Rapport de cas : Lors d’un contrôle à deux mois, on remarque de multiples petits nodules blanchâtres sur la gencive maxillaire d’un nourrisson de sexe féminin en bonne santé. L’enfant boit bien et ne semble pas du tout gêné par l’altération de la muqueuse. La question de la genèse et de la nécessité d’un traitement des nodules se pose.
Tableau clinique : nourrisson de 2 mois en très bon état général avec de multiples petits nodules clairs et fermes le long de la crête dentaire supérieure (Fig. 1). Le reste de l’examen du nourrisson est sans particularité.
Quiz
Sur la base de ces informations, quel est le diagnostic le plus probable ?
A Epstein Perles
B Papillomes gingivaux
C Vésicules en cas de première manifestation de l’herpès simplex
D Kystes gingivaux
E Epulis congénitale
Bonne réponse et diagnostic : La bonne réponse est D. Il s’agit de kystes gingivaux.
Diagnostic et discussion :
Le tableau clinique, l’âge de la patiente et le bon état général concomitant sont typiques des kystes gingivaux.
- Les kystes épithéliaux entiers chez les petits nourrissons ont été classés pour la première fois en 1967 par Fromm sur la base de critères histopathologiques et de la localisation des kystes. Fromm a fait la distinction entre les perles d’Epstein, les nodules de Bohn et les kystes d’inclusion [1].
- Les perles d’Epstein se trouvent typiquement sur le raphé médian du palais dur et correspondent à du tissu épithélial inclus lors de la fusion du raphé.
- Les nodules de Bohn sont généralement situés sur la surface linguale et plus rarement vestibulaire de la gencive maxillaire ou sont localisés sur le palais dur antérieur. Alors que Fromm pensait que ces kystes contenaient principalement des résidus de glandes muqueuses et des canaux excréteurs, d’autres auteurs pensent qu’ils ont une sortie de la lame dentinaire lorsqu’ils sont situés sur le processus alvéolaire [2].
- En revanche, les kystes d’inclusion dentaires se situent principalement sur le processus alvéolaire sous la forme d’une à de nombreuses petites papules solides blanchâtres de 1 à 3 mm maximum. Elles se forment à partir de restes épithéliaux de la lame dentaire et présentent, à l’histopathologie, des lamelles de corne à stratification concentrique.
En raison de la confusion fréquente entre les termes et de la difficulté de distinguer cliniquement les nodules de Bohn et les kystes dentaires, Jorgenson a introduit dès 1982 une nouvelle classification qui distingue désormais les kystes palatins des kystes alvéolaires et gingivaux en fonction de leur localisation [2].
Les kystes énortiques sont généralement présents de manière congénitale, mais il est plus rarement décrit qu’ils apparaissent en période néonatale. Une étude réalisée en 2012 par Monteagudo et al. [3] a révélé une prévalence de 53,7% des kystes palatins et de 13,4% des kystes gingivaux chez 1000 nouveau-nés examinés. Chez 11% des enfants, des kystes à la fois palatins et gingivaux ont été trouvés. Dans l’étude, il y avait également une tendance chez les filles ainsi qu’une augmentation de l’incidence chez les enfants nés à terme et les enfants transférés. Ces chiffres sont bien compatibles avec d’autres études, où des kystes palatins ont été trouvés chez 55-86% de tous les nouveau-nés et des kystes gingivaux chez 13,8-97% [3,4].
En règle générale, aucune intervention thérapeutique n’a été nécessaire dans ces différentes études. Les kystes ont généralement disparu au cours des 6 premiers mois de vie [5].
Les papillomes gingivaux sont extrêmement rares chez les nouveau-nés. Elles se présentent à l’adolescence et à l’âge adulte sous la forme de papules enrobées de couleur chair, généralement plutôt molles, sur la gencive, la langue et le palais et sont soit l’expression d’une infection à HPV, soit dans le cadre de maladies syndromiques telles que le syndrome de Cowden. En cas d’infection par le virus de l’herpès simplex, il faut s’attendre à des douleurs et à une température corporelle souvent élevée chez les nourrissons. De plus, dans ce cas, la flore primaire est une vésicule et non une papule solide. Dans le cas d’une épulis congénitale, on observe un gonflement isolé et non, comme dans ce cas, de multiples petits nodules fermes.
Résumé : Les kystes épithéliaux entiers sont très fréquents selon la littérature actuelle et peuvent donc être considérés comme des variantes de la norme. Si les perles d’Epstein – c’est-à-dire les kystes palatins le long du raphé médian – sont bien connues de nombreux collègues médecins, l’existence des kystes gingivaux l’est un peu moins. Un tel cas sous des formes prononcées peut donc susciter un certain désarroi chez les parents et aussi chez les médecins traitants.
La connaissance des différents kystes buccaux permet de rassurer les parents de l’enfant concerné et d’éviter des interventions diagnostiques inutiles et souvent douloureuses.
Littérature :
- Fromm A : Epstein’s pearls, Bohn’s nodules and inclusion-cysts of the oral cavity. J Dent Child 1967 ; 34 : 275-287.
- Jorgenson RJ, et al. : finalités et anomalies intra-orales chez les nouveau-nés. Pediatrics 1982 ; 69 : 577-582.
- Monteagudo B, et al. : Prévalence du milia et des kystes palatins et gingivaux chez les nouveau-nés espagnols. Pediatric Dermatology 2012 ; 29 : 301-305.
- Paula JD, et al : Oral and facial inclusion cysts in newborns. J Clin Pediatr Dent 2006 ; 31 : 127-129.
- Van Heerden WFP, et al : Diagnostic et prise en charge des lésions et conditions orales chez le nouveau-né. South African Family Practice 2010 ; 52 : 6, 489-491.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(6) : 42-43