L’IRM est une méthode sensible pour visualiser les modifications réversibles et irréversibles du tissu cérébral après des crises d’épilepsie. Dans l’étude de cas suivante, nous nous intéresserons plus particulièrement à l’imagerie de diffusion, qui permet de visualiser les modifications du parenchyme cérébral péri-ictal très tôt après une crise d’épilepsie.
Rapport de cas : Une patiente de 74 ans a été trouvée inconsciente à son domicile. La durée de la perte de connaissance n’a pas pu être déterminée. La patiente souffrait d’épisodes dépressifs, d’une dépendance à l’alcool et d’une hypertension artérielle non traitée. Aux urgences, la patiente a été victime d’une crise d’épilepsie tonico-clonique généralisée. Elle n’a jamais réagi. L’examen neurologique a révélé une plégie du côté gauche du corps, les membres de la moitié droite du corps ne bougeant qu’après une forte stimulation douloureuse. De plus, il y avait une déviation du regard vers le haut et la gauche. Les examens du liquide céphalorachidien étaient normaux. Un scanner, une IRM et des examens EEG ont été effectués.
Imagerie : L’IRM a révélé des restrictions de diffusion corticale étendues dans l’hémisphère droit (Fig. 1). En outre, il y avait des restrictions de diffusion moins prononcées du côté controlatéral, limitées à l’hémisphère cérébelleux(Fig. 2). L’imagerie pondérée en T2 a montré une augmentation du signal ainsi qu’un gonflement cortical dans les zones de diffusion perturbée(Fig. 1).
Fig. 1: a) Augmentation du signal du DWI cortical de l’hémisphère droit ; b) Abaissement de l’ADC dans le sens d’un œdème cytotoxique.
En T2w (c), on observe une augmentation du signal et un gonflement du cortex.
Fig. 2 : Contre les modifications de l’hémisphère droit, on observe (a) Augmentations du signal DWI avec (b) une valeur ADC abaissée ; et (c) Elévation du signal T2w de l’hémisphère cérébelleux gauche dans le cadre d’un diaschisis croisé cérébro-cérébelleux.
Discussion : Des modifications péri-ictales ont été observées dès les débuts de l’imagerie tomodensitométrique. Avec la disponibilité accrue de l’IRM, tout un éventail de modifications péri-ictales a été décrit au fil du temps. En règle générale, les altérations du signal se trouvent sur le site de l’activité neuronale limitée au cortex [1]. Ces altérations du signal sont la conséquence de l’augmentation du métabolisme des neurones pendant une crise d’épilepsie. Dans ce cas, il y a d’abord une augmentation de la circulation sanguine due à l’augmentation de l’activité neuronale. A ce stade, seule l’augmentation de la perfusion peut être mise en évidence, aucune modification morphologique n’est encore observée. En cas de persistance de la crise d’épilepsie, un œdème vasogénique apparaît et entraîne une dilatation de l’espace extracellulaire. Il en résulte une augmentation globale de la diffusion moléculaire, ce qui se traduit par une valeur ADC (“Apparent Diffusion Coefficient”) plus élevée (hyperintenses dans la carte ADC). Si la crise se poursuit, la dépolarisation persistante des neurones entraîne un afflux incontrôlé d’ions Ca++ dans les cellules, avec un œdème intracellulaire consécutif. Ce type d’œdème est également appelé œdème cytotoxique en raison des dommages cellulaires qu’il provoque. Par rapport à l’eau extracellulaire, l’eau intracellulaire est compartimentée par de nombreuses membranes, ce qui limite l’agitation moléculaire et entraîne donc une baisse de l’ADC [1]. Cependant, même une restriction réelle de la diffusion (augmentation du signal dans DWI avec une valeur ADC abaissée) est souvent partiellement réversible après une crise d’épilepsie.
Dans certains cas, des troubles de la diffusion péri-ictale peuvent également se produire à des endroits éloignés de la zone épileptogène. Le terme diaschisis décrit ainsi un dysfonctionnement dans une région du cerveau spatialement séparée de la lésion corticale ou sous-corticale. Le diaschisis cérébro-cérébelleux croisé représente une lésion causée par une activité excitatrice excessive et persistante le long des voies cortico-pontino-cérébelleuses et/ou l’absence d’inhibition de ces voies par des interneurones inhibiteurs de contrôle [2].
Dans notre cas, on observe des restrictions de diffusion typiques de l’épilepsie, limitées au cortex, de l’hémisphère cérébral droit et de l’hémisphère cérébelleux gauche. Cette distribution caractéristique ainsi que la symptomatologie clinique de la patiente permettent de conclure à un état de mal épileptique avec diaschisis cérébro-cérébelleux croisé.
Malgré l’extension du traitement anticonvulsivant, il n’a malheureusement pas été possible de rompre un nouvel état de mal épileptique focal avec deux foyers hémisphériques droits. La patiente est donc décédée 48h après son admission à l’hôpital.
Dr. med. Tilman Schubert
Dr. med. Michele Pansini
Professeur Dr. med. Stephan Wetzel
PD Dr. med. Stephan Rüegg
Dr. med. Arne Fischmann
Littérature :
- Yu JT, Tan L : Diffusion-weighted magnetic resonance imaging demonstrates parenchymal pathophysiological changes in epilepsy. Brain research reviews 2008 Nov ; 59(1) : 34-41.
- Cole AJ : Status epilepticus and periictal imaging. Epilepsia 2004 ; 45(4) : 72-77.