Il est difficile d’imaginer un sport dans lequel le pied ne joue pas un rôle central, aucune partie du corps n’est utilisée de manière aussi variée que le pied humain. En cas d’utilisation sportive, il sert d’amortisseur, de levier de locomotion, d’organe de préhension rudimentaire et d’outil pour travailler avec l’objet sportif ou même avec l’adversaire. Les sollicitations continues et variées, ainsi que l’environnement humide souvent favorisé par les chaussures ou les salles d’eau partagées, rendent le pied vulnérable à la fois aux mycoses sous différentes formes et aux lésions, aiguës ou chroniques, de tous ses composants anatomiques.
Dommages dus à la surcharge
Les lésions de surcharge au niveau du pied sont probablement beaucoup plus fréquentes que les blessures aiguës, mais elles sont nettement moins bien enregistrées statistiquement. Là encore, l’accent est mis sur les blessures les plus courantes. Parmi les douleurs du talon (talalgie) de l’adulte, la fasciite plantaire occupe probablement le premier rang, du moins en termes de fréquence dans les cabinets médicaux de première ligne. On estime qu’environ 1/10 des personnes en seront affectées au cours de leur vie. Bien que les personnes en surpoids et celles qui doivent rester debout pendant de longues périodes soient particulièrement touchées, d’innombrables coureurs souffrent également de ce trouble. La fasciite plantaire est une irritation de l’insertion calcanéenne de la plaque tendineuse sur le côté médial inférieur du pied, qui peut entraîner une douleur chronique sur le côté interne du talon. Dans le langage courant, elle est souvent appelée épine calcanéenne.
La radiographie latérale du pied montre l’éperon calcanéen associé au fascia plantaire, mais il est important de se rappeler qu’il existe des éperons calcanéens sans douleur, et des talalgies sans éperon. Cette calcification, visible sur la radiographie, prouve toutefois la surcharge dans la zone susmentionnée. Le diagnostic de la douleur au talon est relativement facile à établir, avec une anamnèse assez vierge, le patient montre assez précisément où se situe le problème. Souvent, la douleur est décrite comme progressive, pire le matin au lever, aggravée par l’effort (course, sport) ou la station debout prolongée. Une forte pression sur la base de l’aponévrose plantaire réveille la douleur décrite. Un examen attentif peut mettre en évidence des “contractures” des muscles du mollet, parfois avec des irradiations de la douleur en direction distale. Dans ce cas, il convient de palper l’ensemble de l’aponévrose et, en cas de suspicion de maladie de Ledderhose (fibromatose du fascia plantaire), d’entamer éventuellement un bilan plus approfondi. Le diagnostic différentiel doit prendre en compte les douleurs radiculaires dans la zone S1, les irradiations spondylarthrosiques et une fracture de stress du calcanéum. Les mesures diagnostiques complémentaires (radiographie) sont rarement nécessaires en première instance.
Le traitement est presque toujours conservateur. Notre expérience privilégie une thérapie locale par ondes de choc, toujours combinée à un programme d’étirement des muscles du mollet. Il est crucial de prendre soin de l’ensemble du système surchargé de la jambe, précisément par des exercices d’étirement des muscles du mollet, mais aussi par la gymnastique du pied au sens large. Une autre mesure simple qui peut être appliquée par le patient lui-même est ce que l’on appelle le “rollout” : la plante du pied doit être déroulée quotidiennement et intensivement en se tenant debout sur une balle de golf. Des cales en silicone sont également souvent recommandées, mais nous pensons qu’elles ne font pas de mal ! Dans les cas très persistants, il est possible d’infiltrer localement avec des stéroïdes ou du PRP (plasma riche en plaquettes). Plus récemment, l’injection de toxine botulique a été décrite comme une aide. Il existe également des rapports sur les effets positifs de la radiothérapie.
Maladie de Sever
Un tableau clinique relativement similaire touche les jeunes sportifs en pleine croissance. Cette talalgie est un peu moins ponctuelle que la fasciite plantaire, le plus souvent les personnes concernées se plaignent de douleurs sur toute la circonférence postérieure du calcanéum. Cliniquement, on constate une douleur à la pression lors de la prise en pince. Dans de tels cas, il faut penser à une apophysite du talon, une maladie de Sever. Nous voyons assez souvent ce tableau clinique dans le cadre d’efforts sportifs intenses au début de la poussée de croissance prépubertaire. Il nous semble que les revêtements synthétiques des terrains de sport ont un effet favorisant.
