Un aperçu condensé des facteurs de risque d’apparition d’escarres dans le modèle bio-psycho-social de la classification internationale et des mesures de prévention. État des plaies et recommandation de traitement sous forme de tableau clair.
Une escarre est une lésion localisée de la peau et/ou des tissus sous-jacents, généralement au-dessus de protubérances osseuses, due à une pression ou à une pression combinée à des forces de cisaillement. Il existe un certain nombre d’autres facteurs qui sont réellement ou probablement associés aux escarres, mais leur importance reste à déterminer [1]. Les escarres sont classées en quatre degrés. De plus, deux catégories sont décrites pour intégrer les lésions tissulaires profondes et les plaies occupées dans le thème des escarres (tableau 1).
Plus la pression d’appui est forte et plus le temps d’exposition à une zone cutanée donnée est long, plus le risque d’escarres est important. En raison d’une courbe de tolérance individuelle à la pression, les tissus réagissent différemment d’une personne à l’autre [2].
La compression des vaisseaux capillaires provoque une ischémie des tissus, une accumulation de substances toxiques et une perte de tissus. D’autres facteurs, tels que les forces de cisaillement et les frottements, peuvent également contribuer à la détérioration des tissus. Le premier signe d’une escarre qui se développe en surface est la rougeur fixée qui ne s’est pas complètement estompée après douze heures de décharge. Si cette zone n’est pas soulagée de manière adéquate, les tissus continuent à s’abîmer jusqu’à l’os. Certaines escarres se développent à partir de la profondeur et sont identifiables en premier lieu par un durcissement ou une accumulation de liquide en profondeur [2].
Les escarres sont devenues un nom commun dans la littérature francophone, tout comme les ulcères de décubitus, les escarres de pression ou les ulcères de pression. En anglais, les termes suivants ont été discutés, qui soulignent différents aspects et peuvent être utilisés de manière équivalente : “pressure ulcer”, “decubitus ulcer”, “deep tissue injury”, “pressure sore”, etc.
Facteurs de risque et évaluation du risque
Les groupes à haut risque comprennent les personnes âgées, à mobilité réduite, après une opération, en soins intensifs ou atteintes de paraplégie. Le risque d’escarres est influencé par différents facteurs tels que l’âge croissant et les altérations de la peau qui l’accompagnent (diminution de la régénération de la peau, résistance de la peau). Les facteurs de risque résumés dans le tableau 2 doivent être pris en compte.
Évaluation des risques
Afin de mettre en œuvre des mesures préventives adéquates et de planifier les interventions à un stade précoce, le risque d’escarres doit être évalué régulièrement. Dans le setting gériatrique, les échelles de Braden et de Norton sont utilisées comme évaluations structurées et complétées par l’expertise des professionnels de la prévention individualisée. Des formations régulières pour les professionnels sont en outre utiles et contribuent à améliorer la qualité des soins et à réduire l’incidence.
Une évaluation du risque à l’aide d’une échelle de risque validée n’est pas pertinente pour les personnes atteintes de paraplégie, car la paraplégie représente déjà un risque élevé et l’on prendrait plutôt trop de mesures de prévention [3]. Une évaluation individualisée des risques résulte d’une observation régulière et d’une expertise professionnelle dans le modèle bio-psycho-social de la Classification internationale du fonctionnement (CIF) [4]. Dans un contexte de traitement hospitalier, l’équipe interdisciplinaire évalue le risque global à partir d’une évaluation infirmière et médicale complétée par une perspective thérapeutique. Dans le contexte ambulatoire, le patient lui-même, éventuellement aidé par des proches soignants ou des soignants ambulatoires, doit être formé pour pouvoir mettre en œuvre la gestion globale comprenant la prévention, le dépistage précoce et l’introduction d’autres mesures. En complément, il est possible de faire appel à des services ambulatoires spécialisés tels que le ParaHelp ou les services ambulatoires de traitement des plaies. Le risque d’escarres augmente à court terme :
- en cas de détérioration de l’état général
- en cas d’infections et de fièvre
- après une opération
- en cas d’immobilisation au lit.
