Nous sommes à l’ère de nouvelles substances efficaces contre le myélome multiple. Néanmoins, la chimiothérapie à haute dose suivie d’une autogreffe de cellules souches reste une partie essentielle du traitement de première ligne des patients biologiquement aptes.
En 2017, le traitement de première ligne du myélome multiple continuera d’être déterminé par l’éligibilité ou non du patient à une chimiothérapie à haute dose de melphalan suivie d’une autogreffe de cellules souches (ASZT). Il y a quelques années, une étude randomisée de phase III a montré que, même à l’ère des nouveaux médicaments spécifiques au myélome, il ne fallait pas renoncer à une chimiothérapie à haute dose chez les patients susceptibles d’être transplantés [1]. La principale critique adressée à cette étude était qu’au lieu des combinaisons de trois médicaments à base de bortézomib actuellement recommandées, seule une combinaison de deux médicaments, lénalidomide et dexaméthasone (RD), avait été utilisée comme traitement d’induction, moins efficace en termes de taux de réponse.
Deux grandes études ont été présentées ces derniers mois, dans lesquelles les traitements d’induction utilisés répondent aux normes actuelles. Dans l’étude EMN02/HOVON95, le bortézomib, le cyclophosphamide et la dexaméthasone (VCD) ont été utilisés comme traitement d’induction, puis les patients ont reçu, selon les centres, une ou deux thérapies à haute dose/ASZT ou une intensification conventionnelle avec bortézomib, melphalan et prednisone (VMP). Outre une deuxième randomisation entre une consolidation courte ou pas de consolidation, tous les patients ont reçu un traitement d’entretien par lénalidomide jusqu’à la progression. Le traitement plus intensif a permis d’améliorer significativement la survie sans progression des patients. L’étude EMN02/HOVON95 a également testé pour la première fois de manière prospective l’intérêt d’une consolidation par deux cycles de bortézomib, lénalidomide et dexaméthasone (VRD). Cette mesure a également permis d’améliorer encore la survie sans progression (PFS) des patients [2,3]. La question de la consolidation après une chimiothérapie à haute dose/ASZT a en outre été mise en lumière dans l’étude STAMINA. L’induction n’était pas prédéfinie et les patients ont été randomisés pour recevoir, après une première chimiothérapie à haute dose avec ASZT, soit une autre chimiothérapie à haute dose de type transplantation en tandem, soit quatre cycles de VRD, soit aucune consolidation. Tous les patients ont ensuite reçu du lénalidomide en traitement d’entretien. Dans cette étude, aucune différence n’a été observée entre les trois bras, de sorte que l’utilité d’un traitement de consolidation, qu’il s’agisse d’une deuxième chimiothérapie à haute dose ou de la combinaison conventionnelle VRD, semble discutable. Il convient toutefois de noter, lors de l’évaluation de cette étude, que ni le type ni la durée du traitement d’induction (contrairement à l’étude EMN02/HOVON95) n’étaient prédéfinis et qu’environ un tiers des patients du bras tandem n’avaient pas reçu la deuxième chimiothérapie à haute dose, ce qui réduit quelque peu la portée de l’étude [4].
L’étude française IFM a utilisé le bortézomib, le lénalidomide et la dexaméthasone (VRD) comme traitement d’induction et, après trois cycles, les patients ont soit reçu la chimiothérapie à haute dose avec ASZT suivie de deux cycles supplémentaires de VRD en consolidation, soit poursuivi le traitement par VRD avec cinq cycles supplémentaires sur une durée totale de traitement de huit cycles. Dans les deux bras, les patients ont ensuite également reçu un traitement d’entretien par lénalidomide et dexaméthasone jusqu’à la progression. La chimiothérapie à haute dose/ASZT a permis d’observer de meilleurs taux de réponse ainsi qu’une prolongation de la PFS [5]. Le fait qu’aucune différence n’ait été observée en termes de survie globale suggère qu’une chimiothérapie à haute dose retardée avec ASZT est également envisageable comme option de sauvetage en cas de récidive. La profondeur de la réponse et la durée jusqu’au prochain traitement étant des marqueurs fiables du pronostic du patient dans le myélome multiple, la chimiothérapie à haute dose devrait rester intégrée dans les futures stratégies de traitement initial des patients biologiquement en forme, en association avec des substances de nouvelle génération aussi puissantes que possible.
