Les changements dans les habitudes de défécation, les douleurs abdominales, les ballonnements, les brûlures d’estomac et les troubles de la déglutition sont des plaintes fréquentes pour lesquelles les patients consultent leur médecin généraliste et qui les amènent souvent à être référés à un gastro-entérologue. Les défis de la prise en charge des troubles gastro-intestinaux fonctionnels sont le caractère non spécifique des symptômes, l’absence de diagnostic définitif par des examens standard et le manque d’options de traitement spécifiques. Il est recommandé d’adopter une approche structurée et fondée sur des données probantes pour le traitement des patients souffrant de symptômes gastro-intestinaux chroniques.
Des symptômes de dysfonctionnement gastro-intestinal peuvent apparaître entre le moment où le patient avale un bolus alimentaire et le moment où il l’élimine (Fig. 1) .
Les troubles de la déglutition, les brûlures d’estomac, les ballonnements abdominaux, les douleurs abdominales et les changements de consistance et de fréquence des selles sont très fréquents. Une enquête récemment publiée montre une prévalence de 5 à 15% en Europe pour le reflux gastro-œsophagien, la dyspepsie et le syndrome du côlon irritable [1]. Il n’est donc pas surprenant que les “symptômes gastro-intestinaux fonctionnels” donnent très souvent lieu à des consultations chez le médecin généraliste, puis à des orientations vers le gastro-entérologue. L’évaluation et le traitement de ces troubles contribuent à des coûts de santé élevés [2]. La réduction de la capacité de travail et les jours de maladie entraînent des coûts pour le patient et la société. Bien que l’espérance de vie des patients concernés soit normale [3], leur qualité de vie peut être tout aussi limitée par ces troubles que celle d’un patient souffrant d’insuffisance cardiaque ou d’une tumeur [4].
La première partie de cet aperçu présente une approche structurée de l’examen des patients présentant des symptômes gastro-intestinaux. La deuxième partie présente les possibilités d’évaluation spécialisée des patients chez qui les évaluations de routine n’ont pas permis de trouver la cause des symptômes.
Examen des troubles gastro-intestinaux fonctionnels
Selon les critères de Rome III, les maladies gastro-intestinales fonctionnelles se définissent par des symptômes gastro-intestinaux pendant au moins trois mois au cours des six mois précédant le diagnostic et sans pathologie organique décelable [5]. En fonction des questions posées, l’endoscopie, l’imagerie et les examens de laboratoire permettent d’exclure les maladies tumorales, les calculs biliaires, les maladies peptiques, la maladie cœliaque, la colite, etc. Les patients présentant des symptômes légers et des résultats d’examen négatifs peuvent souvent être bien traités par des mesures simples (par ex. suppression de l’acidité, régulation des selles avec des fibres gonflables). En particulier, la certitude qu’il n’y a pas de maladie grave ne doit pas être sous-estimée dans son importance pour le développement des symptômes. Pour les patients dont les symptômes persistent malgré le traitement, l’exclusion de maladies graves ne suffit pas. Une évaluation spécialisée dans un laboratoire fonctionnel est nécessaire dans de tels cas.
Les objectifs de ces examens spécialisés sont de déterminer l’étiologie des symptômes et d’établir un diagnostic clair, base d’un traitement rationnel et efficace. Dans le passé, les possibilités techniques médicales d’évaluation de la motilité et de la fonction gastro-intestinales étaient très limitées. Par conséquent, seuls les patients présentant une suspicion clinique de trouble grave de la motilité (achalasie), un reflux gastro-œsophagien sévère ou en vue d’un traitement chirurgical de l’incontinence fécale ont fait l’objet d’un examen spécifique plus approfondi. Même chez ces patients, les diagnostics étaient souvent plus subjectifs, basés sur la présentation clinique plutôt que sur le résultat d’examens objectifs [6].
Les nouvelles technologies telles que la manométrie haute résolution (HRM) améliorent la précision et l’utilité clinique des mesures physiologiques. L’utilisation de ces technologies dans des situations proches de la vie quotidienne (par exemple pendant un repas test) permet à l’examinateur de savoir si des événements gastro-intestinaux (contractions, reflux, production de gaz) sont liés aux plaintes du patient.
