Les maladies des ongles peuvent être très gênantes pour le patient sur le plan esthétique, mais aussi sur le plan fonctionnel. Avant de prendre une décision thérapeutique, il est important de déterminer si la modification de l’ongle est due à une pathologie passée ou toujours en cours. Les causes importantes des ongles secs, friables, déformés ou décolorés sont les influences exogènes, les infections, y compris les mycoses des ongles, le psoriasis, l’eczéma et les tumeurs.
Les ongles contribuent de manière significative à l’apparence des mains, c’est pourquoi les maladies des ongles sont particulièrement handicapantes pour les patients. Avant de pouvoir se poser la question des possibilités de traitement appropriées, il faut bien entendu établir un diagnostic. Dans ce qui suit, les maladies des ongles sont grossièrement divisées en fonction de leurs causes : les influences exogènes, y compris les infections, les inflammations endogènes et les tumeurs.
L’ongle permet de voir comment les influences ont agi au fil du temps. Par exemple, les stries transversales (sillons de Beau-Reil) sont le signe d’un trouble de croissance généralisé de courte durée, les stries se développant au fur et à mesure. Les crêtes ou les canalicules longitudinaux, signes d’une augmentation ou d’une diminution focale et prolongée de la croissance de l’ongle, persistent tant que le processus causal au niveau de la matrice n’est pas traité. Avant de décider d’un traitement, il faudra donc toujours tenir compte du fait qu’il s’agissait d’un facteur pathogène agissant brièvement et de manière rétroactive ou que la pathologie persiste.
Influences exogènes
Les influences exogènes se traduisent souvent par des modifications de la plaque unguéale. Dans le cas de l’onychoschisis, la plaque distale de l’ongle se fragmente à la suite d’une déshydratation, souvent aussi à cause d’un travail en milieu humide ou d’une action mécanique. Lors de l’examen des ongles cassants, l’anamnèse avec des questions sur les influences pathogènes correspondantes, y compris les toxines professionnelles (ciment, thioglycolates, solvants, acides, alcalis, aniline, sel, solution sucrée) et les produits cosmétiques pour les ongles ou les procédures de cosmétique pour les ongles revêtent la plus grande importance, les examens chimiques de laboratoire jouent plutôt un rôle secondaire. Seul le dosage de la ferritine peut être utile, en particulier s’il existe une hapalonychie avec des ongles mous ou une koilonychie avec des ongles concaves et bombés.
Une onycholyse distale est souvent observée, notamment en cas de contacts humides réguliers (Fig. 1). Il se produit alors un ourlet inflammatoire dans la zone de l’hyponychium, qui entraîne le détachement de l’ongle du lit de l’ongle. L’effet de capillarité attire davantage d’humidité avec des particules de saleté et des bactéries dans l’espace interstitiel ainsi créé, ce qui perpétue le processus. La seule solution est d’éviter systématiquement l’humidité (port de gants) et de couper les ongles courts. Les infections bactériennes sous-unguéales (figure 2) et la paronychie à candida sont également liées au travail en milieu humide. En cas d’infection sous-unguéale, l’ongle décollé doit être coupé pour permettre un brossage prudent et la désinfection. Dans le cas de la paronychie à Candida, outre les préparations azolées systémiques, on a parfois recours à la chirurgie avec ablation en forme de croissant du bord de l’ongle chroniquement infecté. La principale mesure à prendre est d’éviter les contacts humides et les traumatismes répétés. Comme il arrive que des microtraumatismes déjà répétés, comme le travail sur des claviers, surtout avec des ongles longs, puissent nuire à la croissance de l’ongle, il faut raccourcir les ongles.
En cas d’ongles secs et cassants, de simples huiles ou crèmes nourrissantes (notamment à base de phospholipides) sont utiles. Dans la multitude d’autres produits cosmétiques de soins des ongles vantés, les preuves scientifiques d’efficacité font généralement défaut.
Carence en fer
En cas de carence en fer avérée, une substitution de fer par voie systémique est effectuée. La prise de biotine par le biais de l’alimentation (millet) ou d’une préparation de supplémentation peut être utile. Dans tous les cas, le médecin et le patient doivent faire preuve de suffisamment de patience, car les modifications de la plaque unguéale, et donc les améliorations de celle-ci, ne peuvent être évaluées qu’après la repousse de l’ongle, c’est-à-dire après une période de 3 à 6 mois.
