Il existe des preuves de niveau 1 de l’utilité des BT supplémentaires pour les cancers de l’endomètre, du col de l’utérus et du sein. Elle fait par exemple partie intégrante du concept thérapeutique du cancer de l’endomètre du groupe de risque intermédiaire à élevé ainsi que de la radio/chimiothérapie définitive du cancer du col de l’utérus. Mais elle peut également être utilisée dans de nombreuses autres indications pour la préservation des organes en cas de récidive ou pour les soins palliatifs.
Des données randomisées sur les bénéfices de la curiethérapie (BT) sont disponibles pour de nombreuses localisations tumorales. En termes de fréquence d’utilisation, trois indications importantes peuvent toutefois être mises en évidence en Suisse, pour lesquelles il existe des preuves de niveau 1 non seulement en termes d’amélioration du contrôle local, mais aussi de la survie globale et de la qualité de vie (tableau 1). Après avoir présenté les principes de base de la curiethérapie dans la première partie de cet article de synthèse, cette deuxième partie aborde l’utilisation clinique des formes de BT les plus courantes. Dans le cas du cancer de la prostate, par exemple, comme dose de saturation en cas de profil de risque intermédiaire ou élevé, il existe également de nombreuses études randomisées positives, ce qui soutient son utilisation régulière au niveau international. Dans de nombreuses autres entités (comme les tumeurs ORL, les cancers de l’œsophage, de l’anus et du rectum), la BT peut être utilisée, en particulier dans le but de préserver l’organe ou de le pallier, en se basant le plus souvent sur des études prospectives de petite taille, mais majoritairement rétrospectives.
Cancer de l’endomètre
Indication et données : La chirurgie sous forme d’hystérectomie avec annexectomie, avec ou sans staging chirurgical des ganglions lymphatiques, constitue le traitement de choix du cancer de l’endomètre (CE). Le recours aux options thérapeutiques adjuvantes dépend du profil de risque postopératoire et consiste en une BT vaginale par cylindre vaginal (VZ) avec ou sans radiothérapie pelvienne percutanée (External-beam radiotherapy, EBRT) et en une chimiothérapie adjuvante. La stratification classique du risque de CE, purement clinique et histopathologique, basée sur la profondeur d’infiltration de la tumeur dans le myomètre (stade pT), le degré de différenciation de la tumeur (G1-G3) et le sous-type histologique (endométrioïde vs non-endométrioïde) a été étendue à la classification moléculaire, qui est désormais intégrée dans les lignes directrices actuelles [1,2]. La classification moléculaire entraîne un décalage vers un profil de risque inférieur ou supérieur par rapport à la classification classique, surtout en présence d’une mutation POLE (“ADN polymérase epsilon”) (excellent pronostic) ou d’une mutation p53 (pire pronostic). Cependant, le rôle prédictif de la stratification moléculaire pour la radiothérapie reste en grande partie inexpliqué. Les traitements adjuvants réduisent le risque de récidive dans le CE et, dans certaines situations, la survie globale ; la contribution individuelle de la radiothérapie ou de la chimiothérapie ne peut pas être clairement indiquée malgré plusieurs grandes études randomisées (d’autant plus que les définitions des catégories de risque diffèrent légèrement dans chaque cas). Il existe un consensus sur l’indication de la BT adjuvante pour les CE présentant un profil de risque intermédiaire ou élevé. De manière plus concrète et un peu simplifiée, un traitement par VZ devrait donc être recommandé chez une patiente au stade précoce avec pT1b et/ou un degré de différenciation bas (G3), à partir de tout stade ≥pT2 ou en présence d’une mutation p53 [1,2].
Dans la situation rare des patientes médicalement inopérables atteintes de CE, la radiothérapie primaire, consistant en une irradiation percutanée pelvienne suivie d’une BT intra-utérine, est une option de traitement offrant une rémission complète de longue durée. En cas de récidive locorégionale, il est souvent encore possible de recourir à une BT interstitielle à titre curatif, même chez les patientes préalablement irradiées. Dans la suite de ce document, nous ne nous intéresserons toutefois qu’à la mise en œuvre pratique du setting adjuvant, de loin le plus fréquent.
Mise en œuvre pratique : La BT intravaginale adjuvante par VZ est proposée dans de nombreux centres à travers la Suisse. Outre la cicatrice de sédimentation, la principale zone de risque postopératoire de récidive locale est la partie supérieure du vagin, raison pour laquelle il est recommandé de traiter le tiers ou la moitié proximale du vagin (typiquement 3-5 cm). L’insertion de l’applicateur se fait en position de coupe de calcul et est comparable pour la patiente à l’insertion d’un spéculum d’examen. Le diamètre du VZ est choisi en fonction de l’anatomie individuelle. En fonction de l’épaisseur de la paroi vaginale, la dose est généralement dosée à 5 mm de profondeur de tissu et la longueur d’irradiation est adaptée à la longueur respective du vagin (Fig. 1). Après chaque fraction d’irradiation, qui ne dure que quelques minutes grâce à la technique d’afterloadingHDR (high-dose rate), le VZ est retiré. L’ensemble du traitement dure une demi-heure. Selon qu’une planification de l’irradiation assistée par imagerie est effectuée ou non lors de la pose initiale, la durée totale du traitement peut être prolongée de 1 à 2 heures. Le fractionnement de la dose (nombre de séances et montant de la dose individuelle) dépend du fait que la BT vaginale est effectuée seule ou en combinaison avec une EBRT pelvienne préalable, le processus technique est en revanche le même (tableau 1).