Mesures de prévention des escarres
Le contrôle régulier de la peau comprend l’inspection et la palpation de la peau, en particulier des zones à risque (Fig. 1). En fonction des capacités fonctionnelles et personnelles du patient, le contrôle de la peau peut être effectué par le patient lui-même. Si nécessaire, le personnel soignant ou/et les proches soignants se chargent de cette tâche, qui doit être concrètement clarifiée dans chaque cas. Dans l’éducation des patients, la compétence du contrôle de la peau est un élément essentiel (tableau 3) [5].
Les intervalles de contrôle à domicile dépendent de la phase de vie ou de la phase de traitement aigu ou de rééducation. Dans le cadre d’une prise en charge ambulatoire stable, la peau doit être contrôlée en toute sécurité le matin après le sommeil et le soir après la mobilisation. Un intervalle de contrôle cutané plus élevé est nécessaire en cas d’infection, de détérioration de l’état général, d’immobilisation liée à la sédation et d’anomalies cutanées. Toutes les observations qui s’écartent de la situation cutanée normale doivent être documentées et des interventions de soins adéquates doivent être mises en place.
Mesures complémentaires de prévention
Pour la mise en œuvre des mesures complémentaires, des spécialistes tels que des diététiciens, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes ou des psychologues peuvent être impliqués [6,7]. En principe, un positionnement adapté et soulageant au lit et au fauteuil roulant ainsi qu’une décharge régulière au fauteuil roulant sont indiqués. L’immobilisation au lit doit être évitée. Les patients ne doivent pas rester assis en fauteuil roulant pendant plus de six heures en continu et doivent si possible prévoir une pause déjeuner. Le cas échéant, il est nécessaire de soulager la pression par un positionnement souple avec des matelas adaptés (matelas anti-escarres statiques ou dynamiques) et un matériel de positionnement adapté (oreillers, cales de positionnement, etc.). Les coussins d’assise, la position assise, etc. doivent être adaptés à chaque patient. Les intervalles de positionnement doivent également être adaptés sur un système dynamique, car il est fondamentalement nécessaire de soulager la pression en changeant de position.
Des soins de la peau adaptés aux patients permettent d’éviter les lésions cutanées. La peau doit également être protégée de l’humidité et des irritations. Il est important de ne pas oublier de corps étrangers dans le lit ou le fauteuil roulant. Il faut également veiller à éviter les frottements avec les vêtements et les chaussures (par exemple les coutures et les plis), les chaussures peuvent être choisies une ou deux tailles plus grandes.
La situation nutritionnelle individuelle doit être évaluée à l’aide d’une évaluation structurée et des conseils nutritionnels doivent être prodigués afin d’assurer un apport suffisant en protéines, un bon apport en vitamines et en nutriments, ainsi qu’un apport calorique et hydrique adapté [8].
Ces mesures sont soutenues par une psychothérapie intégrée qui vise à modifier le comportement pour prévenir les récidives, à traiter les comorbidités psychiatriques et à soutenir l’optimisation de l’observance par des stratégies de coping. Enfin, la participation du patient à la prévention des escarres joue un rôle central. Une éducation des patients qui favorise la compréhension est indiquée.
Traitement des escarres
En fonction de la classification de l’escarre, un concept de traitement conservateur est possible dans un cadre ambulatoire ou un concept de traitement chirurgical en milieu hospitalier est nécessaire [9]. En raison de sa complexité, le concept de traitement doit inclure les aspects bio-psycho-sociaux conformément au modèle CIF [2].
Mesures conservatrices en cas d’escarres [10,11]: soulagement systématique de la pression au moyen de matelas spéciaux et mise à nu des zones concernées. Les causes doivent être évaluées et si possible éliminées, les facteurs de risque doivent être minimisés de manière préventive. Le traitement de la plaie doit suivre le concept TIME (T = “tissue removal”, débridement ; I = “infection control”, contrôle de l’infection ; M = “moisture management”, promotion de la granulation ; E = “edge protection”, épithélisation) (Tab. 4). Le cas échéant, le matériel de positionnement et les accessoires doivent être adaptés aux circonstances individuelles. Le patient, en tant que participant, est toujours au centre d’une prévention efficace. Ainsi, une rééducation telle que l’apprentissage de nouvelles techniques d’auto-soins, de transferts, de nouveaux mouvements et un soutien psychologique peuvent être recommandés parmi d’autres mesures.
