En cas de diagnostic et de traitement précoces, l’espérance de vie des personnes infectées par le VIH se rapproche de celle des personnes séronégatives dont l’état de santé est par ailleurs comparable. Selon les directives de l’OFSP, le test VIH devrait être effectué dans un grand nombre de situations cliniques indicatives afin de permettre un diagnostic précoce. Le traitement du VIH devient plus simple et mieux toléré, les avantages d’un début de traitement de plus en plus précoce sont étudiés. Des recherches sont en cours pour trouver un remède, mais elles sont encore loin d’aboutir. Les nouveaux médicaments présentent des avantages en termes de tolérance et de profil métabolique. Toutefois, un traitement contre le VIH qui fonctionne ne doit être changé qu’en cas d’indication claire. Les co-médications doivent être évaluées en ce qui concerne les interactions avec les médicaments anti-VIH.
L’incidence du VIH n’a pas beaucoup évolué ces dernières années, contrairement aux infections bactériennes transmises par voie sexuelle, en hausse constante depuis 2009. Il convient de saluer l’excellente volonté constante de prévention des consommateurs de drogues, qui présentent l’incidence la plus faible parmi les groupes à risque classiques depuis la fin des années 1990 (figure 1) [1]. Lorsque le diagnostic est posé à temps, que le traitement est bien suivi et qu’il n’y a pas de comorbidités importantes, l’espérance de vie des patients infectés par le VIH n’est que minimalement réduite [2]. En raison du pronostic médical, une infection par le VIH bien contrôlée est donc compatible avec la souscription d’une assurance vie [3]. Néanmoins, chaque nouvelle infection reste un fardeau pour les patients et leur famille. Malheureusement, les patients sont encore aujourd’hui menacés de stigmatisation et perdent une partie de leur liberté en raison des contrôles médicaux réguliers et de la prise quotidienne de médicaments dès le début du traitement. De plus, chaque nouvelle infection entraîne des coûts considérables en raison du prix des médicaments, qui reste très élevé.
Pour une présentation plus complète de ce sujet, nous vous renvoyons au numéro spécial de Therapeutische Umschau d’août 2014 (“VIH aujourd’hui”, volume 71, cahier 8, août 2014).
Diagnostic et examens de base
Un test VIH doit être proposé aux groupes de patients suivants : les personnes appartenant à un groupe démographique présentant un risque accru de contracter le VIH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes, etc. [MSM]Les personnes qui souhaitent se faire dépister à leur propre demande après avoir pris un risque sexuel ou au retour d’un voyage (“voluntary counselling and testing”, VCT). Les professionnels de la santé doivent également proposer un dépistage du VIH (“provider initiated counselling and testing”, PICT) [4] dans les situations mentionnées dans le tableau 1.
Déroulement préféré du processus de dépistage du VIH : à partir du premier échantillon (sang capillaire ou sérum/plasma), seul le dépistage du VIH est effectué avec des tests combinés (anticorps anti-VIH 1/2 et antigène p24). Si le premier test est positif, un deuxième échantillon de sang EDTA frais (7-10 ml) est envoyé directement à l’un des laboratoires de déclaration du VIH désignés pour confirmation, accompagné du résultat écrit du premier test. Dans ce cadre, des tests sont effectués : Confirmation de la réactivité par un autre test, différenciation VIH-1/2/double infection, charge virale, test de résistance et distinction importante sur le plan épidémiologique entre les infections récentes (<3-6 mois auparavant) ou plus anciennes par Western-Blot [5].
Progrès sur le front de la recherche
A l’exception du patient dit de Berlin, qui a été guéri de sa leucémie et du VIH grâce à un don de moelle osseuse “résistant au VIH”, il n’y a pas encore eu de guérison durable du VIH. Néanmoins, c’est surtout une stratégie de base pour une “HIV-cure” qui gagne en popularité. Elle consiste à mobiliser le réservoir de VIH dormant dans les cellules du corps, puis à tuer de manière ciblée les cellules et les virus activés. Malgré des approches prometteuses, on estime qu’il faudra encore des années, voire des décennies, avant qu’un traitement soit possible. La recherche a également montré que les patients sans traitement, même s’ils ont encore des cellules CD4 normales, vieillissent plus rapidement sur le plan métabolique, du moins tant que la réplication du VIH et la réponse inflammatoire associée ne sont pas supprimées. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’indication de traitement est de plus en plus précoce.