Onychophagie
Le traitement devient plus difficile lorsque, comme dans le cas de l’onychophagie, le patient provoque lui-même la pathologie dans le cadre d’un trouble du contrôle des impulsions (figure 3). Comme cela se produit consciemment et est généralement confirmé sur demande, l’onychophagie est classée parmi les para-artéfacts. Pour modifier ce comportement, l’application d’un excipient au goût amer peut être utile pour le déconditionnement, par exemple avec des vernis à ongles appropriés ou des tétracyclines topiques.
Onychomycoses
Une dystrophie grumeleuse des ongles indique une onychomycose. Les ongles des mains sont toutefois moins souvent touchés que ceux des pieds. Cependant, au début, il peut n’y avoir que des changements discrets (Fig. 4) qui posent des problèmes de diagnostic différentiel. La détection de la mycose est impérative avant tout traitement.
Le prélèvement de matériel unguéal pour le diagnostic mycologique se fait par voie sous-unguéale. La méthode la plus sensible pour détecter une onychomycose est la préparation histologique de matériel d’ongle coupé avec coloration PAS ; cette méthode peut être utilisée dans les cas peu clairs. Lorsqu’elles sont détectées, les onychomycoses doivent être traitées par voie systémique, la terbinafine 250 mg/jour étant le gold standard. Les azoles sont également efficaces ou constituent le traitement de choix en cas d’infection à Candida. Le traitement d’une onychomycose dure généralement plusieurs mois, mais il n’est pas nécessaire de traiter jusqu’à la repousse complète des parties décolorées ou déformées de l’ongle. L’utilisation exclusive de vernis à ongles contenant de l’amorolfine n’entraîne généralement pas de guérison, mais peut réduire le taux de récidive en association avec le traitement systémique.
Inflammations endogènes : Psoriasis, eczéma, lichen ruber
Le psoriasis est la maladie de peau la plus courante qui affecte les ongles. En cas d’atteinte de la matrice, on observe principalement des fossettes, une leuconychie, un érythème lunulaire et une onychodystrophie. (Fig. 5), en cas d’atteinte du lit de l’ongle, principalement des taches d’huile, une onycholyse, une kératose sous-unguéale et des hémorragies par écharde (Fig. 6). En cas de suspicion de psoriasis des ongles, l’examen complet de la peau est essentiel pour poser le diagnostic, car le psoriasis n’apparaît que chez 1 à 5 % des patients de manière isolée sur les ongles et on peut donc s’attendre à d’autres modifications. Parallèlement, le psoriasis des ongles peut indiquer une arthropathie psoriasique, car jusqu’à 80% des patients atteints d’arthropathie psoriasique présentent également des modifications des ongles. En conséquence, une évaluation et un traitement dermatologiques et rhumatologiques précoces doivent être mis en place.
Une trachyonychie (Fig. 7) avec rugosité de toute la tablette unguéale est observée dans ce que l’on appelle la “twenty-nail-dystrophy”, mais aussi dans le lichen ruber planus, l’eczéma ou l’alopécie areata.
Les maladies inflammatoires de l’ongle sont difficiles à traiter avec des produits thérapeutiques locaux, car il est difficile de faire pénétrer les principes actifs dans la matrice et le lit de l’ongle. Les stéroïdes topiques sont utilisés en premier lieu, sous forme de crème ou de pommade dans la zone matricielle et sous forme de solution dans la zone sous-unguéale. Dans le psoriasis, les analogues de la vitamine D peuvent également être utilisés en monothérapie ou en association. Les injections intralésionnelles de stéroïdes en suspension dans des cristaux constituent une option thérapeutique efficace, mais également douloureuse. Le site d’application doit inclure à la fois la matrice et le lit de l’ongle, en fonction du type d’infestation. Il est donc généralement nécessaire de procéder à deux injections latérales dans la zone matricielle et sous le lit de l’ongle. Des rétinoïdes systémiques peuvent également être utilisés en cas de modifications prononcées dans le cadre d’un eczéma ou d’un lichen rugueux. Dans le cas du psoriasis, il est possible de recourir à un traitement systémique par inhibiteurs du TNF-alpha, notamment en présence d’une arthrite psoriasique.