En raison du taux élevé de récidive, le traitement chirurgical est recommandé dans un centre spécialisé disposant d’une expérience adéquate et d’équipes de traitement interdisciplinaires bien établies. Le “Concept de Bâle modifié sur les escarres” intègre les principes suivants, a fait ses preuves de manière croissante au cours des dernières années et est continuellement développé au sein d’une association internationale [2,11]:
- Décharge de pression
- Débridement de plaies
- Traitement des plaies/conditionnement des plaies
- Traitement des maladies générales, facteurs de risque, optimisation de l’alimentation
- Couverture des défauts par la chirurgie plastique
- Éducation/suivi/prophylaxie.
Diagnostic différentiel important
Les lésions cutanées liées à l’humidité et la dermatite associée à l’incontinence (DAI) sont définies comme une dermatite de contact irritative qui survient majoritairement chez les patients souffrant d’incontinence fécale ou urinaire. En raison de la destruction de la fonction de barrière de la peau, une inflammation est déclenchée avec une peau suintante et des plaies superficielles. Il s’ensuit souvent des infections cutanées secondaires (tableau 5). Les termes apparentés sont dermatite fessière, lésions d’humidité, dermatite périnéale ou éruption cutanée.
Les facteurs de risque sont des épisodes fréquents d’incontinence fécale et urinaire, l’utilisation de produits d’incontinence occlusifs, un mauvais état de la peau (défenses cutanées altérées, peau âgée, influence des stéroïdes) et une température corporelle élevée.
Pour le traitement de l’IAD, la gestion de l’humidité est particulièrement importante, en complément des principes de traitement décrits ci-dessus pour les escarres.
Messages Take-Home
- Les escarres apparaissent à des endroits typiques, au-dessus de protubérances osseuses. Les personnes âgées et les personnes atteintes de paraplégie sont particulièrement vulnérables.
- La profondeur de l’escarre selon la classification internationale EPUAP conduit à différents concepts de traitement (conservateur ou chirurgical).
- Le soulagement de la pression, qui est la première mesure la plus importante, nécessite une planification particulière dans le cadre d’une prise en charge ambulatoire.
- La cicatrisation et le traitement local des plaies doivent être suivis régulièrement par des professionnels spécialisés, car il s’agit d’une cicatrisation compliquée.
- Les facteurs de risque au sens bio-psycho-social du terme devraient impérativement être analysés de manière structurée et traités de manière individualisée.
Littérature :
- Haesler E (éd.) : Update 2014 : National Pressure Ulcer Advisory Panel, European Pressure Ulcer Advisory Panel and Pan Pacific Pressure Injury Alliance. Prévention et traitement des ulcères de pression : Guide de référence rapide. Osborne Park, Western Australia : Cambridge Media 2014.
- Scheel-Sailer A, et al : Escarres – une mise à jour. Forum Med Suisse 2016 ; 16 : 489-498.
- Mortenson WB, Miller WC : A review of scales for assessing the risk of developing a pressure ulcer in individuals with SCI. Cordon spinal 2008 ; 46 : 168-175.
- Organisation mondiale de la santé (OMS), et al. : Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF). Genève : OMS 2005.
- Kottner J, et al : Measuring the quality of pressure ulcer prevention : A systematic mapping review of quality indicators. International Wound Journal 2017. DOI : 10.1111/iwj.12854
- Atkinson RA, Cullum NA : Interventions pour les ulcères de pression : un résumé des preuves pour la prévention et le traitement. Cordon spinal 2018. DOI : 10.1038/s41393-017-0054-y [Epub ahead of print].
- Hellmann S, Rösslein R : Prise en charge pratique des escarres. Hanovre : Schlütersche 2007.
- Diététique. Spinal Cord Injury Evidence-Based Nutrition Practice Guideline 2014 ; Disponible à partir de : http://andevidencelibrary.com/topic.cfm?cat=3486.
- Panfil E-M, Schröder G : Soins des personnes atteintes de plaies chroniques : Manuel pour les soignants et les experts en plaies. Berne : Éditions Hans Huber 2015.
- Roche R : Incident de décubitus. Rehab Bâle : Roland de Roche 2012.
- Kreutzträger M, et al. : Analyses des résultats d’une approche de traitement multimodal des ulcères de pression profonds dans les lésions de la colonne vertébrale : une étude de cohorte rétrospective. Spinal Cord 2018. DOI : 10.1038/s41393-018-0065-3 [Epub ahead of print].
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2018 ; 28(1) : 4-10