La douleur est un processus naturel qui s’est développé au cours de l’évolution en tant que mécanisme d’alerte et de défense ou qui survient à la suite de processus dégénératifs. Il est évident que l’on trouve également dans la nature des stratégies pour traiter la douleur. Et en effet, il existe un certain nombre de plantes médicinales ayant un potentiel analgésique et antiphlogistique.
Tout d’abord, quelques mots sur l’opium : le jus laiteux de Papaver somniferum, le pavot à opium, est peut-être le plus ancien médicament de l’humanité. Les fouilles de colonies sumériennes en Mésopotamie, aujourd’hui en Irak, témoignent de la connaissance et de l’utilisation de l’opium comme médicament 3000 ans avant JC.
En entamant la capsule de la graine immature de Papaver somniferum, la sève s’écoule (fig. 1). Aujourd’hui, la sève, constituée de différents composants, n’est que très rarement utilisée en entier. Cependant, des ingrédients individuels tels que la codéine, un puissant antitussif, et la morphine, un analgésique central, sont très souvent utilisés dans la médecine actuelle. On peut ainsi affirmer que l’un des analgésiques les plus puissants provient de la nature.
Maux de tête
Les maux de tête sont un fléau qui ne date pas de l’époque moderne. C’est pourquoi, dès l’ère préindustrielle, on a cherché des moyens de soulager les maux de tête. Pendant longtemps, les extraits d’écorce de saule (Salix species) ou de filipendule (Filipendula ulmaria), pris sous forme de thé ou de teinture, ont permis de soulager les maux de tête et autres douleurs. Hippocrate en parlait déjà. Au 19e siècle, l’acide salicylique, un composant de l’extrait, a été reconnu comme étant principalement responsable de l’effet analgésique. Après avoir réussi la synthèse pure de l’acide acétylsalicylique (Aspirine®), un dérivé de l’acide salicylique, en 1897, l’extrait végétal a été de plus en plus remplacé par la substance synthétique.
Une autre façon de traiter naturellement les maux de tête est d’utiliser de l’huile de menthe poivrée (extraite de Mentha piperita), qui est extraite des feuilles de cette plante médicinale et aromatique et appliquée sur le front et les tempes. Göbel et al. [1] ont publié les résultats d’une étude à ce sujet en 1996. Dans cette étude en double aveugle et contrôlée par placebo, l’huile de menthe poivrée à 10 % en solution alcoolique a été appliquée deux fois sur le front et les tempes. Un groupe d’étude équivalent recevant un placebo et un troisième groupe traité avec du paracétamol et de l’huile de menthe poivrée placebo ont servi de comparaison. L’effet de l’huile de menthe poivrée s’est fait sentir dès 15 minutes, a augmenté en efficacité pendant 60 minutes et s’est avéré supérieur au placebo. Aucune différence d’efficacité n’a été observée entre l’huile de menthe poivrée et le paracétamol.
Une étude récente a examiné l’efficacité de l’huile de menthe poivrée dans le traitement de la migraine [2]. De bons résultats ont également été obtenus pour ce type de maux de tête. Une solution à 10 % a été utilisée comme verum et une autre à 0,5 %, c’est-à-dire inefficace, comme placebo. Deux heures après l’application, 38,3% du groupe traité par le verum, mais seulement 12,1% du groupe placebo, ne ressentaient aucune douleur. Le verum s’est également révélé significativement supérieur au placebo pour les symptômes associés à la migraine.
Il existe également des rapports sur les effets positifs de l’agripaume (Tanacetum parthenium), qui aurait non seulement de bons effets dans le traitement de la migraine, mais aussi dans la prophylaxie.
Jusqu’à il y a quelques années, des extraits de pétasite (Petasites hybridum) étaient également utilisés contre les maux de tête et d’autres types de douleurs. Mais ces derniers ont disparu du traitement car on a trouvé dans l’extrait de pétasite des alcaloïdes pyrrolizidinaux nocifs pour le foie.
Processus inflammatoires de l’appareil locomoteur
Différentes maladies et blessures peuvent provoquer des inflammations douloureuses de l’appareil locomoteur. Ces maladies comprennent principalement les rhumatismes, l’arthrite et l’arthrose. Il existe un certain nombre de plantes médicinales qui peuvent apporter un soulagement dans le traitement de ces troubles. Il s’agit notamment d’extraits d’écorce de saule déjà décrits, d’applications externes d’arnica montana ou de consoude, également appelée consoude officinale (Symphytum officinale), de traitements à base de griffe du diable (voir édition 6/2013) ou encore de préparations à base d’encens (Boswellia serrata ; Fig. 2).
