L’obésité chez les enfants et les adolescents ouvre la voie aux maladies cardiovasculaires et métaboliques à l’âge adulte. Environ un tiers des enfants et des adolescents sont concernés aux États-Unis, et environ 10% en Allemagne et en Suisse. Les mesures préventives dans les groupes à haut risque et les écoles sont actuellement considérées comme l’approche la plus efficace pour maîtriser l’épidémie d’enfants obèses. Lors du Congrès européen de cardiologie à Rome, des experts ont appelé à l’action.
Toujours est-il que l’augmentation constante du nombre d’enfants en surpoids et obèses observée depuis de nombreuses décennies, notamment dans les pays industrialisés, semble se stabiliser à un niveau élevé depuis le début du millénaire. Aux États-Unis, par exemple, traditionnellement l’un des pays où ce taux est le plus élevé, le taux d’enfants et d’adolescents obèses âgés de 6 à 19 ans (indice de masse corporelle >95e percentile) est constant depuis 2001 et se situe autour de 17%. Près d’un tiers des enfants et des adolescents sont en surpoids (IMC >85e percentile) ou obèses, environ %–5% sont très obèses (définis comme IMC >120% du 95e percentile ou ≥99. percentile). La situation est nettement meilleure dans de nombreux pays d’Europe occidentale, et meilleure dans les pays asiatiques prospères comme le Japon et la Corée du Sud. Mais là encore, au moins 5% à plus de 10% des enfants et des adolescents sont généralement trop gros.
L’indice de masse corporelle des enfants devrait être mesuré régulièrement
“L’indice de masse corporelle devrait être régulièrement documenté chez les enfants et les adolescents”, a souligné le Dr Stephen Daniels, pédiatre à l’Université du Colorado à Denver. Si la valeur dépasse le 85e ou même le 95e percentile, il faut s’inquiéter et prendre des mesures correctives. “Le processus d’athérosclérose commence très tôt dans la vie et peut être potentiellement influencé par des modifications du comportement et des facteurs environnementaux”, a déclaré le professeur Dr Laura Hayman de l’Université du Massachusetts à Boston.
Les effets négatifs de l’obésité sur la santé sont bien établis, non seulement chez les adultes, mais aussi chez les enfants et les adolescents. L’obésité infantile est associée à de nombreuses pathologies, telles que l’hypertension, la dyslipidémie, la résistance à l’insuline, le syndrome métabolique, la dépression et les troubles psychosociaux, a déclaré Hayman. De nouvelles données ont été présentées à ce sujet lors du congrès de l’ESC.
Dans l’étude PEP Family Heart Study portant sur près de 11 000 enfants et adolescents allemands âgés de 3 à 18 ans, la prévalence de l’hypertension (>95e percentile de pression artérielle systolique ou diastolique) était presque doublée chez les participants à l’étude en surpoids par rapport aux participants de poids normal (Haas GM et al., Abstract P6400). Avec l’augmentation de l’IMC, le nombre d’enfants et d’adolescents souffrant d’hypertension a continué d’augmenter : d’environ 20% chez les personnes souffrant d’obésité de classe II (IMC >120% – ≤140% du 95e percentile) à plus de 60% des garçons et plus de 70% des filles souffrant d’obésité de classe III (IMC >140% du 95e percentile). Toutes les filles de ce groupe et 90% des garçons avaient également des niveaux bas de HDL-C (<5e percentile). De plus, le risque d’hypertriglycéridémie était presque 5 fois plus élevé chez les enfants et les adolescents obèses.
Un tour de taille élevé est également corrélé à une pression artérielle élevée chez les enfants, même si l’IMC est encore dans la norme. C’est ce qui a été démontré dans une étude brésilienne portant sur des données relatives à quelque 3400 écoliers âgés de 6 à 11 ans. Une autre étude a démontré par échocardiographie le lien entre un IMC plus élevé et l’hypertrophie du ventricule gauche (Harada K et al., P4620). L’échographie vasculaire a permis de documenter un dysfonctionnement endothélial chez des enfants souffrant d’hypertension essentielle et même chez ceux souffrant d’hypertension de la blouse blanche.
Il faut intervenir le plus tôt possible
Il convient d’intervenir le plus tôt possible, a déclaré Hayman. Le plus important est de donner des conseils sur une alimentation saine et d’encourager l’activité physique. Ces deux facteurs, une alimentation malsaine riche en sel (tableau 1) et la diminution constante de l’activité physique chez les enfants au cours des dernières décennies, comptent parmi les principales causes de l’augmentation de l’obésité chez les enfants et les adolescents, selon les médecins de prévention. Selon une méta-analyse de 26 études, l’activité physique des jeunes a diminué en moyenne de 7% par an entre 1977 et 2006.
Cependant, les interventions au niveau de la population avec l’approche de l’éducation à une alimentation saine et à l’activité physique ne sont probablement pas assez efficaces, a déclaré Daniels. L’accent devrait plutôt être mis sur les techniques de changement de comportement, en particulier dans les groupes à risque. Il s’agit par exemple de familles à faible statut socio-économique, de parents eux-mêmes en surpoids, fumeurs ou souffrant de maladies associées à l’obésité comme le diabète. Dans la mesure du possible, les interventions doivent tenir compte de l’âge et du stade de développement de l’enfant, a déclaré Daniels. Une première étape consisterait à encourager l’allaitement des nouveau-nés. Les parents doivent être sensibilisés à la nécessité d’éviter une prise de poids rapide et précoce. La transition vers une alimentation traditionnelle après le sevrage est également souvent difficile. Dès l’enfance, l’accent devrait être mis sur une alimentation riche en fruits et légumes, avec une faible teneur en matières grasses et, si possible, une consommation régulière de poisson. Les enfants doivent être encouragés à pratiquer des activités physiques qui sont sûres et amusantes. Les enfants devraient pratiquer au moins 60 minutes d’activité physique par jour, et il est évident qu’en bougeant davantage, on peut prévenir encore plus efficacement l’obésité, selon Daniels.
Il est prouvé que les activités physiques exigeantes sont plus efficaces que les activités modérées, a ajouté Mme Hayman. L’accent doit être mis sur le sport aérobie, complété par des exercices visant à renforcer les muscles et les os.
Même pour les enfants en âge scolaire, les parents continuent d’avoir une grande influence sur l’alimentation et l’activité physique, a déclaré Daniels. Il convient d’encourager la prise de vrais repas et d’éviter les grignotages. Les jeunes, en particulier les filles, risquent de voir leur activité physique diminuer de manière spectaculaire. En outre, la fin de la période de croissance constitue une autre période critique au cours de laquelle de nombreux jeunes prennent beaucoup de poids. Même à ce stade, les parents doivent continuer à essayer d’influencer l’alimentation et l’activité physique de leurs enfants.
Une santé cardiovasculaire idéale pendant l’enfance est la meilleure façon d’influencer le profil cardiométabolique à l’âge adulte, a souligné Hayman.
Le Dr Stefan Storcksdieck, de Bruxelles, a appelé à soutenir le plan d’action de l’UE pour la prévention de l’obésité pour la période 2014-2020. L’objectif est de créer un environnement plus sain, en particulier dans les écoles et les établissements préscolaires.
Source : Réunion annuelle de l’European Society of Cardiology (ESC), 27-31 août 2016, Rome. Atelier : “Cardiovascular Risk Factors in Children and Youth : a call for action”.
CARDIOVASC 2016 ; 15(5) : 38-39