Évaluation initiale
Lors de l’évaluation initiale d’un patient souffrant de troubles gastro-intestinaux, il convient de rechercher des signes d’alarme tels que la dysphagie ou la perte de poids, qui pourraient indiquer une néoplasie, un ulcère ou une maladie inflammatoire de l’intestin (tableau 1). En présence de signes d’alarme, la première chose à faire est de réaliser une endoscopie ou une imagerie. Des études prospectives et des méta-analyses montrent que les signes d’alerte sont associés à une maladie grave dans 5-10% des cas, contre un risque de 1-2% chez les patients ne présentant pas ces symptômes [7,8].
En l’absence de signes d’une éventuelle maladie grave, les examens invasifs ne sont pas obligatoires [9,10]. Dans ce cas, le diagnostic de maladie gastro-intestinale fonctionnelle peut être posé sur la base de la présentation clinique et des résultats de laboratoire négatifs (tableau 2).
Différents indices permettent de distinguer les maladies organiques des maladies fonctionnelles (tab. 3). Dans le cas d’une étiologie organique, les symptômes sont stables ou progressifs sur une longue période, alors que dans le cas d’une étiologie fonctionnelle, les patients se plaignent souvent de symptômes multiples et changeants. Les patients souffrant de troubles intestinaux fonctionnels présentent jusqu’à 50% de troubles psychiatriques tels que l’anxiété, la dépression ou la somatisation. Chez les patients atteints de maladies organiques (par ex. colite), ce chiffre est d’environ 20%, et dans l’ensemble de la population, d’environ 10% [13,14]. En outre, les facteurs de stress psychosocial sont souvent associés à des symptômes prononcés, à une incapacité de travail et à une non-réponse à des traitements spécifiques [15]. Les questionnaires sont très utiles dans ce contexte pour s’assurer qu’une psychopathologie cliniquement pertinente est identifiée et traitée à un stade précoce.
Thérapie empirique
Si, après l’évaluation initiale, un dysfonctionnement est envisagé comme la cause la plus probable des symptômes, il faut en informer le patient. En cas de suspicion d’un trouble grave de la motilité (par ex. achalasie), il est indiqué d’adresser le patient à un laboratoire de la fonction GI. Dans d’autres cas, il est préférable de suivre un traitement empirique avant de procéder à des examens complémentaires. En cas de troubles du reflux et de symptômes peptiques, un essai de traitement par un bloqueur de la pompe à protons, administré deux fois par jour, est utile [9,10]. Des méta-analyses montrent qu’une suppression de l’acidité peut être utile en cas de symptômes de reflux et de dyspepsie (par exemple, l’oméprazole combiné à des alginates ou des antiacides en cas de troubles de la perforation). Un traitement d’éradication de Helicobacter pylori (si présent) est également utile, mais son efficacité est plutôt faible (environ 10% de mieux que le placebo) [18].
Chez les patients souffrant de troubles colorectaux, on applique un traitement empirique à base d’antispasmodiques et d’une régulation des selles à l’aide de fibres alimentaires (p.ex. psyllium). Des médicaments qui régulent la fréquence et la consistance des selles (par ex. lopéramide, polyéthylène glycol) peuvent être administrés en complément [19]. Les antidépresseurs à faible dose (par ex. amitryptiline, mirtazapine, citalopram) sont souvent efficaces pour traiter les symptômes fonctionnels de l’IG tels que les douleurs abdominales, les nausées, les ballonnements et l’hypersensibilité viscérale. [20–22]. Si une comorbidité psychiatrique est suspectée, il est recommandé d’orienter le patient vers un psychiatre ou un psychologue. Si ces stratégies initiales échouent, des thérapies telles que la diététique et la physiothérapie doivent être envisagées. Si ces mesures ne permettent pas d’améliorer les symptômes, il est indiqué d’orienter le patient vers un laboratoire fonctionnel afin d’identifier les pathologies cliniquement significatives et de permettre ainsi un traitement ciblé. (Tab.4).
Partie 2 dans le prochain numéro
Bibliographie chez l’éditeur
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(11) : 31-34