Le diagnostic est avant tout clinique avec la douleur à la pression au talon décrite ci-dessus. L’examen radiologique permet d’exclure d’autres causes, il n’est donc pas nécessaire dans l’immédiat. Une éventuelle fragmentation de l’apophyse est toujours visible après la disparition des symptômes et peut également apparaître chez des enfants totalement asymptomatiques. Une évaluation par IRM semble être un peu plus précise, mais ne change pas grand-chose au traitement.
Le traitement est similaire à celui de la talalgie chez l’adulte, avec une modulation des contraintes, des exercices d’étirement et également une thérapie par ondes de choc, bien que cette technique ne soit pas vraiment indiquée chez les adolescents. Des expériences positives avec cette méthode dans une autre maladie, l’apophysite d’Osgood-Schlatter, ont incité les médecins à essayer la même chose dans la maladie de Sever, avec des effets positifs similaires.
Maladie métatarsienne de Morton
La métatarsalgie de Morton est une autre pathologie fréquente du pied. Il est contesté que Morton ait réellement été le premier à décrire cette pathologie, mais le terme de métatarsalgie est en tout cas absolument correct : il s’agit dans ce tableau clinique relativement fréquent d’une problématique douloureuse de l’avant-pied. Nous avons délibérément omis les termes de névrome de Morton ou de neurinome, souvent cités, car ils sont erronés sur le plan histologique. La cause sous-jacente de la maladie est une fibrose périneurale des nerfs intermétatarsiens, probablement d’origine mécanique, principalement dans l’espace 2-3 et plus souvent encore 3-4. L’irradiation de la douleur vers les orteils est typique de cette pathologie. Les espaces intermétatarsiens sont étroits et ce manque d’espace peut être accentué par une forme de pied creux ou de pied étalé ou par des chaussures étroites.
Le diagnostic de la métatarsalgie de Morton est purement clinique, avec une douleur à la pression dorso-plantaire rétrocapitale typique ainsi qu’un “clic” entre les têtes métatarsiennes (appelé “clic de Mulder”) et parfois le “signe de la victoire”, une ouverture en forme de V entre les orteils.
Le traitement consiste le plus souvent en un appui rétrocapital orthopédique (par ex. orthèse Metaflex de Scholl), une injection (par voie dorsale) dans l’espace douloureux, classiquement avec un corticostéroïde ou, comme décrit plus récemment, avec de la toxine botulique. Il n’est cependant pas rare de devoir faire appel à la chirurgie pour décomprimer l’espace, souvent par neurectomie. Il existe aujourd’hui des techniques mini-invasives qui ont considérablement simplifié l’intervention (technique EDIN). L’anesthésie de l’orteil, généralement permanente, n’est guère gênante.
En général, la métatarsalgie de Morton est surdiagnostiquée. Il convient de rappeler qu’il existe d’innombrables autres causes de douleurs à l’avant-pied (transfert des forces de charge sur les rayons latéraux en cas d’hallux valgus, métatarsiens très longs, orteils en marteau, instabilités métatarso-phalangiennes, muscles du mollet raccourcis, pied creux, la nécrose osseuse aseptique de la maladie de Köhler-Freiberg, etc.) Il faut donc (une fois de plus) procéder à une clarification propre [5] !