Le profil d’effets secondaires est favorable, avec très rarement des effets secondaires aigus ou tardifs cliniquement significatifs. Le principal effet secondaire à long terme du raccourcissement et du rétrécissement vaginaux peut être réduit ou largement évité par l’utilisation régulière de dilatateurs vaginaux et de mesures topiques.
Cancer du col de l’utérus
Indication et données : la radiothérapie/chimiothérapie combinée définitive (RCT) est la norme internationale pour tout cancer avancé du col de l’utérus. Elle se compose d’au moins 5 semaines de radiothérapie pelvienne avec chimiothérapie concomitante (à base de platine) suivie de la BT en tant que dose de saturation (boost) [3,4]. Concrètement, dans le cas du cancer du col de l’utérus, les stades de la tumeur sont considérés comme “avancés” lorsqu’ils sont localement étendus ou qu’il y a une atteinte des ganglions lymphatiques. Les cancers du col de l’utérus localement avancés ont une taille de tumeur >4 cm (cT1b3), un envahissement vaginal étendu ou des paramétries infiltrées (≥cT2b). La décision thérapeutique est limite dans les stades avancés précoces cT1b2 (tumeurs plus petites, 2-4 cm) et cT2a (atteinte vaginale limitée). Dans ce cas, la chirurgie peut être une bonne alternative à la RCT définitive chez les chirurgiens expérimentés et dans les hôpitaux centraux [3,4]. L’association d’une chirurgie radicale et d’une radiothérapie postopératoire doit être évitée dans la mesure du possible, car elle augmente significativement la morbidité et n’apporte aucun avantage en termes de survie globale. Cela souligne l’importance du diagnostic initial afin d’évaluer au mieux s’il s’agit d’un stade précoce et si la chirurgie seule est indiquée, ou s’il s’agit d’une tumeur avancée qui doit être traitée par une RCT définitive. La BT est rarement utilisée dans le cadre de la radiothérapie postopératoire.
Mise en œuvre pratique : le BT du cancer du col de l’utérus requiert une expertise accrue et une équipe de traitement globale bien rodée, raison pour laquelle les patientes sont souvent dirigées vers des hôpitaux centraux à cet effet. Plusieurs techniques d’implantation sont disponibles, les applicateurs commerciaux étant utilisés en Suisse. Ils se composent de deux éléments : un stylo intra-utérin qui est inséré dans le canal cervical et donc placé en intra-utérin, et un composant endovaginal (un anneau ou deux ovoïdes) qui s’appuie sur la vulve (voir Figure 2, partie 1 de cet article de synthèse). En cas de résidu paramétré et/ou vaginal étendu après la RCT percutanée de plusieurs semaines, des applicateurs interstitiels supplémentaires sont recommandés pour une couverture idéale de la tumeur. Ces cathéters interstitiels peuvent être introduits de l’extérieur en utilisant une disposition de trous sur l’anneau inséré, de manière ciblée, selon un angle et une distance prédéfinis. Ils pénètrent dans les tissus paramétriques au niveau du fornix vaginal, augmentant ainsi la distribution latérale de la dose d’environ 2 cm, ce qui permet de traiter également les paramétries. Lorsque des applicateurs interstitiels sont utilisés, on parle de curiethérapie combinée intra-utérine et interstitielle. La durée totale du traitement (calculée à partir du début de la première radiothérapie percutanée) devrait être de <50 jours [5]. Un schéma de traitement courant prévoit 4 fractions de 7 Gy chacune (tableau 1), la période pendant laquelle elles sont appliquées dépendant également des ressources logistiques de la clinique.
Seule la pose de l’applicateur se fait sous anesthésie (anesthésie par intubation ou rachianesthésie). Pour l’imagerie, la planification de la radiothérapie et la radiothérapie qui s’ensuivent, la patiente est alitée avec l’applicateur. Celui-ci est généralement retiré immédiatement après le traitement, pour lequel une analgésie de base est souvent suffisante. Au total, une fraction dure une demi-journée ambulatoire.
Cancer du sein
Indication et données : Le rôle de la RT adjuvante dans le cancer du sein a pris de l’importance en raison de l’utilisation généralisée de la chirurgie conservatrice du sein. Dans le cas du cancer du sein, la BT interstitielle est proposée (1) en tant qu’irradiation partielle du sein seule en postopératoire, (2) en tant que saturation de dose locale du lit tumoral en association avec la radiothérapie percutanée ou (3) en situation de récidive chez les patientes préalablement irradiées.
