Un patient de 48 ans se présente avec des douleurs thoraciques et des régurgitations volumétriques qui ne s’améliorent pas malgré un traitement par des IPP à dose standard.
Contexte: un patient de 48 ans s’est présenté à l’endocrinologue avec des douleurs thoraciques intermittentes et une régurgitation du contenu acide de l’estomac. Selon le patient, les symptômes persistent pendant des heures après les repas et le réveillent la nuit. Le patient s’est également plaint de constipation et de nausées occasionnelles, mais a rarement vomi. Le traitement avec la dose standard d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (pantoprazole 1x20mg par jour) avait amélioré la douleur thoracique, mais les autres symptômes persistaient. Le patient avait récemment perdu 5 kg et présentait un diabète de type 1 développé dans l’enfance. Ces dernières années, son contrôle glycémique était acceptable (Hba1c 6,1%). Néanmoins, il avait déjà été traité pour une rétinopathie, une neuropathie périphérique et une microalbuminurie avec une légère insuffisance rénale. Le patient ne fume pas, ne boit pas d’alcool et est sous traitement continu d’insuline, d’acide acétylsalicylique et de ramipril.
Antécédents et diagnostics : Une gastroscopie a été réalisée pour clarifier les symptômes persistants. Il s’agissait d’une œsophagite de reflux modérée (grade B) avec plusieurs érosions au niveau de l’œsophage distal, malgré un traitement antiacide. L’estomac ne contenait pas de nourriture. Aucun signe de hernie hiatale n’a été détecté. La dose d’IPP a alors été augmentée (pantoprazole 2x40mg par jour), sans amélioration significative des symptômes. Afin de déterminer l’origine des symptômes, une manométrie haute résolution et une mesure de l’impédance pH sur 24 heures ont été demandées. Les examens ont révélé une motilité légèrement inefficace (40% de déglutitions effectives) et une barrière anti-reflux œsophago-gastrique normale. Il n’y avait aucun signe de rumination.
Traitement et évolution : malgré ces résultats presque normaux, il existait une exposition pathologique sévère à l’acide avec des épisodes prolongés de reflux œsophagien le jour et surtout la nuit. Les symptômes étaient associés à une régurgitation proximale du contenu de l’estomac. La sévérité du reflux était inattendue chez un patient dont la motilité était presque normale et dont la barrière anti-reflux était mécaniquement intacte. Pour cette raison, une étude de vidange gastrique a été réalisée et une rétention pathologique du repas test, diagnostic de gastroparésie, a été constatée. Le traitement nécessite donc une thérapie IPP à haute dose (par ex. pantoprazole 2x40mg par jour), y compris une adaptation du mode de vie et de l’alimentation et la prise d’aliments très mous, en purée ou liquides, ainsi que l’évitement de la prise de nourriture 4 heures avant le coucher. Les médicaments prokinétiques peuvent également être utiles. Dans ce cas, le prucalopride, un prokinétique moderne présentant un bon profil de sécurité, a été ajouté aux médicaments antiacides. Cet agoniste 5-HT4 accélère à la fois le transit gastrique et le transit colique et a permis de bien soulager les symptômes gastro-intestinaux supérieurs et la constipation.
Commentaire du professeur Mark Fox : La gastroparésie est une cause importante d’oesophagite de reflux qui ne répond pas aux antiacides à dose standard. La lenteur de la vidange gastrique explique également la régurgitation volumétrique prolongée. Dans ce cas, l’anamnèse clinique était typique d’un diabète de type 1 avec complications, mais une gastroparésie idiopathique n’est pas inhabituelle.
Dans le cas présent, l’utilisation d’un prokinétique moderne (prucalopride) a donné de bons résultats, car son mécanisme d’action améliore la motilité inefficace des voies digestives supérieures et inférieures. L’effet secondaire le plus courant de ce médicament est la diarrhée, ce qui peut limiter son utilisation dans la pratique clinique.
Alternativement, l’administration régulière d’un alginate peut être efficace. Cette préparation empêche le reflux du contenu de l’estomac et donc non seulement les troubles liés à l’acidité, mais atténue également la régurgitation volumétrique qui perturbe le sommeil. Comme les alginates n’établissent pas de niveau d’action dans l’organisme, ils ne doivent être ni introduits ni supprimés et peuvent donc être utilisés de manière flexible dans le traitement symptomatique des troubles du reflux. Chez le patient décrit, le traitement complémentaire a été programmé pour le midi et le soir afin de couvrir au mieux les heures où les symptômes sont les plus importants.