Indications thérapeutiques
L’indication de commencer le traitement doit être discutée avec un médecin expérimenté dans la médecine du VIH. Les indications classiques suivantes s’appliquent au début d’un traitement antirétroviral (TAR) :
- Début en urgence (dans un délai d’un ou deux jours maximum) en cas de primo-infection VIH symptomatique ou de nouveau diagnostic VIH en fin de grossesse.
- Aussi rapidement que possible dès l’apparition d’une maladie définissant le SIDA (tab. 1) : Commencer le traitement dès que celle-ci est stabilisée.
- Chez les patients asymptomatiques, le TAR peut être démarré de manière élective (c’est-à-dire après une information détaillée sur le TAR et si le patient se déclare prêt à commencer) lorsque les patients ont un taux de cellules CD4 inférieur à 350 cellules/µl. En outre, dans certains cas, il est possible de commencer un TAR à des taux de CD4 plus élevés afin de prévenir d’autres contaminations, par exemple chez les couples discordants ou en cas de comportement à risque persistant prononcé. Ce concept de “treatment as prevention” prend de plus en plus d’importance sur le plan épidémiologique. Une étude randomisée menée sur des couples sérodiscordants en Afrique australe a démontré de manière impressionnante que cela fonctionne [6]. Toutefois, seule une période d’observation plus longue permettra de déterminer si le début précoce du traitement chez les patients séropositifs est bénéfique à long terme (comme le suggèrent déjà certaines directives internationales). Une étude mondiale est toujours en cours, dont les résultats permettront de mieux informer sur cette question (insight.ccbr.umn.edu/start/).
Options thérapeutiques
Le traitement de première ligne consiste toujours en deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et une troisième substance appartenant à l’une des classes thérapeutiques suivantes : Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (NNRTI)/Inhibiteurs de la protéase boostée par le ritonavir (r/PI)/Inhibiteurs de l’intégrase (INI). Au cours des deux dernières années, de nouvelles substances et de nouvelles combinaisons de TAR à dose fixe (“fixed dose combinations”, FDC) ont été mises sur le marché. Les avantages de ces nouveaux traitements incluent une prise de comprimés plus facile, une meilleure tolérance et un profil métabolique plus favorable par rapport aux anciens traitements. Dans toutes les classes de substances, de nouvelles substances ont été autorisées au cours des dernières années :
- NNRTI : rilpivirine
- PI : Darunavir
- INI : Elvitégravir et dolutégravir
La poursuite du développement du fumarate de ténofovir alafenamide (TAF) est attendue avec impatience. Cette substance est un précurseur du fumarate de ténofovir disoproxil (TDF, Viread®) déjà connu, mais avec une plus grande puissance antivirale et une accumulation dans les cellules lymphatiques, de sorte que les doses doivent être plus faibles. Il est intéressant de noter que la concentration dans les cellules rénales est simultanément réduite, ce qui entraîne nettement moins d’effets secondaires rénaux et osseux qu’avec le TDF.
Ces nouvelles substances sont des compléments très appréciés aux traitements actuels. Toutefois, le changement de traitements existants, qui sont virologiquement et immunologiquement efficaces, ne doit être effectué que dans des cas strictement indiqués. L’objectif principal du traitement reste la suppression durable de la réplication virale.
Surveillance et prévention des effets secondaires des thérapies à long terme
Pour la plupart des patients, le TAR est un médicament qui doit être pris pendant des décennies. Celle-ci implique un contrôle régulier quant à d’éventuelles toxicités. La lipodystrophie, principalement imputable aux premières combinaisons ART, est devenue beaucoup plus rare. En revanche, les effets secondaires rénaux (notamment une tubulopathie proximale) et l’évolution accélérée de l’ostéoporose ainsi que les dyslipidémies dues aux médicaments restent pertinents et nécessitent des contrôles réguliers.
Interactions de pièges
Les IP et les NNRTI ont un potentiel d’interaction élevé, car ils sont métabolisés par le système du cytochrome P450 et inhibent eux-mêmes ce système (IP) ou l’induisent (NNRTI). Les NRTI et les INI posent moins de problèmes à cet égard. En particulier, les taux d’antagonistes du calcium, de statines, d’immunosuppresseurs, de stéroïdes (y compris les préparations inhalées et injectables à libération prolongée), de nouveaux anticoagulants oraux et d’anticonceptifs hormonaux peuvent être modifiés de manière significative en présence de NNRTI et d’IP. Nous recommandons vivement de consulter le site web des interactions (www.hiv-druginteractions.org), le Compendium des médicaments (www.compendium.ch) ou un spécialiste du VIH avant tout changement de traitement chez les patients sous TAR.