L’irradiation partielle du sein (PBI, partial breast irradiation) seule, comme alternative à la ré-irradiation du sein entier, est une stratégie de désescalade établie dans le cancer du sein précoce avec un faible risque de récidive après une exérèse complète de la tumeur. Le volume d’irradiation est alors réduit au lit tumoral élargi, ce qui permet d’obtenir un profil de toxicité plus favorable avec une meilleure qualité de vie et une non-infériorité en termes de contrôle local ou de survie globale [6]. Des données prospectives avec parfois de bons résultats sont désormais disponibles pour d’autres techniques de PBI (par ex. aussi pour le traitement par irradiation unique peropératoire ou la PBI percutanée), mais les meilleures preuves avec la durée de suivi la plus longue sont considérées pour la BT interstitielle décrite ici [6,7].
Le volume d’irradiation et la technique utilisée pour le BT-Boost interstitiel correspondent généralement à ceux de l’irradiation partielle du sein. Mais à la différence de cette dernière, le BT-Boost est utilisé en combinaison avec l’irradiation percutanée du sein entier, et représente donc généralement une forme d’escalade thérapeutique souhaitée dans les situations à haut risque. L’avantage oncologique du boost BT par rapport aux autres formes de saturation de dose n’a pas été clairement démontré dans la comparaison directe prospective [8]. Indépendamment de la technique de radiothérapie, le boost dans le cancer du sein obtient une réduction du taux de récidive locale (en particulier chez les patientes jeunes) sans influence sur la survie globale.
En situation de récidive, la BT interstitielle peut être proposée en complément d’une nouvelle approche de conservation du sein. Des évaluations rétrospectives de plus grande envergure ont permis d’obtenir des résultats oncologiques au moins équivalents à ceux d’une mastectomie de sauvetage, avec une bonne tolérance.
Mise en œuvre pratique : les étapes de la technique d’implantation et de la planification de l’irradiation sont détaillées dans des lignes directrices à des fins de standardisation [9,10]. Les applicateurs pour le BT multicathéter peuvent être placés pendant ou même après l’opération (sous anesthésie générale ou locale). Des aiguilles-guides sont introduites dans le lit tumoral du sein opéré, guidées par l’image, à intervalles réguliers et parallèles, sur 2 à 4 plans, à l’aide de “templates” (gabarits en plastique avec une disposition préétablie des trous). Des cathéters en plastique sont ensuite passés à travers les aiguilles-guides creuses et les aiguilles rigides sont retirées. Des boutons situés à chaque point de sortie de la peau garantissent que les applicateurs ne se déplacent pas pendant la durée du traitement. Le volume cible à irradier est défini comme une marge de 2 cm autour du lit tumoral direct, qui est localisé en tenant compte de l’imagerie préopératoire, de la cicatrice chirurgicale et des clips chirurgicaux. La paroi thoracique et la peau sont exclues du volume cible. L’irradiation qui s’ensuit se déroule sur quelques jours, avec classiquement deux fractions d’irradiation par jour.
Les effets secondaires péri-interventionnels sont rarement des infections, des saignements ou des douleurs. Dans la phase aiguë, la PBI avec BT entraîne moins de réactions cutanées que l’irradiation percutanée du sein entier, et même dans le suivi prolongé après >10 ans, la tolérance à la BT est favorable, avec une réduction de la fréquence de la fibrose mammaire grave [6].
Pour chacune des indications de RT répertoriées, il existe des alternatives de traitement non invasives pour le cancer du sein. L’avantage dosimétrique de la BT avec préservation des tissus environnants (peau, cœur et poumons) est clair et corrélé à un taux d’effets secondaires tardifs plus faible et à une meilleure cosmétique chez de nombreuses patientes, comme cela a été démontré. De plus, la dose d’irradiation plus élevée par fraction, rendue possible par le gradient de dose abrupt, permet une durée totale de traitement logistiquement favorable de moins d’une semaine (fig. 1). Le caractère peu invasif de la BT doit être mis en balance avec ces avantages et doit être discuté avec la patiente si le profil de risque est donné.
Messages Take-Home
- Il existe des preuves de niveau 1 de l’utilité des BT supplémentaires pour les cancers de l’endomètre, du col de l’utérus et du sein.
- L’irradiation partielle du sein avec BT interstitielle devrait être proposée aux patientes à faible risque après une chirurgie conservatrice du sein, car elle permet de réduire les effets secondaires radiogéniques sur la peau, les poumons et le cœur.
- La BT fait partie intégrante du concept thérapeutique du cancer de l’endomètre du groupe de risque intermédiaire à élevé ainsi que de la radio/chimiothérapie définitive du cancer du col de l’utérus.
- Dans de nombreuses autres indications, la BT peut être utilisée à des fins de préservation d’organes en situation de récidive ou de palliation.
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