluorouracil 5% et d’imiquimod 5%, la cryothérapie, la thérapie photodynamique, l’ablation au LASER et la radiothérapie, selon l’étendue du cancer. Les néoplasies intra-épithéliales de haut grade sont également excisées, ce qui présente un avantage.
En cas de lésions précancéreuses associées à l’HPV, un dépistage d’autres infections sexuellement transmissibles (VIH, syphilis, gonococcie, chlamydia) est recommandé, ainsi qu’un examen du partenaire.
Bien que des rapports de cas individuels montrent une période de rémission plus longue avec une vaccination quadrivalente contre l’HPV après un traitement local, une vaccination thérapeutique ne peut pas être recommandée actuellement.
Suivi
En raison des récidives fréquentes, des contrôles semestriels sont indiqués pendant cinq ans. En cas de lésions cutanées suspectes, l’indication de biopsie doit être posée de manière généreuse. En l’absence de récidive, des contrôles annuels à vie sont ensuite recommandés.
Littérature complémentaire :
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