Une nouvelle extrapolation de l’étude ARUBA montre que l’avantage d’un simple traitement médicamenteux par rapport à l’intervention chez les patients atteints de malformations artérioveineuses asymptomatiques pourrait durer beaucoup plus longtemps qu’on ne le pensait initialement.
(ag) Les malformations artérioveineuses cérébrales (MAV) n’étaient autrefois généralement diagnostiquées qu’après une hémorragie cérébrale, car il s’agit de l’une des principales complications. Grâce aux progrès de l’imagerie médicale, il est aujourd’hui de plus en plus fréquent de tomber sur une tumeur par hasard ou sur un cancer. lors d’une IRM ou d’une tomodensitométrie réalisée pour d’autres raisons afin de détecter une MAV. La question se pose alors de savoir s’il faut traiter préventivement les malformations asymptomatiques. Enfin, ils présentent un risque important d’hémorragie cérébrale (selon des études rétrospectives, le risque annuel d’hémorragie peut atteindre 4%). Les interventions possibles sont la chirurgie (résection), le traitement par cathéter (embolisation) ou la radiothérapie. Cela devrait permettre de réduire le risque de saignement. Toutefois, ces procédures sont très difficiles et risquées.
Dans une étude randomisée, non aveugle, appelée ARUBA Trial [1] et publiée dans le Lancet, l’objectif était donc de comparer le bénéfice d’un traitement médicamenteux seul à celui d’un traitement interventionnel plus médicamenteux. L’intervention pouvait inclure une neurochirurgie, une embolisation ou une radiothérapie stéréotaxique, seule ou combinée. Le traitement pharmacologique était basé sur les symptômes neurologiques et n’était utilisé qu’en cas de besoin.
Le premier patient a été inclus dans l’étude en avril 2007. Mi-avril 2013, ARUBA a été arrêté par son promoteur, le National Institute of Neurological Disorders and Stroke. A cette date, 223 des 400 patients prévus avaient déjà été inclus dans l’étude. Une analyse intérimaire avait montré que le traitement médicamenteux seul était nettement supérieur aux interventions. Il y avait une différence évidente dans le critère d’évaluation principal de l’étude (risque de décès ou d’accident vasculaire cérébral) : Le bras pharmacologique présentait un risque significativement plus faible de tels événements par rapport au bras d’intervention.
Un modèle hypothétique montre des résultats possibles à long terme
Le professeur Michael K. Parides, MD, New York, a présenté des données de suivi extrapolées lors de l’European Stroke Conference de cette année. Le suivi des 223 patients inclus a été en moyenne de 33 mois. A la fin de l’étude en 2013, les responsables de l’étude ont décidé de suivre les patients de pendant cinq ans supplémentaires. En effet, beaucoup ont fait remarquer qu’il est dans la nature des interventions d’être toujours plus risquées à court terme, mais que les bénéfices à long terme pourraient être aussi bons, voire plus importants, que la médication seule. La durée d’observation initialement prévue n’était pas suffisante pour tirer des conclusions définitives. “Il s’agit d’une objection tout à fait fondée”, ajoute-t-il.
En attendant que les données du suivi prolongé soient exploitables, le professeur Parides et ses collègues se sont efforcés de créer un modèle de calcul permettant de prédire le bénéfice d’un traitement purement médicamenteux sur une plus longue période. Ses projections sont basées sur les deux hypothèses suivantes :
- Il a extrapolé les données de risque du traitement médicamenteux, prouvées par l’étude, aux événements futurs. Il s’est basé pour cela sur un risque constant. L’hypothèse de base est donc que les valeurs observées sont exactes et représentatives d’une évolution naturelle.
- Pour l’autre groupe, le bras d’intervention, il a établi de manière hypothétique qu’aucun nouvel événement ne se produirait après la fin de l’étude (ce qui est clairement avantageux pour ce bras).
Ce modèle permet de déterminer combien de temps il faut pour obtenir un bénéfice aussi important dans le bras d’intervention que dans le bras médicamenteux extrapolé.
Qu’est-il ressorti ?
“Les données de suivi d’ARUBA sont certes limitées. Mais si l’on suit nos extrapolations, il apparaît clairement que l’avantage d’un traitement purement médicamenteux par rapport à l’intervention se maintient très longtemps – probablement, c’est du moins ce que montrent nos données, sur 12 à 30 ans. Pendant toute cette période, l’intervention est toujours inférieure au traitement médicamenteux, même si l’on considère qu’il n’y a plus de nouveaux événements. Ce n’est qu’après une vingtaine d’années que les deux bras se touchent. Si l’on part du principe que le bras d’intervention a été très favorisé dans notre calcul – car il y aura bien sûr aussi de tels événements dans ce groupe -, on peut, pour rester réaliste, additionner encore une bonne dizaine d’années”, a déclaré l’orateur. A l’avenir également, l’indication d’une intervention devra donc être posée avec beaucoup de retenue, selon le principe “moins, c’est plus”.
Source : 23e Conférence européenne sur les AVC, 6-9 mai 2014, Nice
Littérature :
- Mohr JP, et al : Prise en charge médicale avec ou sans traitement interventionnel pour les malformations artério-veineuses cérébrales non rompues (ARUBA) : un essai randomisé multicentrique et en double aveugle. Lancet 2014 ; 383(9917) : 614-621.
CARDIOVASC 2014 ; 13(4) : 21-22