Une contraception sûre est un besoin pour des millions de personnes et une contribution essentielle à l’amélioration de la santé des femmes. Chaque année, 70 000 femmes meurent des suites de grossesses non planifiées et non désirées et d’avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. Les médecins, en particulier les gynécologues, sont les experts en matière de contraception. Mais le conseil contraceptif est devenu plus complexe, d’une part avec la diversité des possibilités, d’autre part aussi avec les publications sur le risque thromboembolique des pilules et l’obligation de fournir des informations correctes et complètes.
Pour les femmes en âge de procréer, les rapports sexuels non protégés, le manque d’accès aux contraceptifs et l’anémie ferriprive sont les trois principales causes de décès [1]. Les conseils médicaux jouissent d’une grande importance, comme le montre l’étude récemment publiée par la BzGA en Allemagne : les adolescents souhaitent avant tout obtenir des informations sur les questions sexuelles de la part de leur médecin, et aux yeux de nombreux jeunes, les médecins sont une source d’information encore plus importante que les parents, les enseignants ou les amis [2].
L’importance de la contraception hormonale
Environ 80 millions de femmes dans le monde utilisent des méthodes de contraception hormonale, ce qui reflète leur importance actuelle pour la santé de la population. Mais ces derniers mois, de nombreuses critiques ont été émises, en particulier sur la contraception hormonale combinée et ses risques, si bien que Swissmedic [3] et la SSGO [4] ont publié un résumé des données et des recommandations actuelles. Le présent article vise à fournir au médecin généraliste les outils nécessaires à la mise en œuvre pratique.
Contraceptifs hormonaux combinés : pilule, patch et anneau
On parle de préparations hormonales combinées lorsque la préparation contient à la fois un œstrogène et un progestatif (progestérone). La forme d’administration peut être choisie par voie orale sous forme de pilule, par voie transdermique sous forme de patch ou par voie intravaginale sous forme d’anneau.
Alors que pour la forme orale, il existe un grand choix de progestatifs, de dosages, de schémas d’administration et d’œstrogènes, il n’existe à ce jour qu’un seul produit sur le marché pour la forme transdermique et la forme intravaginale. La contraception intravaginale avec l’anneau vaginal (EE, éthonogestrel) et l’application transdermique avec le patch (EE, norelgestromine) peuvent être avantageuses, notamment en termes d’observance, et peuvent également être utilisées en première intention. Les progestatifs des deux préparations appartiennent à ce que l’on appelle la troisième génération.
Toutes les préparations combinées augmentent le risque de thromboembolie, bien que dans des proportions différentes. Le risque relatif est toutefois plus faible que pendant une grossesse (Fig. 1).
Les œstrogènes sont les premiers responsables de cette augmentation du risque en raison de leur influence sur le métabolisme hépatique. Mais les progestatifs influencent également la coagulation du sang, ce qui dépend non seulement du type de progestatif, mais aussi de son dosage, de sa forme d’administration ainsi que de la présence et du type d’œstrogène. Cela explique l’importance du choix du progestatif pour le risque de thrombose des pilules combinées.
En revanche, selon les connaissances actuelles, les méthodes progestatives pures n’entraînent pas d’augmentation du risque de thrombose. Il s’agit de la pilule sans œstrogène, de l’implant sous-cutané et des systèmes hormonaux intra-utérins Mirena® ou Jaydess®. L’injection à libération prolongée de MPA (injection trimestrielle) doit toutefois être utilisée avec retenue en cas de risque cardiovasculaire élevé ou d’hypertension, car elle peut avoir un effet défavorable sur la situation vasculaire, en particulier dans la branche artérielle.
La consultation
Pour conseiller la patiente qui souhaite prendre un contraceptif, le médecin a besoin d’un certain nombre d’informations. A ce sujet, le Zürcher Gesprächskreis déclare : “En principe, avant de prescrire des contraceptifs hormonaux (pilule, anneau vaginal, patch, injection, implant, SIU), il convient de recueillir une anamnèse personnelle et familiale détaillée et d’évaluer les facteurs de risque, par exemple la thrombophilie, les maladies du foie, les troubles du métabolisme lipidique, le tabagisme, l’obésité, l’anorexie, le sport de compétition et l’hypertension” [5].
Les antécédents familiaux
Selon les études actuelles , des antécédents familiaux positifs augmentent le risque de thromboembolie, indépendamment de la présence d’autres facteurs de risque. Cependant, les antécédents familiaux sont moins corrélés avec les thrombophilies génétiques connues. Cela signifie que même si les examens de laboratoire sont normaux, les antécédents familiaux positifs doivent être pris en compte comme facteur de risque dans la consultation. Malheureusement, à ce jour, on ne sait toujours pas ce qu’il faut entendre par une anamnèse positive. La question de savoir si, outre la thromboembolie non provoquée d’un parent au premier degré, les parents au deuxième degré, les parents d’un âge plus avancé et les thromboembolies dites provoquées, comme celles survenant après une opération, en période post-partum ou après un voyage en avion, doivent également être pris en compte, reste ouverte.
