L’arthrose est l’une des maladies dégénératives les plus fréquentes et l’une des principales causes de handicap et de réduction de la qualité de vie. Le traitement de l’arthrose revêt donc une grande importance, d’autant plus que sa fréquence ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population. Dans la pratique, les patients bénéficient le plus d’une approche thérapeutique multimodale qui combine information, physiothérapie, activation et mesures médicamenteuses.
Les discussions sur le meilleur traitement de l’arthrose se perdent malheureusement trop souvent dans l’évaluation de mesures thérapeutiques individuelles et, en particulier, dans la comparaison de l’efficacité et de la tolérance de différents médicaments pour le traitement de la douleur. Cependant, le but du traitement de l’arthrose n’est pas seulement de réduire la douleur, mais aussi d’améliorer la capacité fonctionnelle. L’éventail des mesures non médicamenteuses disponibles est large : il va de la physiothérapie à l’arthroplastie en passant par divers moyens auxiliaires. Il est particulièrement important d’entraîner la force musculaire, l’endurance et la coordination, ce qui contribue considérablement à l’amélioration fonctionnelle.
Stratégie thérapeutique : le traitement multimodal individualisé est le plus efficace
Le traitement de l’arthrose doit toujours être individualisé en fonction des limitations fonctionnelles et des résultats cliniques, par exemple l’activation inflammatoire, la périarthropathie, la malposition, l’instabilité, l’insuffisance musculaire ou l’obésité. Le traitement ne doit pas non plus se baser uniquement sur les résultats radiologiques, qui sont souvent mal corrélés à la clinique – c’est notamment le cas pour l’indication de prothèse articulaire. L’éventail complet des options de traitement doit être utilisé au mieux. Un traitement multimodal de l’arthrose, agissant sur plusieurs ou autant de points que possible, est le plus efficace. Avant tout traitement, il convient de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres maladies présentant une symptomatologie similaire. En cas d’épanchement articulaire, il convient notamment d’exclure une arthrite par aspiration et examen du liquide articulaire.
Information des patients : le nerf de la guerre
L’information des patients fait partie intégrante du traitement de toute maladie chronique, car une bonne information peut influencer durablement le résultat. Tous les patients atteints d’arthrose doivent être informés en détail sur leur pathologie et encouragés à s’orienter vers des stratégies d’autogestion, par exemple en utilisant le matériel d’information de la Ligue suisse contre le rhumatisme.
Réduction de poids : modification de la maladie en cas de gonarthrose
Les patients en surpoids doivent être encouragés à réduire leur poids par le biais d’un régime et d’une activité physique. La combinaison du régime et de l’activité n’a pas seulement un effet additif, mais synergique en termes d’amélioration fonctionnelle et de réduction de la douleur. Même une petite perte de poids de quelques kilos peut avoir des effets positifs. Il est également bien établi que la perte de poids permet de ralentir la progression de la gonarthrose.
L’importance des autres mesures diététiques est controversée. La vitamine D et les antioxydants tels que les vitamines C et E sont au centre de l’attention. Une supplémentation en vitamine D est recommandée, au moins chez les personnes âgées.
Activité physique : l’endurance et la musculation améliorent la fonction
Le choix des activités physiques doit tenir compte du type d’atteinte et de la sévérité de l’arthrose, ainsi que du degré de déconditionnement. Un entraînement physique régulier peut augmenter l’endurance et la force musculaire et faciliter la perte de poids. Tous les patients capables de supporter l’effort doivent être encouragés à pratiquer régulièrement un programme d’entraînement aérobie à faible impact, comme la marche, le vélo ou la natation. L’aquatraining est particulièrement utile lorsque la capacité d’effort est fortement réduite. Un renforcement ciblé du quadriceps entraîne une diminution de la douleur dans le genou et une amélioration de la fonction. L’entraînement de la force doit commencer par des exercices isométriques, avant de passer à des exercices de résistance isotonique jusqu’au seuil de tolérance. De telles mesures de renforcement doivent toujours être associées à des étirements. A cela s’ajoute une gymnastique mobilisatrice. Une bonne motivation est essentielle pour maintenir ce type d’activité à long terme.
activités sont cruciales.
Physiothérapie : traitement multimodal individualisé et instruction
La physiothérapie pour l’arthrose du genou et de la hanche est toujours utile lorsque les mesures mentionnées restent insuffisantes ou que les patients n’en tirent pas assez de bénéfices. La kinésithérapie consiste notamment en des mobilisations actives et passives, et les patients reçoivent des instructions pour renforcer les muscles de manière ciblée et protéger les articulations contre les surcharges. La kinésithérapie peut également contribuer grandement à optimiser l’observance du patient à long terme.
Un taping instruit par un physiothérapeute est utile non seulement pour le syndrome fémoro-patellaire, mais aussi pour la gonarthrose. En plus de la médialisation de la rotule, l’objectif est de soulager les structures périarticulaires douloureuses et d’améliorer la qualité de vie des patients.
d’améliorer la proprioception.