Protocole d’induction
En ce qui concerne le protocole d’induction optimal, de nouvelles connaissances ont été acquises au cours des dernières années : Dans l’étude française IFM2013-04, une combinaison de bortézomib, de thalidomide, une substance immunomodulatrice, et de dexaméthasone (VTD) a permis d’obtenir des taux de réponse meilleurs/plus faibles que la combinaison de bortézomib, de cyclophosphamide et de dexaméthasone (VCD), qui est également très souvent utilisée en Suisse. Cependant, le VTD est associé à des taux plus élevés de polyneuropathies (parfois irréversibles) [6]. Comme il n’est pas possible d’évaluer dans quelle mesure l’utilisation ultérieure de substances potentiellement neuropathiques pourrait en être affectée, de nombreux hémato-oncologues sont réticents à utiliser cette combinaison efficace. Récemment, l’étude américaine SWOG S-0777 a évalué la combinaison bortézomib, lénalidomide et dexaméthasone (VRD) en tant que traitement de première ligne contre lénalidomide et dexaméthasone (RD). Le lénalidomide est un immunomodulateur (IMID) de deuxième génération et une évolution de la thalidomide. Il est plus efficace et ne provoque pratiquement pas de neuropathies. Dans cette étude, la chimiothérapie à haute dose avec ASZT ne faisait pas partie intégrante du traitement de première ligne. Jusqu’à l’évaluation finale, environ 10% des patients ont quitté l’étude pour cette raison et ont été censurés à ce moment-là. Le traitement par VRD a entraîné une amélioration significative de la PFS et de la survie globale des patients par rapport à la RD [7]. Sur la base de ces données, la VRD peut être considérée, dans l’état actuel des connaissances, comme le traitement de première ligne le plus efficace, que le patient soit destiné ou non à une transplantation. Cependant, le profil d’effets secondaires est proportionnellement moins bon que celui de la RD, ce qui nécessite une certaine prudence, en particulier chez les patients âgés et fragiles. Pour ces patients, la RD reste une très bonne option pour le traitement de première ligne. La dernière analyse finale de l’étude FIRST n’a pas permis de déterminer avec certitude si le traitement par RD devait être poursuivi jusqu’à la progression ou seulement pendant 18 mois au total. Bien que la RD jusqu’à la progression ait permis d’améliorer la PFS et la survie globale par rapport à la combinaison standard de melphalan, prednisone et thalidomide (MPT), la survie globale n’était pas meilleure par rapport au traitement avec une administration de RD limitée à 18 mois [8]. Une autre option appropriée pour les patients âgés non transplantables est la combinaison à deux du bortézomib et de la dexaméthasone (VD). De même, selon les résultats de l’étude VISTA, l’association bortézomib, melphalan et prednisone (VMP) peut toujours être considérée comme une option, d’autant plus qu’une comparaison randomisée avec la VRD n’est pas disponible. Malgré toutes les limites statistiques d’une comparaison inter-études, on peut néanmoins constater que la survie globale des patients non transplantés traités par VRD dans l’étude SWOG était nettement supérieure à celle des patients traités par VMP dans l’étude VISTA. Pour obtenir une réponse profonde et durable, une durée de traitement suffisamment longue est nécessaire, sur une période de 12 (VMP) à au moins 18 (VRD ou RD) mois. Dans ce contexte, il convient de veiller à la tolérance et au développement d’effets secondaires tels que la polyneuropathie et l’adynamie, en particulier chez les patients âgés, afin d’adapter à temps la dose de médicament ou d’interrompre le traitement si nécessaire.
Le VRD n’est pas encore autorisé en Suisse en tant que traitement de première ligne, de sorte qu’une demande de prise en charge par l’assurance maladie doit être faite avant le début du traitement. Étant donné qu’un traitement prolongé par lénalidomide, en particulier, peut affecter la réserve de moelle osseuse et donc la mobilisation des cellules souches, il est nécessaire, en particulier chez les jeunes patients, de contacter le centre de transplantation suffisamment tôt pour pouvoir planifier à temps la collecte et la transplantation des cellules souches.
Conservation
Le traitement standard après la fin du traitement primaire peut désormais être considéré comme un traitement d’entretien par lénalidomide. Dans une grande analyse groupée des données d’études disponibles, on a ainsi pu constater une amélioration de la survie globale des patients, à l’exception du sous-groupe de patients présentant une cytogénétique à haut risque [9]. Ces patients bénéficient plutôt d’un traitement d’entretien par bortézomib [10].