Examen de laboratoire
Depuis la décision autrichienne d’informer chaque patiente de la possibilité d’un dépistage de la thombophilie avant la prescription d’une pilule, l’indication d’un examen de laboratoire fait l’objet d’un débat récurrent ici aussi. Outre les antécédents personnels positifs ou une thrombophilie connue dans la famille, les antécédents familiaux positifs doivent également être considérés comme une indication. En revanche, la SGGG ainsi que la DGGG ne recommandent pas un dépistage généralisé avant la prescription d’une “contraception orale combinée” (COC), car les coûts dépasseraient les bénéfices. De même, un résultat de dépistage normal peut offrir une fausse sécurité, car il ne tient pas compte d’autres facteurs de risque. Si une patiente souhaite une analyse de sang, il faut veiller à ce qu’elle soit effectuée correctement, y compris en ce qui concerne le prélèvement et l’envoi des échantillons. Dans ces cas, l’examen n’est pas une prestation obligatoire de la caisse, ce dont la patiente devrait être informée au préalable.
Vieux
L’âge de la patiente doit être pris en compte comme un facteur de risque important dans la consultation. Comme le montre la figure 2, la majorité des thromboembolies surviennent au-delà de l’âge fertile et sont donc indépendantes de la contraception. Pour les femmes souhaitant une contraception, l’âge doit être pris en compte, mais ne constitue pas une contre-indication absolue à la COC en l’absence de facteur de risque supplémentaire. Dans certains cas, il est acceptable de continuer à prendre la pilule jusqu’au début de la ménopause si la patiente ne présente pas d’autres facteurs de risque et si elle le souhaite. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur l’augmentation générale du risque de thrombose liée à l’âge. Un nouveau départ est plus critique, car la durée de la prise a une influence décisive sur l’incidence des thromboses.
Incidence des thromboses selon la durée de la prise
La durée de la prise a une influence importante sur l’incidence des thromboses. Ainsi, plus de la moitié des thromboses sous CO surviennent au cours du premier semestre, et le plus souvent au cours des trois premiers mois. C’est pourquoi, en particulier lors de la première prescription d’une pilule, la patiente doit être informée des symptômes possibles de thrombose ou d’embolie pulmonaire (fig. 3).
Jeunes
Une situation de conseil particulière se présente pour les jeunes, qui diffèrent des adultes à plusieurs égards et ont besoin de priorités différentes.
Le souhait d’une contraception sûre et de conseils doit être soutenu dans tous les cas et les jeunes doivent être encouragés à le faire.
Pour les adolescentes en particulier, les avantages de la contraception l’emportent largement sur les risques. Néanmoins, même chez les jeunes patientes, l’indication doit être posée avec soin.
Les associations négatives doivent être évitées, car elles ont une influence défavorable sur la compliance. Bien que l’entretien doive porter sur les risques de la contraception hormonale et mentionner les symptômes d’une complication, les effets positifs de la pilule doivent être mis en avant. Les jeunes ont besoin d’avoir confiance dans la méthode qu’ils utilisent quotidiennement, hebdomadairement ou mensuellement, une prise irrégulière n’est pas une méthode valable.
Outre la contraception, le conseil doit également porter sur les IST et recommander l’utilisation du préservatif.
L’essentiel de l’information que nous donnons aux jeunes doit porter sur l’utilisation concrète de la méthode contraceptive, comme le démarrage de la méthode, la procédure à suivre en cas d’oubli, de vomissement ou d’effets secondaires.
Pour les adolescentes de moins de 16 ans qui souhaitent prendre la pilule sans être accompagnées de leurs parents, la capacité de discernement doit être évaluée et consignée dans le dossier médical.
Obésité
Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque indépendants qui doivent être pris en compte dans les conseils. Une contraception intra-utérine est souvent recommandée, en particulier pour les femmes dont l’IMC est supérieur à 35 ( fig. 4).
Quelle pilule pour quelle patiente ?
En fait, c’est très simple. Dans la prescription initiale, selon la SSGO et Swissmedic, il faudrait toujours utiliser une préparation de deuxième génération, c’est-à-dire une préparation contenant du LNG. Pour les jeunes de moins de 18 ans, il est recommandé de prendre une préparation contenant 30 μgEE. Or, le conseil est généralement plus complexe, car les femmes présentent des conditions différentes. C’est pourquoi les différences entre les préparations et leurs indications sont mises en lumière ici.
Le composant œstrogène : Aujourd’hui, outre l’éthinylestradiol (EE), les œstrogènes naturels estradiol (E2) et valérate d’estradiol (E2V) sont disponibles pour la contraception combinée. Les deux préparations disponibles sont la pilule quadriphasique Qlaira® (E2V, diénogest) et la préparation monophasique (schéma d’étalement 24/4) Zoely® (E2, NOMAC, autorisée pour les femmes de plus de 18 ans).