Fractures de fatigue
Les fractures de fatigue ont été décrites dès 1855 dans le cadre du diagnostic d’une fracture de marche par M. Breithaupt, médecin militaire. Dans les statistiques globales des accidents, ces fractures de stress n’occupent qu’une place modeste en termes de fréquence, mais dans le sport, en particulier dans la course à pied et chez les athlètes féminines, il faut absolument penser à ce diagnostic en cas de douleurs au pied (et à la jambe). Elle est assez fréquente dans cette zone. Une fracture de fatigue est une interruption complète ou incomplète de la continuité osseuse qui s’est produite sans traumatisme significatif. (Elle peut néanmoins être assurée en tant qu’accident et être interprétée comme une lésion corporelle assimilable à un accident). Au niveau du pied, on peut principalement trouver des fractures de stress sur le calcanéum, l’os naviculaire et les métatarsiens. Dans ce dernier cas, il convient de distinguer les fractures diaphysaires des fractures proches de la base, car leur traitement peut varier en fonction de leur localisation. En principe, une fracture de stress se produit lorsqu’il y a un déséquilibre entre la charge et la résistance de l’os. Les causes les plus fréquentes de la diminution de la capacité de charge sont les déformations de l’axe des jambes et des pieds, les déformations de la rotation externe des hanches, les pieds fléchis, les pieds plats et les pieds étalés. Il n’est pas rare que des changements dans le déroulement de l’entraînement, de nouvelles chaussures de sport, une modification de la technique (passage à la course sur l’avant du pied) ou un terrain d’entraînement inhabituel soient également à l’origine du problème.
Les symptômes de ce phénomène de surmenage sont principalement des douleurs, qui apparaissent généralement de manière insidieuse, se produisent surtout à l’effort pour disparaître généralement au repos. Cliniquement, la zone lésée est sensible à la pression. Les rougeurs et les gonflements sont rares. Le diagnostic définitif est établi par l’imagerie, bien que dans la phase initiale, la radiographie n’indiquera souvent rien. L’IRM est le moyen de diagnostic de choix, la scintigraphie n’est plus utilisée, l’échographie nécessite une très grande expérience.
Pour le traitement, il est important de faire la distinction entre les fractures dites “à faible risque” et les fractures dites “à haut risque”. La fracture du scaphoïde et celle de la base du métatarsien (II et V) ont une guérison lente (jusqu’à six mois) et sont sujettes à des complications. Dans certains cas, il est donc indispensable de procéder à une fixation chirurgicale à l’aide de vis. Les fractures des os sésamoïdes dans la zone métatarso-phalangienne I, un diagnostic assez subtil, sont également considérées comme des “fractures à haut risque”. En revanche, les “fractures à faible risque” présentent une tendance à la guérison relativement rapide (six semaines), sans complications majeures. Elles peuvent donc généralement être traitées de manière conservatrice avec une décharge relative (entraînement de remplacement, éventuellement raidissement de la semelle pendant quatre semaines, puis augmentation progressive de la charge jusqu’à la charge complète, “retour au sport” après six semaines). Cependant, il est absolument essentiel de rechercher sérieusement les causes (métabolisme osseux, troubles alimentaires, troubles hormonaux, etc.)
Outre cette sélection de pathologies du pied pouvant être présentes chez les patients sportifs, il en existe d’innombrables autres, telles que la tendinopathie, en particulier du tendon tibial antérieur, qui simule une douleur similaire à l’arthrose métatarsienne ; ou la tendinopathie tibiale postérieure avec douleur et gonflement sur le côté médial entre la malléole médiale et l’os naviculaire, pour n’en citer que deux.
Conclusion
La découverte de cette multitude de troubles du pied est classiquement précédée d’une anamnèse minutieuse et d’un examen encore plus minutieux. Cette dernière doit impérativement se faire pieds nus, en comparant les deux côtés, en position debout, dans le couloir et en étant soulagé. La palpation de toutes les structures prend du temps, mais elle est inévitable. Il n’est pas exclu que l’on consacre souvent trop peu de temps à cette étape essentielle. L’examen de la chaussure fait également partie de l’évaluation clinique complète d’un pied d’athlète altéré. Ce n’est qu’en tenant compte de tous les facteurs que les examens complémentaires appropriés (imagerie, analyse de la marche et de la course) peuvent être prescrits de manière ciblée.
En raison de la position centrale du pied dans presque tous les sports, l’athlète devrait également accorder beaucoup plus de soin à cet instrument de travail capital. Pour cela, il faudrait une formation qualifiée concernant le choix des chaussures, les soins des pieds, la gymnastique des pieds, etc.
Littérature :
5. Petri GJ, Ferrera A : Neuroma di Morton. Tribuna Medica Ticinese 2016 ; 78-80.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(12) : 4-5