Tumeurs
Les tumeurs sont généralement excisées, il s’agit donc plus d’un problème de diagnostic que d’un problème thérapeutique. Il s’agit en premier lieu de différencier les modifications suspectes de malignité des modifications bénignes. Ce sont surtout les modifications mélanocytaires qui soulèvent toujours des questions de diagnostic (fig. 8). Les hématomes sous-unguéaux apparaissent au début, surtout dans la zone périphérique, plutôt bleu-rouge, puis vert. Une coloration verte peut également être observée dans les infections du lit de l’ongle par Pseudomonas.
Une mélanonychie stratifiée nouvellement apparue chez l’adulte doit toujours être examinée, en particulier si elle est plus large que 5 mm et plus large en proximal qu’en distal (donc si elle grandit), si elle déborde sur le bord de l’ongle (signe de Hutchinson) ou si l’ongle devient dystrophique.
Les tumeurs sous la tablette unguéale modifient également la forme de l’ongle au fur et à mesure de leur développement. Les processus situés au-dessus de la matrice entraînent une impression de la plaque unguéale sous l’effet de la pression, tandis qu’une plaque unguéale soulevée indique la présence d’une tumeur sous-unguéale. Les processus malins tels que la maladie de Bowen ou le mélanome malin peuvent entraîner des modifications de la plaque unguéale, voire une destruction complète (Fig. 9).
Si une biopsie est nécessaire, elle peut être réalisée dans la zone du lit de l’ongle au moyen d’une perforation à travers l’ongle avec prélèvement d’une perforation plus petite dans le lit de l’ongle. Le défaut qui en résulte dans la plaque de l’ongle se développe. Dans la zone matricielle, une biopsie à l’emporte-pièce d’un diamètre maximal de 3 mm est également possible sans provoquer une fissure permanente de l’ongle.
Les mélanomes dans la région des ongles n’ont pas un plus mauvais pronostic que les mélanomes d’épaisseur comparable dans d’autres localisations. Cependant, le retard de diagnostic est en moyenne de deux ans. Dans le cas de mélanomes in situ ou peu invasifs, l’excision de l’unité unguéale avec une marge de sécurité appropriée, suivie d’une couverture par une greffe de peau pleine, peut suffire sans aggraver le pronostic. L’amputation n’est pas obligatoire dans une telle situation. La préservation du rayon peut être fondamentale pour le patient, notamment au niveau du pouce et a fortiori de la main directrice.
Littérature complémentaire :
- Dehesa L, Tosti A : Traitement des troubles inflammatoires de l’ongle. Dermatol Ther 2012 ; 25 : 525-534.
- Tan ES, Chong WS, Tey HL : Nail psoriasis : a review. Am J Clin Dermatol 2012 ; 13 : 375-388.
- Radtke Ma, Beikert FC, Augustin M : Le psoriasis des ongles – un défi thérapeutique en clinique et en pratique. JDDG 2013 ; 11 : 203-221.
- Nenoff P, Paasch U, Handrich W : Infections des ongles des doigts et des orteils par des champignons et des bactéries. Dermatologue 2014 ; 65 : 337-348.
- Löser C, Mayser PA : Clou sombre. Clinique, diagnostic et traitement de la mélanonychie. Dermatologue 2014 ; 65 : 327-336.
- Haneke E : Tumeurs malignes de l’organe de l’ongle. Dermatologue 2014 ; 65 : 312-320.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Lors de l’examen des ongles cassants, l’anamnèse est au premier plan avec des questions sur les influences pathogènes.
- Une dystrophie grumeleuse des ongles indique une onychomycose. Il est impératif de détecter la mycose avant de commencer le traitement.
- Le psoriasis est la maladie de peau la plus courante qui affecte les ongles. Les patients concernés doivent faire l’objet d’une évaluation et d’un traitement dermatologiques et rhumatologiques précoces.
- Les décolorations sombres des ongles en forme de bandes (melanonychia strata) méritent toujours d’être examinées, car un mélanome malin est suspecté.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2014 ; 24(6) : 12-15