Les palpitations sont un symptôme fréquent et d’origine généralement bénigne. Une anamnèse ciblée, associée à l’examen clinique et à l’ECG de repos, permet de décider quels patients doivent faire l’objet d’un diagnostic avancé et où il est possible d’opter pour une approche expectative. Un aperçu du triage diagnostique actuel et des concepts thérapeutiques de base.
Les palpitations (du latin palpitare = trembler, cligner des yeux) sont un symptôme fréquent en consultation de médecine générale et de cardiologie [1] et sont décrites par les patients, entre autres, comme des trépidations, des palpitations, des tachycardies ou des arrêts cardiaques. Le terme de palpitations implique une sensation désagréable d’augmentation, d’accélération ou d’irrégularité de l’activité cardiaque [2]. Les causes de ces troubles sont multiples et vont d’extrasystoles bénignes à des tachyarythmies ventriculaires potentiellement mortelles. Le diagnostic des palpitations est parfois difficile et long à établir en raison de la nature généralement transitoire des symptômes/troubles du rythme. Chez la majorité des patients, la cause des palpitations est bénigne et il y a globalement un faible risque de mortalité [3].
La tâche des médecins traitants consiste à documenter et à diagnostiquer les éventuels troubles du rythme (corrélation symptômes-rythme), à stratifier les risques et, enfin, à proposer un traitement si possible spécifique à l’arythmie. Sur la base d’une anamnèse minutieuse, d’un examen clinique et de la réalisation d’un ECG de repos, une première évaluation clinique est effectuée et il est décidé chez quels patients un diagnostic plus poussé, le plus ciblé possible, doit être effectué.
Causes
Sur le plan physiopathologique, les palpitations peuvent être attribuées à différents mécanismes/causes (Tab.1), parmi lesquelles on peut distinguer trois catégories : D’une part, des contractions trop rapides, irrégulières ou lentes et vigoureuses dans le cadre de troubles du rythme, d’autre part, des contractions intensifiées et violentes avec un mouvement cardiaque anormal en cas de cardiopathie structurelle ou d’augmentation du volume des battements et enfin, des modifications de la perception subjective des battements cardiaques, comme par exemple dans le cadre de maladies psychosomatiques [4].
Les palpitations dans le cadre de troubles du rythme peuvent être déclenchées par des extrasystoles auriculaires et ventriculaires, par des troubles du rythme ventriculaire ou supraventriculaire réguliers ou irréguliers. Le sexe masculin, un âge avancé, des palpitations irrégulières, une cardiopathie préexistante et une durée d’épisode >5 min sont des éléments suggestifs d’une cause rythmogène des palpitations [3].
Outre les maladies cardiaques structurelles, les maladies psychosomatiques sont justement une cause fréquente de palpitations. Il convient en premier lieu d’exclure une origine somatique (troubles du rythme, cardiopathie structurelle). Il n’est pas rare que des patients souffrant de tachycardie supraventriculaire soient diagnostiqués à tort comme souffrant de maladies psychosomatiques, qui peuvent finalement être guéries par un traitement antiarythmique. Un âge plus jeune et le sexe féminin peuvent indiquer une cause psychosomatique [5].
En particulier pour les tachycardies sinusales, mais aussi pour la fibrillation auriculaire, les tachycardies auriculaires (multifocales) et, dans une moindre mesure, pour les autres tachyarythmies, il faut penser à des maladies internes (hyperthyroïdie, anémie, infections, dyselectlycémies, etc.), à des stimulants ou à des médicaments.
Diagnostic de base
L’examen des palpitations repose sur une anamnèse détaillée. Après que le patient a décrit ses symptômes, les palpitations doivent être explorées de manière ciblée. Le tableau 2 résume les principales questions. L’interrogatoire porte d’une part sur l’évaluation des symptômes pendant le ou les épisodes, d’autre part sur le comportement du rythme cardiaque, ainsi que sur la fréquence des épisodes et les éventuels facteurs déclencheurs. Lors de la caractérisation des palpitations, il peut être utile de demander au patient de pré-percevoir le rythme et la fréquence des palpitations. Dans l’ensemble, l’anamnèse peut fournir des indications sur des arythmies spécifiques, mais la précision du diagnostic est globalement faible [6].
L’examen clinique a pour but de rechercher des indices de la présence de maladies cardiaques structurelles (viatiques, cardiomégalie, signes d’insuffisance cardiaque, etc.) et d’éventuelles maladies systémiques (hyperthyroïdie, anémie, etc.).
Si le patient ressent des palpitations pendant la consultation, la première étape consiste à réaliser un ECG de repos. L’ECG 12 dérivations pendant les palpitations est considéré comme l’étalon-or du diagnostic. Il est indispensable pour évaluer les palpitations/les troubles du rythme potentiels. En cas de palpitations persistantes, une corrélation symptôme-rythme peut être directement établie. Sinon, l’ECG permet de stratifier davantage le risque et de déterminer la cause [4], (tableau 3).
Les examens de laboratoire approfondis ne font pas partie du diagnostic initial. Selon les auteurs, les valeurs thyroïdiennes (TSH +/- valeurs thyroïdiennes périphériques), l’hémoglobine et les valeurs d’inflammation humorale devraient toutefois être généreusement déterminées en cas d’anomalies cliniques, car elles peuvent influencer de manière déterminante le diagnostic et surtout le traitement ultérieur.
L’anamnèse, l’examen clinique et l’ECG de repos permettent une première évaluation et aident à décider quels patients doivent être examinés plus en détail. L’organigramme suivant illustre le processus de clarification (fig. 1).