Arnica montana
L’arnica des montagnes est connu depuis des siècles comme plante médicinale et est utilisé pour soigner les blessures. Mais une étude menée en Suisse a également démontré l’efficacité de l’application topique sur les douleurs rhumatismales [3]. Dans ce cadre, 23 médecins libéraux différents ont traité un total de 204 patients souffrant de troubles rhumatismaux, la plupart d’entre eux étant atteints de maladies rhumatismales dégénératives. Différentes parties du corps ont été touchées. Les sujets ont été traités deux fois par jour pendant trois semaines avec un gel à l’arnica. La douleur évaluée par l’EVA a été réduite de moitié au cours du traitement et des résultats positifs ont également été observés en ce qui concerne la limitation fonctionnelle des membres concernés.
Boswellia serrata
L’encens est utilisé à des fins cultuelles dans différentes religions. Les textes ayurvédiques du premier et du deuxième siècle décrivaient déjà l’encens comme une plante médicinale. Comme c’était souvent le cas auparavant, de très nombreuses applications différentes ont été mentionnées. Des études modernes ont concrètement démontré une efficacité dans les processus inflammatoires. Il convient de mentionner une étude de 2003 dans laquelle un extrait de Boswellia serrata a été utilisé pour traiter l’ostéoarthrite du genou [4]. Dans cette étude en crossover, réalisée en double aveugle et contrôlée par placebo, 30 patients souffrant de ces troubles ont été traités pendant huit semaines. Tous les patients du groupe traité par le médicament ont signalé une diminution de la douleur, une augmentation de la flexion du genou et une augmentation de la distance maximale de marche.
Consoude, consoude
La plante médicinale Symphytum officinale a deux noms en allemand : Wallwurz ou Beinwell. Comme les extraits de symphytum contiennent également des alcaloïdes pyrrolizidiniques (comme la pétasite), ils ne peuvent être utilisés qu’en usage externe, mais leur efficacité est convaincante : plusieurs études l’ont documenté [5–7] pour les traumatismes contondants dus à des accidents, comme les contusions, les foulures et les entorses [6]. Une autre étude [7] montre qu’une pommade appropriée est au moins aussi efficace qu’un gel de diclofénac dans le traitement des distorsions aiguës de la cheville. Une pommade à base de symphytum peut également donner des résultats en cas de gonarthrose [5].
Griffe du diable
Le numéro 6/2013 de HAUSARZT PRAXIS ayant présenté différentes études portant sur l’efficacité et la sécurité de préparations à base d’extraits de griffe du diable (Harpagophytum procumens), nous n’y reviendrons pas ici. Cette plante médicinale plutôt nouvelle dans l’hémisphère nord semble avoir un potentiel d’action particulièrement bon pour le traitement des rhumatismes et de l’ostéoarthrite.
Résumé
La nature met à notre disposition différentes stratégies pour traiter les douleurs classiques comme les maux de tête et les migraines. Les préparations à base d’extraits de plantes peuvent également être utilisées dans le cas de processus inflammatoires tels que les traumatismes contondants, les distorsions articulaires, les rhumatismes et les différentes formes d’arthrite. Elles sont parfois aussi efficaces que les préparations synthétiques correspondantes.
Littérature :
- Göbel H, et al. : Efficacité de l’Oleum menthae pipieritae et du paracétamol dans le traitement des céphalées de tension. Neurologue 1996 ; 67 : 672-681.
- Borhani Haghighi A, et al : Application cutanée de la solution de menthol 10% comme traitement abortif de la migraine sans aura : une étude randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, en cross-over. Int J Clin Pract 2010 ; 64 : 451-456.
- Knüsel O, et al. : Arnica montana Gel in Osteoarthritis of the Knee : An Open Multicenter Clinical Trial. Advances in Therapy 2002 ; 19(5) : 209-218.
- Kimmatkar N, et al : Efficacité et tolérance de l’extrait de Boswellia serrata dans le traitement de l’arthrose du genou – Un essai randomisé contrôlé par placebo en double aveugle. Phytomedicine 2003 ; 10(1) : 3-7.
- Grube B, et al. : Efficacité d’un liniment à base d’extrait de racine de comfrey (Symphyti offic. radix) dans le traitement des patients souffrant d’arthrose douloureuse du genou : résultats d’un essai randomisé, en double aveugle, bicentrique, contrôlé par placebo. Phytomedicine 2007 ; 14 : 2-10.
- Koll R, et al. : Efficacité et tolérance de l’extrait de racine de consoude (Extr. Rad. Symphyti) en cas de distorsions de la cheville. Résultats d’une étude multicentrique, randomisée, contrôlée par placebo et en double aveugle. Z Phytotherapie 2000 ; 21 : 127-134.
- Predel HG, et al. : Efficacité d’un liniment à base d’extrait de racine de Comfrey en comparaison avec un gel de diclofénac dans le traitement des distorsions de la cheville : résultats d’une étude multicentrique randomisée en aveugle. Phytomedicine 2005 ; 12 : 707-714.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(1) : 4-6