L’essai randomisé contre placebo est devenu l’étalon-or de la recherche médicale actuelle. Cette évolution s’est accompagnée d’un accent de plus en plus fort mis sur la médecine fondée sur les preuves dans les programmes d’études et les lignes directrices, d’une réglementation croissante de la recherche pharmaceutique et des efforts associés pour produire des modèles d’études acceptés sans réserve par les autorités. D’autres modèles d’études risquent d’être considérés comme inférieurs ou ignorés. Lors de la 28e réunion annuelle suisse de phytothérapie à Baden, l’accent a été mis sur la pertinence des études de cohorte, qui offrent des connaissances élargies sur l’efficacité du gui.
Selon le Dr. rer. nat. Marcus Reif, Berlin, la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine, EbM) est certes définie comme l’utilisation consciencieuse, explicite et raisonnable des meilleures preuves du moment. Toutefois, ce libellé ne signifie pas que les essais contrôlés randomisés (ECR) fournissent toujours les meilleures preuves actuelles. Pour de nombreux essais cliniques, un ECR n’est pas réalisable ou ne peut l’être que dans des circonstances éthiquement inacceptables. La randomisation, qui implique une indécision entre deux alternatives de traitement, n’est pas possible parce que la thérapie étudiée est déjà bien établie dans l’usage quotidien. L’expérience montre que les patients sont peu enclins à participer à un ECR, en particulier pour ce type de thérapie.
Les études de cohorte, une alternative ?
Si la conception de l’étude est équivalente à un ECR, mais sans les deux éléments que sont la randomisation et l’administration d’un placebo, on parle d’études thérapeutiques ou de cohortes. Elles peuvent être rétrospectives ou prospectives. La conception “rétrospective” est également possible : un protocole d’étude détaillé est d’abord conçu comme un ECR, mais la date d’inclusion est ensuite reportée dans le passé sur la base des données du dossier médical, ce qui signifie que les patients peuvent être représentés dans l’étude uniquement par des données rétrospectives. En théorie du moins, ils peuvent être davantage documentés de manière prospective. De plus, ce type d’étude utilise la randomisation de certaines cliniques (plutôt que celle des patients) comme élément aléatoire. Bien entendu, elle reste toutefois non interventionniste.
C’est surtout l’interprétation des différences observées qui pose problème, car elles ne sont pas nécessairement dues à la thérapie elle-même, mais peuvent aussi résulter d’autres différences dans la situation initiale des différents groupes thérapeutiques.
Les facteurs de biais peuvent également avoir un effet perturbateur. Bien qu’ils apparaissent également dans les ECR, ils sont plus prononcés dans les études non randomisées et doivent donc être pris en compte de toute urgence. Le biais de sélection décrit les différences d’attribution, le biais d’information provient des différences de précision dans la collecte des données, le biais d’attrition provient des différences de présence des patients et le biais de performance comprend les différences de traitement au-delà de la thérapie elle-même. En documentant et en prenant en compte ces facteurs dans l’analyse statistique, par exemple avec des modèles de régression multiple, il est possible d’éviter les imprécisions qui en résultent.
“Ce qu’il est difficile de contourner dans les études non randomisées, ce sont les facteurs inconnus, mais pertinents pour l’étude et donc susceptibles de fausser les résultats. Cet argument est toujours avancé lorsqu’il s’agit de donner la préférence aux RCT. Mais là encore, il existe des méthodes, développées en premier lieu pour des questions économiques et de sciences sociales, qui permettent d’évaluer l’efficacité de manière plus valide”, explique le Dr Reif.
Études de cohorte rétrospectives sur le traitement par le gui
Jusqu’à 80% des patients atteints de tumeurs utilisent au moins une fois Iscador® ou d’autres extraits de gui au cours de leur maladie, et il n’est pas rare qu’ils aient dû eux-mêmes en demander à leur médecin. In vitro, les effets anti-tumoraux du gui (inhibition de la division cellulaire, induction de l’apoptose, activation des cellules immunocompétentes, confinement sélectif des agents chimiothérapeutiques au sein des cellules cancéreuses) sont bien documentés. L’effet clinique du traitement par le gui continue de susciter la controverse [1, 2].
En 2009 et 2010, deux études de cohorte rétrospectives sur l’efficacité et la sécurité de la préparation à base de gui Iscador® (ISC) ont été publiées. Ils ont analysé les dossiers médicaux de patients atteints de tumeurs colorectales ou pancréatiques de 1993 à 2002 [3, 4]. Dans les deux études, les groupes de traitement se distinguaient non seulement par les points de comparaison visés (ISC inclus ou non dans le régime de traitement), mais aussi par d’autres facteurs pronostiques importants, tels que l’âge, l’IMC, la présence de facteurs de risque. Les données ont donc été analysées à l’aide de modèles statistiques multivariés.
Dans l’étude sur le cancer colorectal, 804 patients non métastatiques ont été suivis pendant une période médiane de 58 ou 51 mois, la durée médiane du traitement par le gui étant de 51 mois. Un peu plus de la moitié des patients des deux groupes ont reçu une chimiothérapie adjuvante et 17% une radiothérapie.
L’étude sur les tumeurs du pancréas a porté sur 396 patients sur une période médiane de 15 et 10 mois respectivement, le traitement moyen par le gui a également duré 15 mois. Environ 58% des patients des deux groupes ont reçu une chimiothérapie et 11,4% une radiothérapie.
Les deux études ont montré des résultats significativement meilleurs avec le traitement Iscador® que dans le groupe témoin pour les paramètres cibles définis (notamment la survie sans maladie et la survie globale).
Source : “Kohortenstudien als Grundlage für erweiterte Erkenntnisse der Wirksamkeit pflanzlicher Präparate am Beispiel der Mistel”, 28e Congrès annuel suisse de phytothérapie, 21 novembre 2013, Baden
Littérature :
- Kienle GS, Kiene H : Traitement complémentaire du cancer : une revue systématique des essais cliniques prospectifs sur les extraits de mistletoe anthroposophiques. Eur J Med Res 2007 Mar 26 ; 12(3) : 103-119.
- Horneber MA, et al : Mistletoe therapy in oncology. Cochrane Database Syst Rev 2008 Apr 16 ; (2) : CD003297. doi : 10.1002/14651858.CD003297.pub2.
- Friedel WE, et al. : Évaluation systématique des effets cliniques du traitement de soutien par le mistlet au sein des protocoles de chimiothérapie et/ou de radiothérapie et de l’application à long terme du mistlet dans le cancer colorectal non métastatique : étude de cohorte observationnelle multicentrique et contrôlée. J Soc Integr Oncol 2009 Fall ; 7(4) : 137-145.
- Matthes H, et al : Molecular mistletoe therapy : friend or foe in established anti-tumor protocols ? A multicenter, controlled, retrospective pharmaco-epidemiological study in pancreas cancer. Curr Mol Med 2010 Jun ; 10(4) : 430-439.
InFo Oncologie & Hématologie 2014 ; (2)1