Quel est le rapport entre le champignon commensal Malassezia et la dermatite atopique ? Quelles sont les nouveautés concernant les dermatophytes ? Des transmissions de champignons sont-elles à craindre en cas de contact avec des hérissons ? Comment traiter correctement une tinea corporis ? Des experts ont apporté des réponses à ces questions lors des Journées zurichoises de formation continue en dermatologie 2018.
Outre les bactéries, les champignons font également partie du microbiome normal de la peau. Le Malassezia est le champignon dominant dans la plupart des zones cutanées du corps. On connaît actuellement 17 espèces de cette levure lipophile, que l’on trouve également chez les chiens et de nombreux autres mammifères, ainsi que chez les oiseaux. Les espèces de Malassezia ne sont pas seulement des commensaux normaux chez l’homme, elles sont également associées à des maladies de la peau. Le Dr Martin Glatz, du service d’allergologie de la clinique dermatologique de l’Hôpital universitaire de Zurich, s’est exprimé à ce sujet.
Champignon commensal associé aux maladies de peau
Les maladies de la peau associées au Malassezia comprennent : le pityriasis versicolor, la dermatite séborrhéique, les pellicules du cuir chevelu (pityriasis simplex capillitii), la dermatite atopique et la folliculite à Malassezia (en particulier chez les personnes immunodéprimées et les patients atteints du VIH). M. furfur, l’espèce de Malassezia la plus connue, peut dans de rares cas provoquer des infections systémiques chez les personnes immunodéprimées. Des recherches sont en cours pour déterminer les facteurs qui font que le Malassezia, d’une part, n’affecte pas la peau en tant que commensal et, d’autre part, peut contribuer aux maladies de la peau. Un article de synthèse a récemment résumé l’état actuel de la recherche sur les réactions de la peau des mammifères au Malassezia [1].
Malassezia et dermatite atopique
De nombreuses protéines immunogènes produites par Malassezia peuvent entraîner la libération de cytokines pro-inflammatoires et, en tant qu’allergènes, la production d’anticorps IgE spécifiques [2]. Alors que les personnes en bonne santé ne sont pratiquement jamais sensibilisées au Malassezia, les sensibilisations sont fréquentes chez les patients atteints de dermatite atopique (détection d’anticorps IgE spécifiques dirigés contre le Malassezia dans le sérum, test de triage cutané positif). In vitro, Malassezia produit des quantités d’allergènes (par exemple, la protéine pro-inflammatoire Mala s 12) beaucoup plus importantes à un pH de 6,1 (comme dans la peau atopique) qu’à un pH plus acide de 5,0 (comme dans la peau saine). L’augmentation du pH de la peau chez les patients atteints de dermatite atopique peut donc contribuer à une libération accrue de protéines pro-inflammatoires agissant comme allergènes. La perturbation de la fonction de la barrière cutanée facilite la pénétration des allergènes dans la peau, ce qui peut entraîner la libération de cytokines pro-inflammatoires et, chez les patients sensibilisés, l’activation des mastocytes par réticulation d’anticorps IgE spécifiques. Le Malassezia peut ainsi aggraver l’inflammation de la peau en cas de dermatite atopique [2].
Les souches de Malassezia résistantes ne sont pas rares
Pour traiter le pityriasis versicolor, on utilise généralement des azoles topiques, par exemple le kétoconazole topique une fois par jour jusqu’à la guérison. La résistance du champignon à certains antifongiques (dont le kétoconazole) n’est pas rare et peut être responsable de récidives fréquentes ou d’évolutions chroniques avec une mauvaise cicatrisation. Cependant, les tests de résistance au Malassezia ne sont pas des tests de routine en laboratoire. La substance “antiséborrhéique” qu’est le disulfure de sélénium (p. ex. Selsun®) est bien efficace contre le pityriasis versicolor. Chez les patients sujets à des récidives fréquentes, l’application une fois par mois peut être utile (lavage des cheveux et application sur le torse).
Les champignons filamenteux, cause la plus fréquente de dermatomycoses
Les dermatomycoses touchent 20 à 25% de la population mondiale. Les dermatophytes (champignons filamenteux) sont le plus souvent responsables des infections fongiques de la peau et de ses annexes (tinea = infection à dermatophytes). On distingue trois genres de dermatophytes :
- Trichophyton (16 espèces)
- Epidermophyton (une seule espèce : E. floccosum)
- Microsporum (3 espèces)
En Europe, T. rubrum et T. interdigitale constituent 90% des causes d’infection. En raison de la migration depuis l’Afrique, M. audouinii, T. violaceum et T. soudanense jouent également un rôle croissant en tant qu’agents pathogènes de la tinea corporis, a rapporté le professeur Stephan Lautenschlager, médecin-chef du service ambulatoire de dermatologie, Stadtspital Triemli, Zurich. Le risque de développer une tinea pedis au cours de la vie est très élevé (70%), en particulier chez les hommes. Chez les footballeurs professionnels, le risque d’infection fongique est nettement plus élevé, en particulier au niveau des pieds [3]. Il est probable que les forces de cisaillement, les microtraumatismes et l’hyperhidrose favorisent l’infection. Dans une étude allemande récente, une tinea pedis a été détectée chez 36,9% des 84 footballeurs professionnels et une onychomycose chez 60,7% d’entre eux, contre respectivement 3,3% et 3,2% chez 8186 témoins (hommes âgés de 17 à 35 ans) [3].