Thérapie antirésorptive
Tous les patients chez qui un myélome multiple nécessitant un traitement vient d’être diagnostiqué devraient également recevoir un traitement antirésorptif par l’acide zolédronique, car cela permet non seulement de réduire le taux de complications liées au squelette, mais aussi d’influencer favorablement la survie globale [11]. En cas d’intolérance ou de contre-indications existantes à l’administration d’acide zolédronique, par exemple une insuffisance rénale sévère, l’administration de dénosumab peut être envisagée à la place, mais là encore, une prise en charge par l’assureur du patient doit être obtenue au préalable [12].
Littérature :
- Palumbo A, et al : Autologous transplantation and maintenance therapy in multiple myeloma. N Engl J Med 2014 Sep 4 ; 371(10) : 895-905.
- Cavo M, et al. : Intensification du traitement par bortézomib-melphalan-prednisone versus transplantation de cellules souches autologues pour le myélome multiple nouvellement diagnostiqué : une étude intergroupe, multicentrique, de phase III du Réseau européen du myélome (EMN02/HO95 MM Trial). ASH 2016 ; Abstract 673.
- Sonneveld P, et al. : Consolidation Followed By Maintenance Therapy Versus Maintenance Alone in Newly Diagnostic, Transplant Eligible Patients with Multiple Myeloma (MM) : A Randomized Phase 3 Study of the European Myeloma Network (EMN02/HO95 MM Trial). ASH 2016 ; Abstract 242.
- Mur de la ville EA, et al.: Comparaison de la greffe de cellules hématopoïétiques autologues (autoHCT), du bortézomib, du lénalidomide (Len) et de la dexaméthasone (RVD) Consolidation avec maintien de Len (ACM), du tandem Autohct avec maintien de Len (TAM) et de l’Autohct avec maintien de Len (AM) pour le traitement de première ligne des patients atteints de myélome multiple (MM) : Primary Results from the Randomized Phase III Trial of the Blood and Marrow Transplant Clinical Trials Network (BMT CTN 0702 – StaMINA Trial). ASH 2016 ; LBA-1.
- Attal M, et al : Lenalidomide, Bortezomib, and Dexamethasone with Transplantation for Myeloma. N Engl J Med 2017 Apr 6 ; 376(14) : 1311-1320.
- Moreau P, et al : VTD est supérieur à VCD avant le traitement intensif dans le myélome multiple : résultats de l’étude prospective IFM2013-04. Blood 2016 May 26 ; 127(21) : 2569-2574.
- Durie BG, et al : Bortezomib avec lénalidomide et dexaméthasone versus lénalidomide et dexaméthasone seuls chez les patients atteints d’un myélome nouvellement diagnostiqué sans intention de recevoir une autogreffe immédiate de cellules souches (SWOG S0777) : un essai de phase 3 randomisé, en ouvert. Lancet 2017 Feb 4 ; 389(10068) : 519-527.
- Hulin C, et al : Mise à jour des résultats et de l’impact de l’âge avec le lénalidomide et la dexaméthasone à faible dose ou le melphalan, la prednisone, et le thalidomide dans l’essai randomisé de phase III FIRST. J Clin Oncol 2016 Oct 20 ; 34(30) : 3609-3617.
- McCarthy PL, et al : Lenalidomide Maintenance After Autologous Stem-Cell Transplantation in Newly Diagnosmed Multiple Myeloma : A Meta-Analysis. J Clin Oncol 2017 Jul 25 : JCO2017726679. DOI : 10.1200/JCO.2017.72.6679 [Epub ahead of print].
- Goldschmid H, et al : Bortezomib avant et après un traitement à haute dose dans le myélome : résultats à long terme de la phase III HOVON-65/GMMG-HD4 trial. Leukemia 2017 Jul 4. DOI : 10.1038/leu.2017.211 [Epub ahead of print].
- Morgan GJ, et al : Suivi à long terme de l’essai MRC Myeloma IX : Résultats de survie avec traitement par bisphosphonate et thalidomide. Clin Cancer Res 2013 Nov 1 ; 19(21) : 6030-6038.
- Raje N, et al : An International, Randomized, Double Blind Trial Comparing Denosumab With Zoledronic Acid (ZA) for the Treatment of Bone Disease in Patients (Pts) With Newly Diagnosis Multiple Myeloma. 16e Atelier international sur le myélome (IMW) 2017 ; Abstract 546.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2017 ; 5(5) : 13-15