Diagnostic avancé
Si la cause des palpitations n’est pas claire après le diagnostic de base, le cardiologue doit évaluer un diagnostic étendu, en particulier s’il existe des signes de pertinence hémodynamique des palpitations, d’une cardiopathie structurelle ou d’autres “drapeaux rouges”. (Tab.2). On peut y renoncer chez les patients dont l’examen cardiaque est structurellement normal et dont les épisodes sont rares (oligosymptomatiques). Lors de l’évaluation avancée, la corrélation des symptômes avec le rythme est l’étalon-or pour confirmer le diagnostic et classer les palpitations en causes rythmogènes et non rythmogènes. Un dispositif de surveillance approprié est choisi en fonction de la fréquence et de la durée des épisodes (tableau 4) .
Dans l’idéal, cela permet de documenter les troubles du rythme proprement dits, mais le début et la fin du trouble du rythme fournissent également des informations importantes sur son mécanisme et sur le diagnostic précis. La spécificité des examens est élevée, du moins pour différencier s’il s’agit de palpitations rythmogènes ou non rythmogènes. La sensibilité varie en fonction du dispositif et de la question posée (tableau 5).
Outre le diagnostic/l’enregistrement de l’ECG en vue d’établir une corrélation entre les symptômes et le rythme, l’échocardiographie fait également partie de l’examen étendu, avec la question d’une cardiopathie structurelle. L’échocardiographie fournit des informations importantes qui peuvent être utiles à la fois pour stratifier le risque et pour déterminer l’origine du trouble du rythme. Par exemple, une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) <35% augmente la probabilité de tachyarythmie ventriculaire et de mort subite, tout comme la découverte d’une cardiomyopathie hypertrophique (obstructive) ou d’une dysplasie ventriculaire droite arythmogène [9]. Une dilatation marquée de l’oreillette gauche est associée à une augmentation de l’incidence de la fibrillation auriculaire.
Selon les résultats de l’échocardiographie et du diagnostic du rythme, d’autres investigations sont nécessaires (IRM cardiaque, diagnostic d’ischémie, cathétérisme cardiaque gauche, examen électrophysiologique, etc. Dans l’idéal, un diagnostic peut être confirmé et un traitement spécifique mis en place après le diagnostic avancé. Dans le cas contraire, il convient au moins de décider si une approche expectative est justifiable sur la base de la stratification des risques.
Thérapie
Les facteurs déclencheurs, les maladies cardiaques structurelles traitables (par exemple, la maladie coronarienne) ou les maladies systémiques doivent être abordés directement. En cas d’arythmie documentée, un traitement médicamenteux ou par cathéter aussi ciblé que possible doit être mis en œuvre (par exemple, examen électrophysiologique et ablation par voie lente en cas de tachycardie par réentrée du nœud AV classique). Le cas échéant, des stimulateurs cardiaques, des défibrillateurs cardioverteurs implantables (DCI) ou des dispositifs de thérapie de resynchronisation cardiaque (CRT) sont également utilisés.
Les facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète, obésité, nicotine, etc.) doivent être traités de manière cohérente, car ils sont connus pour influencer défavorablement le pronostic des patients et peuvent également entretenir l’arythmie, comme par exemple dans le cas de la fibrillation auriculaire. Un aperçu détaillé du traitement spécifique des différents troubles du rythme n’est pas possible ici, mais peut être consulté dans des directives récentes, par exemple celles de l’ESC (European Society of Cardiology) [10,11].
Résumé
Les palpitations sont un symptôme fréquent dans la population générale et sont généralement d’origine bénigne. Une anamnèse ciblée, associée à l’examen clinique et à l’ECG de repos, permet de décider quels patients doivent faire l’objet d’un diagnostic avancé et quels patients peuvent faire l’objet d’une approche expectative.
La base du diagnostic avancé des palpitations est la mise en évidence des corrélations symptômes-rythme à l’aide de dispositifs ECG, qui doivent être choisis en fonction de la fréquence, de la durée et de la clinique des palpitations. L’échocardiographie complète le diagnostic et répond à la question de l’état structurel du cœur. D’autres examens ciblés sont utilisés, tels que l’IRM cardiaque, le diagnostic non invasif ou invasif de l’ischémie ou les examens électrophysiologiques.
Messages Take-Home
- Les palpitations sont des réactions du cœur désagréablement ressenties, amplifiées, accélérées ou irrégulières et constituent globalement un symptôme cardiologique fréquent.
- Sur le plan physiopathologique, il existe trois causes principales : Les troubles du rythme, les cardiopathies structurelles et l’altération de la perception subjective des battements cardiaques.
- Chez la majorité des patients, la cause est bénigne.
- Une anamnèse ciblée, associée à un examen clinique et à un ECG de repos, constitue le diagnostic de base.
- La base du diagnostic avancé est la mise en évidence des corrélations entre les symptômes et le rythme au moyen de dispositifs ECG, complétés par l’échocardiographie.
- Le traitement dépend de la maladie sous-jacente et va de la thérapie médicamenteuse à la thérapie chirurgicale, y compris l’utilisation de la chirurgie.
- Traitement avec des dispositifs de stimulation cardiaque. La modification des facteurs de risque cardiovasculaire devrait également être incluse.
Littérature :
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- www.pschyrembel.de
- Weber BE, et al : Évaluations et résultats des patients atteints de palpitations. Am J Med 1996 ; 100 : 138-148
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