Diversité des tableaux cliniques de la tinea corporis
Dans le cas de Tinea corporis, la transmission se fait généralement d’un animal à un autre ou d’une personne à une autre, rarement par l’intermédiaire d’objets (par exemple, des vêtements). La période d’incubation est de une à trois semaines. Le spectre des tableaux cliniques est large et dépend de l’espèce de l’agent pathogène (avec différentes protéases), de la taille de l’inoculum, de la localisation et de la réponse immunitaire (ou immunosuppression). Le tableau clinique classique, fréquemment rencontré, est constitué de foyers ronds avec une bordure érythémateuse squameuse, une extension centrifuge et une guérison centrale. En cas de dermatose très inflammatoire, il faut penser à des agents zoophiles, transmis par exemple par contact avec des cobayes ou des hérissons. Une étude a mis en évidence la présence de T. benhamiae dans 93% des cochons d’Inde en vente dans 15 animaleries berlinoises par réaction en chaîne par polymérase (PCR) [4]. Seuls 9% des animaux présentaient des symptômes de tinea, les autres étant des porteurs asymptomatiques chez qui l’infection fongique n’était pas visible. Les auteurs de l’étude recommandent donc de faire examiner les cochons d’Inde par un vétérinaire après leur achat afin de détecter la présence de mycoses cutanées, car ils sont très probablement porteurs d’agents pathogènes transmissibles aux humains (surtout aux enfants) par contact physique. Une étude menée en Suisse romande a révélé la présence de champignons chez 30% des cochons d’Inde examinés, a indiqué l’orateur. Une revue des cas décrits en Allemagne a récemment indiqué qu’il fallait désormais compter avec T. erinacei comme “pathogène émergent” en cas de contact avec des hérissons [5]. Par exemple, une gardienne d’animaux en contact avec des hérissons a vu apparaître des lésions cutanées papuleuses, vésiculeuses et érosives croûteuses en bordure de son index. Culturellement, la présence de T. erinacei était attestée. La crème à la ciclopiroxolamine et la terbinafine per os pendant 14 jours ont permis de guérir la teigne.
Traitement de la tinea corporis
Il n’existe pas de guideline récente sur le traitement de la tinea corporis, mais un article de revue utile est disponible [6]. Une tinea corporis localisée peut être traitée par voie topique. Le traitement systémique est indiqué en cas “d’atteinte étendue” (sans définition précise) ou si le traitement topique n’a pas été efficace ou si des follicules sont également touchés. Si des azoles sont choisis pour le traitement topique, ils doivent être appliqués deux fois par jour pendant quatre à six semaines (par ex. clotrimazole, éconazole, miconazole). En cas d’utilisation topique de terbinafine ou de ciclopiroxolamine, un traitement de deux semaines (une fois par jour) est suffisant. En cas de traitement systémique, la durée du traitement est de deux à quatre semaines (par ex. B. Fluconazole 150 mg une fois par semaine, Itraconazole 100 mg une fois par jour, Terbinafine 250 mg une fois par jour).
Source : Exposés de Martin Glatz “Malassezia-associierte Hautmanifestationen” et de Stephan Lautenschlager “Häufige und seltene Infektionen durch Dermatophyten” dans le cadre du cours Update-Kurs 1 “Neues zu Hautinfektionen – Mycologie”, 8e Journées zurichoises de formation continue en dermatologie, Zurich, 20 juin 2018.
Littérature :
- Sparber F, et al : Host responses to Malassezia spp. in the mammalian skin. Front Immunol 2017 ; 8 : 1614.
- Glatz M, et al : Le rôle de Malassezia spp. dans la dermatite atopique. J Clin Med 2015 ; 4 : 1217-1228.
- Buder V, et al. : Prévalence des dermatomycoses chez les joueurs de football professionnels. Hautarzt 2018 ; 69 : 401-407.
- Kupsch C, et al. : Dermatophytes et cobaye – un danger sous-estimé ? Dermatologue 2017 ; 68 : 827-830.
- Kargl A, et al. : Champignons de hérisson dans un cabinet de dermatologie à Munich. Hautarzt 2018 ; 69 : 576-585.
- Sahoo AK, et al : Management of tinea corporis, tinea cruris and tinea pedis : A comprehensive review. Indian Dermatol Online J 2016 ; 7 : 77-86.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2018 ; 28(4) : 34-36