L’estradiol et le valérate d’estradiol, contrairement à l’EE, ont des effets métaboliques moins prononcés et une induction plus faible de certaines protéines estrogéno-dépendantes. Il reste à voir dans quelle mesure cela s’avérera favorable en clinique ; en attendant, les mêmes contre-indications que pour les préparations avec EE s’appliquent.
Le composant progestatif : les progestatifs comprennent un grand nombre de substances très différentes. Ils peuvent être classés en fonction de leur origine, de leurs effets partiels ou de l’activité de leurs récepteurs, ou encore en fonction de ce que l’on appelle les générations, qui se réfèrent à la date de leur mise sur le marché et non à une propriété en soi. (Tab. 1). L’évolution des progestatifs de la deuxième à la troisième génération s’est certes accompagnée d’un certain nombre de propriétés favorables, mais a entraîné, selon les connaissances actuelles, une légère augmentation du risque thromboembolique. De même, les pilules combinées anti-androgènes semblent présenter un risque plus élevé de thrombose. Ainsi, les études récentes sur un grand nombre de patientes montrent une augmentation du risque relatif d’un facteur 1,6-2 avec les progestatifs de troisième et quatrième génération ou les pilules anti-androgènes (fig. 4) par rapport aux pilules contenant du lévonorgestrel. Mais c’est la pilule de deuxième génération qui présente la plus forte augmentation du risque, avec 50 μgEE, ce qui prouve l’importance des œstrogènes (figure 5).
De ces études découle la recommandation de choisir généralement une préparation de deuxième génération comme première prescription. Toutefois, il est autorisé de choisir une préparation anti-androgène, une préparation de troisième génération ou une voie transdermique ou intravaginale si l’indication et l’information sont appropriées. En cas d’apparition d’effets secondaires, il est possible de passer à une autre préparation lors du second contrôle, ce qui, selon les connaissances actuelles, réduit le risque initial. Un schéma de prise 24/4 (24 pilules monophasiques, 4 placebos) permet de raccourcir l’intervalle entre les pilules et de réduire les fluctuations hormonales, ce qui peut être utilisé à des fins thérapeutiques en cas de syndrome prémenstruel [6]. Selon les recommandations de la SSGO, le choix d’une pilule autre qu’une pilule de deuxième génération doit être justifié dans le dossier médical.
La recommandation concrète est la suivante
- Première prescription chez une patiente non compliquée : pilule 2 générations LNG, 30 ou 20 μgEE
- Désir d’œstrogènes naturels : Qlaira®, Zoely®
- En cas d’acné, de séborrhée, d’hirsutisme : pilule anti-androgène (tableau 2), ou si les symptômes sont légers et la peau impure : éventuellement pilule de troisième génération (après information sur le risque de thrombose).
- Problèmes d’observance de la prise quotidienne : Nuvaring®, Evra®-Patch
- Problèmes d’observance avec l’arrêt des prises : schéma 24/4 : Belarina®, YAZ®, Zoely®, éventuellement Qlaira®.
- PMS, PMDD : YAZ®, éventuellement Belarina® (schéma 24/4)
- Hyperménorrhée : Qlaira®.
- Saignements intercurrents : 30 mcgEE.
Dr. med. Ruth Draths
Littérature :
- Word Health Organisation : www.who.int/reproductivehealth/publications/family_planning/en/
- Sexualité des jeunes : enquête répétée représentative auprès des jeunes de 14 à 17 ans et de leurs parents. BZgA Cologne 2010.
- Swissmedic : Bulletin des médecins 2014 ; 95 : 105. www.swissmedic.ch.
- SGGG : www.sggg.ch/Expertenbrief 35. www.sggg.ch.
- Birkhäuser M, et al. : Gynécologue 2012 ; 53(9) : 846-849.
- Rapkin AJ : J Reprod Med 2008 ; 53 : 729-741.
- Numéro d’Opion du Comité de l’ACOG 540 : Obstet Gynecol 2012 ; 120 : 1239-1242.
- Rabe T, et al : J Reprod Endocrin 2012 ; 9 : 20-63.
- Dinger J, et al : Eur J Contracept Reprod Health Care 2010 ; 15 (Suppl 1) : 43.
- Dinger J : Résumé du congrès de la Société européenne de contraception, Prague 2008.
- Stegeman, et al : BMJ 2013 ; 347 : f5298.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Avant toute prescription de pilule, une consultation et une information détaillées sont obligatoires.
- Toutes les préparations combinées augmentent le risque de thromboembolie, mais dans des proportions différentes.
- Les œstrogènes sont les premiers responsables de cette augmentation du risque, mais les progestatifs ont également une influence sur la coagulation du sang.
- D’après les connaissances actuelles, les méthodes progestatives pures n’entraînent pas d’augmentation du risque de thrombose.
- Des antécédents familiaux positifs, le surpoids, l’obésité et l’âge sont des facteurs de risque indépendants qui doivent être pris en compte.
- Dans la prescription initiale, une préparation de deuxième génération est recommandée sans indication supplémentaire.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(5) : 34-38