Les mesures physiques sont adaptées pour permettre des mesures actives. Le froid est utile en cas d’activation inflammatoire ; la chaleur, les ultrasons et le TENS ont principalement une place dans les périarthropathies.
les aides et les orthèses : Réduction des contraintes biomécaniques sur les articulations
L’utilisation d’une canne du côté opposé à l’articulation douloureuse est utile dès que la fonction de marche est affectée. L’utilisation d’une canne ordinaire permet de réduire de plus de 50% la charge sur les articulations. Au niveau du genou, des manchons élastiques et, en cas de forte instabilité ou de mauvaise position, des attelles sont également utiles. Les manchettes agissent principalement en améliorant la proprioception. Les attelles thermoplastiques sont utiles dans l’arthrose des articulations du pouce et notamment dans la rhizarthrose. En cas de gonarthrose, des chaussures absorbant les chocs sont utiles et des talonnettes cunéiformes peuvent être utilisées pour tenter de soulager les formes unicompartimentales.
Les analgésiques : Respecter le rapport effet/toxicité
Pour une douleur arthrosique légère à modérée, le paracétamol est le produit de premier choix. Si celui-ci ne fonctionne pas ou pas suffisamment, il est possible de passer aux AINS ou aux opioïdes ou de les ajouter. Sauf en cas d’activation inflammatoire de l’arthrose, l’utilisation primaire des AINS doit être évitée autant que possible en raison de leur risque élevé de toxicité. Les comorbidités doivent toujours être prises en compte dans le traitement médicamenteux. Le traitement doit être administré à la dose efficace la plus faible possible et sur la période la plus courte possible. En cas d’AINS, l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons doit être envisagée.
Médicaments topiques : une autogestion bien tolérée
Les médicaments topiques sont souvent sous-estimés, à tort. Leur utilisation est particulièrement indiquée lorsque les douleurs sont dues à une périarthropathie ou lorsque les préparations systémiques présentent un risque de toxicité trop élevé. Outre les AINS, la capsaïcine et diverses autres préparations à base de plantes (par exemple l’arnica montana) entrent également en ligne de compte.
Glucocorticoïdes intra-articulaires : en cas d’activation inflammatoire
Les stéroïdes intra-articulaires sont particulièrement indiqués lorsqu’il y a une activation inflammatoire de l’arthrose (douleurs nocturnes, raideur matinale, échauffement, épanchement articulaire). L’effet est généralement très rapide et peut durer longtemps.
Une technique d’injection stérile correcte est une condition préalable à la réussite. En cas de technique aveugle, le risque d’injection para-articulaire est élevé, même pour les personnes expérimentées. C’est pourquoi il est préférable de procéder à des injections guidées par échographie ou radiologie, en particulier pour l’articulation de la hanche.
Viscosupplémentation : un effet durable et bien toléré
L’injection de préparations d’acide hyaluronique est particulièrement utile dans les cas d’arthrose non activée avec suffisamment de cartilage résiduel. Son effet est le mieux démontré dans la gonarthrose. D’autres arthroses peuvent également valoir la peine d’être essayées, par exemple la coxarthrose ou la rhizarthrose. Par rapport au traitement par glucocorticoïdes intra-articulaires, l’effet est retardé, à savoir environ un mois après le début du traitement. En revanche, la réduction de la douleur et l’amélioration fonctionnelle durent souvent plusieurs mois. La tolérance des préparations d’acide hyaluronique issues de la biotechnologie est excellente. La viscosupplémentation n’est pas prise en charge par l’assurance de base ; certaines assurances complémentaires la prennent en charge.
Infiltrations périarticulaires : très efficaces en cas d’arthrose décompensée
En cas de périarthropathie, l’infiltration locale au niveau des structures douloureuses est préférable à l’injection articulaire. Au niveau du genou, l’infiltration du pes anserinus, en particulier, est souvent une mesure très efficace. Il est préférable d’utiliser un mélange d’un stéroïde cristallin et d’un anesthésique local.
Glucosamine et chondroïtine : des effets controversés
L’effet des glucosamines et des chondroïtines ingérées est controversé. Certaines études suggèrent de légères améliorations en termes de douleur et de fonction, ainsi qu’un ralentissement de la dégradation du cartilage, notamment en cas d’utilisation précoce. La tolérance de ces préparations est excellente. En principe, si elles ne servent à rien, elles ne font pas de mal – mais elles coûtent.
Médecine complémentaire : répondre aux attentes du patient
L’efficacité de la plupart des mesures de médecine complémentaire, comme l’acupuncture, n’est pas ou peu prouvée. En fonction des attentes des patients, il peut néanmoins être utile de les utiliser, d’autant plus que l’effet placebo est généralement assez important dans le traitement de la douleur.
Dr. med. Adrian Forster
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- La gestion de l’arthrose est d’autant plus efficace qu’elle est personnalisée et multimodale.
- La réduction du poids corporel, les activités visant à améliorer la force et l’endurance et la fourniture d’aides et d’orthèses sont des interventions de base efficaces et sans effets secondaires.
- La physiothérapie est indispensable à l’amélioration ciblée de la fonction musculaire et de la mobilité.
- Le choix des médicaments systémiques pour le traitement de la douleur se fait en fonction des manifestations de la maladie, de l’intensité de la douleur et des comorbidités.
- En cas d’arthrose activée, l’injection de glucocorticoïdes est une mesure de traitement rapide et très efficace.
- La viscosupplémentation a un effet retardé par rapport aux glucocorticoïdes intra-articulaires, mais son effet est plus durable.
- En cas de périarthropathie (arthrose décompensée), les mesures physiques, l’application de produits pharmaceutiques topiques et les infiltrations locales sont utiles.
Littérature :
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(8) : 24-26