PEP – les principaux points anciens et nouveaux
La décision d’une prophylaxie post-exposition (PEP) avec une combinaison triple d’antirétroviraux après un contact avéré ou possible avec le VIH est une urgence qui nécessite une évaluation précise des risques. En principe, les deux situations principales dans lesquelles une PEP peut se produire sont traitées différemment en ce qui concerne l’évaluation du risque : d’une part, l’exposition au sang potentiellement infectieux chez les professionnels de la santé, avec des directives datant de 2007 [7] ; d’autre part, l’exposition à des agents infectieux dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle. D’autre part, une PEP doit également être envisagée après des contacts sexuels à risque pertinents ; les directives correspondantes ont été révisées l’année dernière [8].
Des nouveautés importantes : En cas de contacts sexuels à risque, le début de la PEP est désormais fixé à 48 heures. Pour les PEP professionnelles, la fenêtre de 72 heures est maintenue. La PEP doit désormais être réalisée avec l’une des combinaisons de TAR suivantes pendant quatre semaines :
- Truvada® (ténofovir/emtricitabine) 1×/j plus Isentress® (raltegravir) 2× 400 mg/j
- Truvada® (ténofovir/emtricitabine) 1×/j plus Tivicay® (dolutégravir) 50 mg 1×/j
- Truvada® (ténofovir/emtricitabine) 1×/j plus Prezista® (darunavir) 800 mg
1×/j plus Norvir® (ritonavir) 100 mg 1×/j
Dans certains cas, la PEP peut être modifiée après avoir demandé l’avis d’un expert. Pour savoir à qui il convient de donner une PPE, consultez le tableau 2.
PrEP – Prophylaxie pré-exposition aux situations sexuelles à risque
Le Truvada® (ténofovir/emtricitabine) a montré son efficacité dans la PrEP dans plusieurs études. Le 29 octobre 2014, l’étude française IPERGAY [9] sur le Truvada® a été interrompue prématurément en raison d’une efficacité convaincante. La condition préalable à un fonctionnement est la prise d’au moins quatre comprimés à la suite en cas d’exposition épisodique peu fréquente et la prise d’au moins quatre comprimés par semaine en cas d’utilisation pratiquement continue. En raison de son coût élevé, la PrEP n’est pas encore remboursée par les caisses d’assurance maladie et reste réservée à une minorité ayant un comportement à risque et des moyens financiers correspondants. Les préparations injectables à libération prolongée pourraient constituer une alternative à l’avenir.
Littérature :
- Office fédéral de la santé publique : VIH et SIDA en Suisse : graphiques. 2013. www.bag.admin.ch/de/hiv-grafiken (disponible dans les quatre langues nationales).
- Sabin CA : Les personnes infectées par le VIH ont-elles une espérance de vie normale à l’ère des traitements antirétroviraux combinés ? BMC Med 2013 ; 11 : 251.
- Kaulich-Bartz J, et al : Insurabilité des personnes séropositives traitées par antirétroviraux en Europe : analyse collaborative des études de cohorte VIH. AIDS 2013 ; 27(10) : 1641-1655.
- Office fédéral de la santé publique : Le test VIH à l’initiative du médecin pour certaines pathologies (maladies indicatrices du VIH). Bulletin de l’OFSP 18 novembre 2013. www.bag.admin.ch/hiv_aids/05464/12752/index.html?lang=de
- Office fédéral de la santé publique : Le concept de test suisse – une vue d’ensemble actualisée. 2013. www.bag.admin.ch/hiv_aids/05464/12752™/index.html?lang=fr
- Cohen MS, et al : Prevention of HIV-1 infection with early antiretroviral therapy. N Engl J Med 2011 ; 365(6) : 493-505.
- Office fédéral de la santé publique : Procédure à suivre après exposition au sang ou à d’autres liquides biologiques du personnel de santé – Recommandations actualisées. 2007. www.bag.admin.ch/hiv_aids/05464/12752/index.html?lang=de
- Office fédéral de la santé publique : Urgence exposition au VIH – la PEP peut être la bonne réponse. 2014. www.bag.admin.ch/hiv_aids/05464/12752/index.html?lang=de
- Molina JM, ANRS. Étude Ipergay. 2014. %20release%
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(2) : 13-16